V.2 TGV Eurostar : "l'étoile du rail" 188

L'Eurostar, mot à mot "l'étoile de l'Europe", fruit de la collaboration entre trois compagnies ferroviaires, la SNCF, la SNCB 189 et British Rail, via sa filiale EPS 190 , est le premier train européen que les trois réseaux exploitent sous l'égide d'une équipe de gestion 191 installée à Londres. Construit par un consortium d'entreprises piloté par GEC-Alsthom, le TGV Transmanche est une prouesse technologique qui a su s'adapter aux spécificités des trois réseaux ferroviaires. En effet, l'Eurostar a été un vrai casse-tête pour les ingénieurs de la SNCF et de GEC-Alsthom qui ont dû faire face à des contraintes techniques très lourdes afin de s'adapter aux normes de courant, de sécurité, de signalisation et de gabarit de chaque pays européen. De plus, il a fallu le rendre moins vulnérable aux incendies et aux chocs, tout en l'adaptant aux spécificités du réseau anglais.

Les caractéristiques techniques de l'Eurostar sont les suivantes : le TGV Eurostar, long de 394 mètres, est composé de 18 voitures (2 voitures-bar, 6 voitures de première classe et 10 voitures de seconde classe) et de 2 motrices ; il offre 794 places (210 en première classe et 584 en seconde) plus 52 strapontins. A terme, 31 rames assureront la liaison entre les trois capitales. D'un point de vue esthétique, le TGV Transmanche est très coloré vu de l'extérieur (en jaune, bleu marine et blanc), mais très sobre à l'intérieur (en gris/bordeaux en première classe et en gris/jaune en seconde classe). D'autre part, le TGV Transmanche a été élaboré dans l'optique d'attirer la clientèle des hommes d'affaires habitués à la qualité de service des compagnies aériennes. On trouve ainsi, à bord de l'Eurostar, un personnel bilingue habillé par Pierre Balmain ; il est très aisé de travailler pendant les trois heures de trajet (mais il n'y a pas de prise électrique) ; pour ce qui est de la restauration, la prestation est servie à la place et incluse dans le prix du billet en première classe, alors qu'en seconde classe, les voyageurs ont accès à une voiture-bar ou peuvent bénéficier d'un service de vente ambulante ; les divers équipements sont prévus pour les handicapés. En revanche, en ce qui concerne le téléphone, il semblerait que l'Eurostar ait manqué le train de l'Europe des Télécommunications ; en effet, les quatre cabines téléphoniques existant à bord n'acceptent que la carte bancaire (fortement taxée) ou une télécarte Eurostar. Toutefois, il est possible d'utiliser un téléphone cellulaire. La rançon de cette prouesse technologique est le coût : une rame de TGV Transmanche coûte 210 millions de francs 192 , alors qu'une rame du TGV Nord (par exemple) coûte 78 millions de francs.

Malgré sa performance technique, la mise en service du TGV Eurostar, initialement prévue à l'été 1993, puis 1994 (en raison d'un retard de plus d'un an de GEC-Alsthom pour la livraison des trains passagers), fut de nouveau retardée, comme nous l'avons vu précédemment, car la CIG n'avait pas donné son feu vert. La Commission donna son feu vert en octobre 1994 pour que débute le service commercial du TGV Eurostar, avec un lancement prévu le 14 novembre 1994. Le TGV Eurostar joua de malchance peu de temps avant l'ouverture au public : en effet, le 20 octobre 1994, à l'occasion de son entrée en scène auprès de la presse britannique et en présence de membres de la CIG, un incident technique dans le coupe-circuit d'une voiture motrice obligea les 400 journalistes, invités pour l'occasion, à voyager dans une rame de remplacement.

Il faut ajouter à cela les trains de marchandises qui, tout comme le TGV Eurostar, allaient emprunter le tunnel sous la Manche.

La construction du tunnel sous la Manche et des infrastructures d'accompagnement a représenté l'un des plus grands chantiers du siècle, comme nous l'avons déjà vu. Une réalisation d'une telle ampleur allait nécessairement avoir des répercussions sur les régions concernées, notamment celle du Kent. Avant d'aborder cet aspect, il reste à traiter la question du coût et du financement du projet.

Notes
188.

BAVEREL, P., "Eurostar, l'étoile du rail", Le Monde, 7 mai 1994, p. 30.

189.

Société Nationale des Chemins de fer Belges.

190.

European Passenger Services.

191.

Joint Business Management Team (JBMT)

192.

CAME, F., "L'Histoire écrite dans la craie", The Guardian / Libération, article déjà cité.