Petite conclusion

Dans ce chapitre, nous avons fait l’examen des niveaux narratifs : qui raconte, quand, à qui et comment le raconte-t-il? La narration ne renvoie pas toujours à une instance abstraite ; elle fait également appel aux personnages, féminins et masculins, qui, eux aussi, racontent. D’où l’importance, pour l’analyse, de repérer les positions et les places prises par ces personnages, les réseaux qu’ils instituent, les déplacements, les ajustements et les déclassements dont ils sont l’objet. Dans cette perspective, les personnages sont des entités en perpétuelle transformation qui sont traversées par des faisceaux de contradiction. La modalité du savoir est le point nodal des distinctions qui sont établies dans le film entre, d’une part, les personnages qui savent raconter et ceux dont la narration est hachée, et, d’autre part, entre les personnages qui détiennent un savoir et ceux qui ne l’ont qu’à moitié, et enfin, entre les personnages qui se situent à la frontière des niveaux diégétique et extradiégétique et ceux qui restent ancrés dans la diégèse. Ces divers types de modalisation sont à la base de la constitution des sujets sémiotiques ; ils canalisent et orientent le pouvoir et le savoir à l’intérieur du texte filmique.

Dans ce système, la notion de focalisation est fondamentale. Elle renvoie aux modulations du savoir des narrateurs, des personnages et du spectateur, aux modalités de la production et de la rétention de l’information (au débit du savoir), à la dimension cognitive et à la manière dont le spectateur infère ce savoir. En d’autres termes, ce que le film énonce implique un présupposé qui relève du fonctionnement de la diégèse. C’est grâce aux inférences diégétiques que se construisent les formes et les figures sémantiques où viennent se cristalliser l’univers féminin et les rapports femmes-hommes, ainsi que toutes les représentations qui leur sont adjacentes. La superposition des trois pôles de savoir, personnage/narrateur/spectateur, montre que le savoir se partage, se diffracte et s’éparpille entre personnage et narrateur, narrateur et spectateur. Le savoir devient dès lors l’une des principales constituantes des systèmes évaluatifs à l’oeuvre dans le récit filmique. Dans ces systèmes se dévoile la compétence des personnages qui nous informe sur ce qu’ils font, sur ce qu’ils savent faire et sur ce qu’ils ne savant pas faire, sur le pouvoir-faire, sur le devoir-faire et sur ce qui ne doit pas se faire. La formation de ces micro-univers dans lesquels les savoirs se confrontent, institue des règles de conduites des règles de l’acceptable et de l’inacceptale qui s’appliquent aux personnages des deux sexes et à leurs rapports.

Dans la partie suivante, nous utilisons une autre approche, celle de l’analyse du contenu ou de l’analyse thématique en raison même de l’importance que nous accordons aussi bien au contenu qu’au médium, le cinéma. Quels sont, dans les films du corpus, les thèmes relevant de l’univers féminin et des rapports hommes/femmes? Comment sont-ils abordés par le récit filmique?