II.3 Leur rôle depuis la mise en exploitation :

Même après la passation de pouvoirs de TML à Eurotunnel, prévue pour le 10 décembre 1993, il allait encore falloir attendre que le système de transport dans son ensemble, c'est-à-dire les tunnels, les navettes ferroviaires et les trains, soit testé et accepté par la CIG. La Commission devait, en effet, vérifier la conformité des sous-systèmes par rapport aux plans, en situation normale dans un premier temps, puis en situation dégradée. Chaque sous-système était testé afin d'éprouver ses capacités et sa résistance ; il en était de même pour le matériel roulant qui fut soumis à des essais très stricts à l'arrêt, puis en marche. Environ 500 personnes - constructeurs, concessionnaire et membres de la CIG - travaillèrent sur ces essais. Le processus de réception était considéré comme terminé à l'obtention du certificat d'exploitation, qui permettait, comme son nom l'indique, le démarrage de l'exploitation du tunnel sous la Manche. En février 1994, Eurotunnel dut annoncer un nouveau retard dans la mise en service du trafic des navettes de fret, alors prévue pour le 7 mars, dû à des renouvellements d'essais en vue d'assurer une sécurité totale aux voyageurs. La direction expliqua le retard en ces termes : "Nous sommes obligés de multiplier certains essais, notamment ceux du matériel roulant" (...) "refaire les essais pour assurer une sécurité totale, cela signifie qu'il faut tester à nouveau chaque équipement un à un" 126 . La sécurité, encore et toujours, préoccupation majeure des concepteurs, de l'exploitant et des deux gouvernements, serait assurée au prix de lourdes contraintes. La réalisation de l'ouvrage a été entièrement privée, mais la sécurité a été l'unique domaine où les Etats sont intervenus par le biais de la CIG qui, elle seule, avait le pouvoir de décider si le système pouvait être mis en exploitation commerciale. Dans ce sens, un certain nombre de mesures ont été prises pour faire du tunnel un système de transport sûr, en particulier des mesures de lutte contre le feu, considéré comme le danger principal dans ce type d'exploitation. La CIG a accordé une très grande attention à ces problèmes de sécurité, car le moindre accident, voire même le moindre incident, pouvait avoir un impact sur la clientèle et Eurotunnel ne pouvait se permettre de perdre aucun client vu l'ampleur de l'investissement. En juin 1994, Eurotunnel obtint le feu vert de la CIG pour le démarrage de l'exploitation commerciale du service Shuttle fret ; en revanche, l'autorisation pour le passage des TGV Eurostar n'était toujours pas accordée à l'été 1994, au grand dam des réseaux ferroviaires, la CIG ayant jugé nécessaire d'effectuer de nouveaux tests d'endurance et d'évacuation. Le feu vert de la CIG fut octroyé en octobre 1994 en vue d'un démarrage de l'exploitation commerciale du TGV Eurostar à compter du 14 novembre 1994, moyennant une restriction demandée par Eurotunnel et accordée par la CIG : l'interdiction pour les Eurostar de circuler du samedi 8 heures au dimanche 16 heures, afin d'effectuer les mises à niveau technique du logiciel du système informatique de circulation et de contrôle des trains dans le tunnel. Le 22 décembre 1994, enfin, Eurotunnel obtint le feu vert de la CIG pour le démarrage de l'exploitation commerciale des navettes de tourisme dans le tunnel sous la Manche. Ainsi, à la fin de l'année 1994, quatre types de convois avaient obtenu l'autorisation de la CIG : les navettes poids lourds, les trains de marchandises, les TGV Eurostar et les navettes de tourisme ; il restait encore les autocars et véhicules hors gabarit et les autocars spéciaux pour les piétons et les cyclistes, dont l'autorisation était prévue au cours du premier trimestre 1995. Néanmoins, la montée en régime s'est effectuée progressivement mais sûrement.

Notes
126.

BENSAHEL, N., "Les passagers d'Eurotunnel seront en retard à Londres", Libération, 9 février 1994, p. 10.