Conclusion de la seconde partie

La première partie nous a permis de préciser les déterminants socio-économiques des choix résidentiels des ménages. Par ailleurs, nous avons montré l’intérêt d’introduire dans l’analyse la spatialité des biens publics locaux pour évaluer la valorisation immobilière de l’offre de biens publics locaux et plus particulièrement de l’aménagement de l’espace public urbain.

A partir des ces enseignements, nous avons réalisé un test empirique sur la valorisation immobilière de l’offre de biens publics locaux qui concerne les transactions immobilières des logements dits anciens achetés par des particuliers en 1995 sur le territoire de la commune de Lyon. La méthode des prix hédonistes retenue pour le test empirique est la méthode traditionnelle en coupe instantanée. La spécification de la fonction est conforme à celle proposée par Yinger, à l’exception de l’absence de la variable fiscale. En effet, l’absence d’information sur la charge fiscale foncière payée par les ménages ne permet pas de l’introduire dans la fonction des prix hédonistes.

L’estimation de la fonction de capitalisation par la méthode des moindres carrés ordinaires explique environ 80 % de la variance. Elle indique que l’aménagement de l’espace public participe à la formation du prix de l’immobilier résidentiel de façon non négligeable. Plusieurs scénarios d’aménagement de l’espace public urbain ont permis de simuler la valorisation immobilière des aménagements. Les résultats sont importants, puisque entre la situation la plus favorable et la moins favorable en termes d’aménagement de l’espace public urbain, l’écart des prix des biens immobiliers est d’environ 45 %. Pour chaque transaction, nous avons calculé le prix estimé à l’aide de l’équation de capitalisation et la valorisation immobilière correspondant aux effets de l’aménagement de l’espace public urbain. Le cumul de la valorisation de l’aménagement concernant toutes les transactions immobilières étudiées représente environ 17 millions de francs, soit 3,8 % du montant des transactions analysées.

Les résultats n’infirment pas la théorie. Les biens publics interviennent dans le choix résidentiel des ménages et participent alors à la formation du prix des biens immobiliers. Comme attendu, les prix des biens immobiliers se décomposent en plusieurs parties, à savoir la valorisation des caractéristiques intrinsèques du logement, des attributs de l’immeuble, des aménités environnantes et des biens publics locaux comme l’aménagement de l’espace public urbain. La théorie a été basée sur l’importance de la distance au centre dans le prix des biens immobiliers, l’estimation indique que son rôle demeure important dans la formation du prix des biens immobiliers. Deux logements similaires l’un situé au centre et l’autre à 1 km du centre connaissent un écart de prix de 9,1 % en défaveur du logement localisé en périphérie.

Les résultats établissent la présence d’autocorrélation et confirment ainsi la nécessité de tenir compte de la distribution spatiale des observations dans l’estimation de la fonction de valorisation immobilière. En effet, l’estimation d’une fonction des prix hédonistes sur des données comme les transactions immobilières qui se caractérisent par une localisation singulière oblige à s’interroger sur les conséquences de l’espace sur l’estimation des modèles économétriques standard. En effet, l’organisation des observations dans l’espace et l’homogénéité interne des quartiers conduisent à remettre en cause les hypothèses de base des méthodes économétriques et à biaiser ainsi les paramètres estimés et les tests associés. Le recours aux modèles spatiaux développés par l’économétrie spatiale introduit l’autocorrélation spatiale dans l’estimation.

La définition des relations entre les observations à l’aide d’une matrice spatiale est une étape cruciale dans l’économétrie spatiale puisqu’elle détermine les résultats de l’estimation. Le choix est arbitraire puisqu’il n’existe pas de tests permettant de privilégier une forme plutôt qu’une autre. La seule indication est la nature des observations. Les transactions immobilières étudiées sont des données ponctuelles, aussi une matrice spatiale correspondant à une mesure de la distance séparant chaque point est privilégiée. Des tests spécifiques mettent en évidence l’existence d’autocorrélation spatiale dans les données étudiées. Par ailleurs, la présence d’hétéroscédasticité et l’absence d’une distribution normale des résidus dans l’analyse obligent à une interprétation nuancée de ces résultats et à l’utilisation de méthodes d’estimation spécifiques.

En effet, les tests de spécification de la forme du modèle spatial sont contraints par des hypothèses sur la forme des résidus issus de l’estimation de la fonction des prix hédonistes avec la méthode des moindres carrés ordinaires. Seul, les résultats du test de Kelejian-Robinson ne sont pas sensibles à la structure des résidus. Les résultats donnés par ces tests indiquent le type d’autocorrélation à privilégier, c’est-à-dire la forme de la fonction à retenir. Le recours à telle ou telle fonction spatiale entraîne des différences d’interprétation quant à l’explication de la provenance de l’autocorrélation spatiale. Par ailleurs, les modèles spatiaux sont estimés en utilisant généralement la méthode du maximum de vraisemblance. La présence d’hétéroscédasticité et d’une distribution non normale des résidus conduit à recourir aux méthodes des variables instrumentales.

Dans le test empirique, en fonction de la matrice spatiale retenue, les tests de spécification favorisent l’un ou l’autre des modèles spatiaux. L’estimation du modèle spatial avec autocorrélation et du modèle spatial autorégressif révèle en général une surestimation des paramètres estimés lors de l’absence de prise en compte de l’autocorrélation spatiale. Certaines variables ne sont plus significatives comme la variable distance au centre qui dans le modèle 7 (avec la matrice W3) n’est plus significative. L’écart de prix s’établit dans le cas de la prise en compte de l’autocorrélation (modèle 7 avec la matrice W3) à 41 % au lieu de 45 %. En revanche, l’appréciation de la valorisation totale s’établit au environ de 17 millions de francs, soit 3,8 % du montant des transactions. Les paramètres calculés sont généralement plus faibles lors de l’estimation spatiale.

Le recours aux méthodes de l’économétrie spatiale demeure difficile notamment pour des observations résultant de coupe transversale connue pour posséder souvent de l’hétéroscédasticité. En effet, le non respect des hypothèses d’absence d’hétéroscédasticité et de distribution normale des résidus complexifie l’emploi de l’économétrie spatiale. Par ailleurs, la possibilité d’existence de colinéarité entre la variable spatiale et les autres variables explicatives rend difficile une conclusion formelle sur les effets de l’introduction de l’autocorrélation spatiale dans la mesure de la valorisation immobilière de l’aménagement de l’espace public urbain.