3) 1980-1990

Elle présente quelques similitudes avec les années précédemment évoquées. C’est la période des films qui ont pour thème l’identité arabe et africaine. A cet égard je cite les films les plus connus : Soleil des hyènes (1977) de Ridha Behi, L’ombre de la terre (1982) de Taïeb Louhichi, Les baliseurs du désert (1986) de Nacer Khémir, Les sabots en or (1988) de Nouri Bouzid, etc. Tous les films de cette période furent des premiers longs métrages réalisés par de nouveaux venus dans la profession. Entre 1978 et 1982, deux réalisatrices tunisiennes, Selma Baccar et Néjia Ben Mabrouk, tournèrent leurs premiers longs-métrages dont les sorties en salle furent interdites par les autorités du pays. Elles y abordent des sujets tels que la sexualité féminine, l’éducation sexuelle des enfants à l’école, l’égalité entre hommes et femmes, etc. 58 La figure dominante de cette période reste incontestablement Nouri Bouzid, un nouveau venu dans la profession dont le premier long métrage date de 1986. Avec trois longs métrages en six ans - L’Homme de cendres (1986), Les Sabots en or (1989) et Bezness (1992) - ce diplômé de l’INSAS introduisit en effet dans le cinéma arabe des thèmes jusque-là inexplorés tels que les mauvais traitements infligés aux enfants, l’homosexualité ou la prostitution masculine.

Les films de cette décennie s’engagent en général dans une réflexion sur l’individu arabe, et sur les malaises qu’il éprouve dans son propre pays. Pendant cette décennie, les cinéastes tunisiens insistent autant que les cinéastes arabes sur les thèmes de l’identité et de l’appartenance. La production par soi-même d’un cinéma exclusivement arabe et maghrébin est nécessaire aussi bien pour sauvegarder et consolider son image de soi, son identité, que pour penser et créer sa propre réalité, son propre destin 59 . Au-delà des fictions particulières, le cinéma est conçu comme un moyen pour chercher et comprendre son identité. Les films visaient la réappropriation de l’histoire et de l’identité arabe. L’insistance, parfois obsessionnelle, sur le thème de l’identité et de l’appartenance “ arabe ” est en fait une manière d’affirmer son existence. Le cinéma tunisien de cette décennie s’inscrit dans la même lignée que le cinéma arabe qui s’intéresse au développement des thématiques spécifiquement arabes ; néanmoins, les réalisateurs tunisiens s’intéressent à développer, en plus, des thématiques de spécificité nord-africaine. Ils situent ces thématiques non plus dans le cas généralisant de la “ Nation arabe ”, mais dans le cas plus réduit et “ intimiste ”, celui de la “ Tunisie arabe ”.

Notes
58.

A. Ben Aissa, Tunisie, 30 ans de cinéma, EDICOP, Tunis, 1996, p. 78.

59.

Ariss, Ibrahim al-, “ Le cinéma arabe, ce qu’il est, ce qui reste ”, Contact, n° 27, Tunis, 1er octobre 1974.