III. Sexualité, corps et culture dans l’idéologie du couple

Les productions cinématographiques jouent un rôle important dans la définition de l’identité féminine et le partage des rôles sociaux. L’apprentissage du statut de l’individu dans la société maghrébine est conditionné par l’appartenance à un sexe déterminé. Il s’agit de la définition d’une norme par rapport à laquelle il ne peut y avoir déviation. L’image de la femme se construit à partir du présent mais aussi à partir d’un legs du passé. Grâce au cinéma et à la littérature en Tunisie, la femme devient comme un outil de dérangement, un agent de rupture et de libération par la fiction. En outre, il y a rapport entre la sexualité, la fertilité, et le statut social. En effet, la société tunisienne, même actuellement, n’admet pas le renoncement au mariage ; la destinée de toute femme est d’être épouse et mère, indépendamment du fait qu’elle exerce une profession ou qu’elle étudie. Même dans le cas légal du mariage, la sexualité féminine en tant qu’activité autonome est ignorée, bannie, elle n’est principalement reconnue que comme activité de l’enfantement.

Bien que plusieurs critiques insistent sur l’aspect pudique et l’absence de sexualité du cinéma tunisien, mais cela ne signifie pas absence de sexualité, au contraire, celle-ci est vécue sous un mode doucement paroxystique et s’inscrit dans les interstices du récit. La sexualité est l’implicite qu’on absentifie pour mieux le faire émerger. Par exemple dans L’Homme de cendres,l’existence marginale et minorée des personnages féminins parasite la trop grande présence masculine et la perturbe. Dans les films du corpus, la sexualité ne s’expose pas de façon bruyante, elle se situe à côté et se tient un discours parallèle qui fait parfois exploser le caché et le retenu. Une analyse attentive montre qu’il n’en est rien et que la sexualité et l’érotisme sont bien présents. Cependant, ils mobilisent des éléments différents de ceux auxquels les autres cinématographies nous ont habitués ; leur stratégies n’étant pas les mêmes. La spécificité du cinéma tunisien est de mettre en relief la sexualité tout en la biffant : plus il la couvre, plus il la découvre et plus il montre qu’il la recouvre. A cet égard, et tout en jouant sur le seuil, la musique et le chant sont le lieu où se dit le surgissement du désir. Dans la musique, on trouve la surveillance des jeunes femmes par leur père, leur frère, leur mère ou leur beau-frère, qui signale la prégnance de la peur des rencontres entre les deux sexes et le potentiel érotique et, par définition, subversif du corps féminin.