IV - L'ENVIRONNEMENT : DEFENSE ET PROTECTION

Un aspect du projet mérite d'être développé un peu plus longuement compte tenu du rôle qu'il a joué : il s'agit, bien entendu, de la question de l'environnement, si chère aux yeux des Britanniques.

IV.1 Défense de l'environnement :

La question de l'environnement a été prise en compte dès le début dans les choix du projet. Le tunnel a été construit à une époque sensibilisée aux problèmes d'environnement. Dans le Kent, le "jardin de l'Angleterre", en particulier, l'annonce d'un projet d'une telle ampleur qui allait toucher des sites naturels dits de "grande beauté" ou "d'intérêt scientifique particulier" 130 , a suscité de vives inquiétudes. Du côté français, les données n'étaient pas les mêmes ; la région prévue pour le chantier était faiblement peuplée ; ainsi, les habitants de la région Nord-Pas-de-Calais avaient peu de protestations à formuler contre la construction du tunnel qui était pour eux, avant toutes autres considérations, synonyme d'emplois, de nouveaux débouchés commerciaux, industriels et touristiques et d'un meilleur réseau de transport. Dès l'origine, les gouvernements français et britanniques ont exigé une étude sur les effets sur l'environnement comme faisant partie intégrante de la documentation à fournir dans le cadre de la compétition entre les différents projets. Une des raisons pour lesquelles le projet de France-Manche / Channel Tunnel Group fut choisi parmi les quatre projets en lice est qu'il "répond(ait) aux inquiétudes de l'opinion publique en matière d'environnement et de sécurité" 131 .

En quoi consistaient donc les "inquiétudes de l'opinion publique en matière d'environnement" ? La réaction du grand public, surtout du côté britannique, a été plutôt virulente au début à la perspective du projet en raison des expropriations des maisons ou des terres, de la dévaluation des biens, puis, plus tard, des perturbations et nuisances créées au cours des sept années de construction du tunnel et de ses infrastructures d'accompagnement (boue sur les routes par temps de pluie, poussière dans les maisons par temps sec et bruit par tous les temps), entraînant une modification définitive de leur mode de vie. Ceci explique la création d'un vigoureux lobby 132 anti-tunnel de la part des résidents du Kent qui étaient opposés au tunnel et au TGV, considérés comme des sources de nuisance et de circulation accrue.

Le Dr Elisabeth Culbard 133 a décrit ces doléances comme "extrêmement pénibles pour ceux qui devaient répondre aux questions" 134 et Penny Smith, à Eurotunnel, décrivait la colère des plaignants en ces termes : "Nous avons connu toutes sortes de vandalisme : briques à travers les fenêtres, de la peinture sur les murs du parking - même un oeil de mouton collé sur un écran" 135 .

Notes
130.

SPICK, J., WILSON, J., Eurotunnel, chronique d'un rêve accompli, Paris : France-Manche, Editions Solar, 1994, p. 136.

131.

Ministère de l'Equipement, avril 1986, p. 20.

132.

Groupe de pression (ou "groupe d'intérêt" ou "groupe d'influence" ; en angl. lobby) : Regroupement de personnes physiques ou morales autour d'un intérêt spécifique commun et qui s'organisent pour orienter les décisions des pouvoirs publics dans un sens favorable à celui-là, ECHAUDEMAISON, C.-D., Dictionnaire d'Economie et de Sciences Sociales, op. cit., p. 208.

133.

Directeur de l'environnement chez Eurotunnel.

134.

WILSON, D., op. cit., p. 101.

135.

ibid.