Jusqu’en 1975, le marché du cinéma tunisien, dominé par des compagnies étrangères, avait pour principale conséquence d’interdire l’accès du film tunisien aux salles de cinéma de son pays, et par voie de conséquence d’empêcher toute production normale de films tunisiens 40 . La Tunisie était un des rares pays africains à posséder une infrastructure technique et industrielle complète lui permettant de confectionner des films en noir et blanc : le complexe cinématographique de Gamarth, et cela depuis 1967.
L’idéologie gouvernementale qui sous tend cette option est celle-ci : il s’agit d’allier les vertus de dynamisme de “ rentabilité ”, de “ développement ” attribuées à la libre entreprise, aux exigences socio-culturelles et politiques que doit défendre l’état dans tous les secteurs de l’économie nationale. Cette voie réformiste tend à éviter les affrontements trop brutaux avec les intérêts étrangers, privilégie les accords à l’amiable et la fameuse politique des étapes de l’ex-président tunisien, H. Bourguiba 41 . Cette voie réformiste commence souvent son action par la création et l’extension des réseaux de cinéma non commercial (ciné-clubs, ciné-bus de brousse) qui créent une clientèle et un “ pré-rodage ” de l’état dans le domaine de la distribution de films. La Tunisie a ajouté à ces mesures la tenue d’un festival du cinéma, le JCC (les Journées Cinématographiques de Carthage), réunissant les pays potentiellement concernés par les mêmes problèmes de décolonisation cinématographique 42 . L’ensemble de ces mesures a essentiellement pour effet de préparer le terrain en provoquant une prise de conscience de la part des cadres concernés (cinéastes, enseignants, hommes de culture, etc.), prélude à une mobilisation future 43 .
Les études sur le cinéma tunisien retiennent quatre grandes périodes dont les dates obéissent à une catégorisation thématique 44 . Les films du corpus retenu appartiennent aux deux dernières périodes.
O. Khlifi, L’histoire du cinéma en Tunisie (1896-1970), éditions de la Société tunisienne de diffisuion, Tunis, 1970, p. 104.
T. Cheriaa, Cinéma et culture en Tunisie, UNESCO, Beyrouth, 1964, p. 205.
L. Marcorelles, “ Le pari de Carthage ”, Le Monde, Paris, 7 novembre 1974.
CinemArabe, “ Spécial Carthage ”, ns° 4-5, Paris, octobre 1976.
M. Ben Rajab, “ Les étapes du développement du cinéma tunisien ”, Le temps, Tunis, 10 octobre, 1975.