V. La narration musicale : la musique et ses variations

L’un des problèmes majeurs dans l’analyse de la bande-son est, par rapport à la bande-image, qu’elle comporte beaucoup plus de matériel non diégétique. La musique de film est principalement extra-diégétique (le rapport de la parole à l’image considérée du point de vue de la diégèse). La musique, qui n’a pas en elle-même de valeur narrative (elle ne signifie pas des événements), devient un élément narratif du texte par sa seule coprésence avec des éléments comme l’image, la mise en séquence ou les dialogues : il faudra donc prendre en compte sa participation à la structure du récit filmique. La musique parfois est employée en tant que signe ; ainsi dans le cas d’un acte fréquemment renouvelé, il suffit, au départ, d’une seule représentation, avec accompagnement ; ensuite la musique indique le répétition, sans que l’acte ne soit montré.

Plus souvent, la partition - ou le silence - soulignent un moment particulièrement grave, et forcent l’attention du spectateur (par exemple un fond sonore qui sera rappelé dans toutes les scènes dramatiques, cf. L’Homme de cendres). Dans certaines séquences, le fond sonore, sans l’image, suffit à informer le spectateur de l’état psychologique et émotionnel du personnage. En effet, ‘“ la sonorisation se partage entre deux codes principaux, l’un indicatif, donnant des informations, l’autre fonctionnel, servant à canaliser et à orienter la réception du message par le public’ ‘ 170 ’ ‘ ”’.

Dans les films du corpus, la musique construit un monde complexe. La musique extradiégétique est strictement limitée et peu diversifiée, et se distingue par deux thèmes musicaux. Le premier thème, dans Les Silences du palais, relève de la “ musique instrumentale classique ” avec flûte et luth. Il se concentre essentiellement dans l’ouverture et la clôture du film et correspond aux déambulations du personnage d’Alia ; il annote ses parcours et ses déplacements. Le second thème, dans L’homme de cendres, est une musique de percussions, réfère à des moments de dangers ou de panique. Ce thème ponctue les situations de tensions vécues par le personnage Hachemi et montre à la fois sa vulnérabilité, ses hésitations ou sa peur (cf. respectivement le conflit avec ses parents, avec Ameur, peur devant les femmes).

Notes
170.

P. Sorlin, op. cit., p. 62.