II - ESTIMATIONS POUR LE TRAFIC SHUTTLE :

Les consultants estimaient que les voyageurs entre la Grande-Bretagne et la France allaient être tentés d'emprunter le tunnel pour diverses raisons : rapport temps de trajet/coût, confort, sécurité, fréquence des traversées, ponctualité, facilité d'accès...etc..., que les autres moyens de transport n'offraient pas systématiquement. Les estimations des consultants étaient revues chaque année, comme nous pouvons le constater dans le tableau n°17 qui récapitule les prévisions de SETECE-WSA de 1987 à 1990 pour 1993 (première année pleine prévue d'exploitation du tunnel), 2003 et 2013. Nous pouvons noter que les estimations en ce qui concerne le fret étaient plus optimistes que celles concernant le trafic passagers, puisque les chiffres restaient en hausse (même légère) quelle que soit l'année de référence pour le fret, alors que les prévisions pour le trafic des passagers accusaient une baisse sensible entre 1989 et 1990, que ce soit pour 1993, 2003 ou 2013.

Tableau 17 : Evolution des prévisions pour le trafic Shuttle
  SHUTTLE SHUTTLE
  PASSAGERS FRET
Pour 1993 :    
en 1987 13,2 7,5
en 1988 15,3 8,1
en 1989 15,8 9,0
en 1990 14,6 9,0
Pour 2003 :    
en 1987 18,1 10,5
en 1988 21,5 12,2
en 1989 22,9 14,2
en 1990 19,9 14,6
Pour 2013 :    
en 1987 20,5 13,2
en 1988 27,4 16,2
en 1989 29,0 19,2
en 1990 25,0 19,9
(en millions de passagers et de tonnes de marchandises)
Source : SETECE-WSA juin 1990

Ceci s'expliquait sans doute par la récession économique des années 1990-1991 qui laissait prévoir une croissance plus faible du PIB britannique entre 1991 et 1993 ; il en résultait une légère révision à la baisse des estimations pour 1993, sans grande influence cependant sur le long terme. Aussi, lorsque les consultants remirent en juin 1991 leurs prévisions revisées, la société Eurotunnel considéra qu'elles ne reflétaient pas parfaitement la réalité et qu'elles jouaient en sa défaveur. Les nouvelles prévisions de trafic de SETECE-WSA sont récapitulées dans le tableau n°18.

Tableau 18 : Evolution des prévisions pour le trafic Shuttle
  SHUTTLE SHUTTLE
  PASSAGERS FRET
Pour 1993 :    
en 1987 13,2 7,5
en 1990 14,6 9,0
en 1991 12,8 8,5
90/91 (%) -12,3 -5,6
Pour 2003 :    
en 1987 18,1 10,5
en 1990 19,9 14,6
en 1991 18,6 15,3
90/91 (%) -6,5 +4,8
Pour 2013 :    
en 1987 20,5 13,2
en 1990 25,0 19,9
en 1991 23,3 22,5
90/91 (%) -6,8 +13,1
(en millions de passagers et de tonnes de marchandises)
Source : SETECE-WSA juin 1991

Les objectifs d'Eurotunnel en matière de trafic étaient calculés en fonction d'un détournement du trafic des compagnies maritimes et des compagnies aériennes. Ainsi, la société comptait s'attirer une bonne part du marché transmanche en expansion, à savoir 32,8 % des voyageurs et 18,2 % du fret, sur le transport aérien et maritime. On estimait que le tunnel allait stimuler l'augmentation du trafic passagers pour ensuite subir le contrecoup de la concurrence qui allait limiter la part de marché d'Eurotunnel, soit 29,1 % du trafic passagers et 18,5 % du trafic fret en 2013. En 1991, les consultants révisaient les estimations à la baisse, avec 27,1 millions de passagers et 15,4 millions de tonnes de fret (tous services confondus) prévus pour 1993, soit une perte de 1,5 million de passagers et de 0,8 million de tonnes de fret par rapport aux prévisions de 1990. La part du trafic aérien (60 % en 1990) était, quant à elle, en croissance régulière sur un marché transmanche de 64 millions de passagers par an (hors transit).

En 1992, Eurotunnel, d'après le volume de trafic entre Calais et Douvres et les résultats de ses propres études de marché, avait toute confiance dans le potentiel du marché pour ses différents services. En effet, au 31 mars 1992, on notait un accroissement de 16 % du trafic automobile et de 7,5 % du trafic fret sur la traversée Calais-Douvres sur l'année écoulée par rapport aux 12 mois précédents, malgré la récession (les pourcentages étaient supérieurs à ce qui était prévu).

Si on considère qu'Eurotunnel allait être un système de transport ayant une capacité maximum d'une vingtaine de trains et de navettes par heure, cela devait correspondre en 2003 au passage annuel de 44 millions de passagers et de 26 millions de tonnes de marchandises environ. Le pari reposait sur les 50 % de part de marché de passagers et 30 % de fret qu'Eurotunnel espérait gagner dès 1997. La même année, les consultants remettaient à Eurotunnel leurs prévisions revues en 1991 pour 2003 et 2013 (tableau n°19).

Tableau 19 : Evolution des prévisions pour le trafic Shuttle
  SHUTTLE SHUTTLE
  PASSAGERS FRET
Pour 2003 :    
en 1987 18,1 10,5
en 1991 18,6 15,3
en 1992 19,1 14,7
91/92 (%) +2,7 -3,9
Pour 2013 :    
en 1987 20,5 13,2
en 1991 23,3 22,5
en 1992 24,3 21,9
91/92 (%) +4,3 -2,7
(en millions de passagers et de tonnes de marchandises)
Source : SETECE-WSA juin 1992

La tendance semblait alors s'être inversée, avec un trafic Shuttle passagers en hausse alors que celui du fret était en légère baisse.