CHAPITRE 1.
IMPACT DU TUNNEL SUR LE KENT DEPUIS LA MISE EN EXPLOITATION :

Avant de procéder à l'étude des résultats après les trois premières années d'exploitation du tunnel, nous avons jugé utile de formuler quelques remarques nécessaires à la poursuite de notre travail. Lorsque nous nous sommes proposé de mesurer l'incidence du tunnel sous la Manche sur la région du Kent, les données étaient sensiblement différentes.

La mise en exploitation du nouveau système de transport était prévue pour le mois de juin 1993, juste avant la saison estivale ; or, il s'avère que la société a dû régler divers contentieux ³⁷³ et respecter des normes très strictes avant de pouvoir autoriser le passage des navettes et des trains dans le tunnel ; ceci a retardé le démarrage des différents services proposés par Eurotunnel de plus d'un an, compte tenu du fait que l'ouverture s'est échelonnée de mars 1994 à septembre 1995. Ce retard a certes eu pour effet d'endetter encore plus la société vis-à-vis des banques, mais il risquait surtout d'avoir des conséquences au point de vue de l’impact sur le Kent.

Le choix des limites temporelles de notre travail, jusqu'à 1997, soit après trois années d'exploitation, répondait à un souci d'analyser valablement les résultats afin de mesurer l'impact réel sur le comté. Or, il s'avère que sur ces trois années, aucune ne correspond à une année complète d'exploitation ; en effet, le dernier service a ouvert en septembre 1995 et le tunnel a dû être partiellement fermé entre le mois de novembre 1996 et le milieu de l'année suivante en raison d'un incendie. Dans ces conditions, les résultats obtenus sur le plan du trafic sur trois années incomplètes d'exploitation sont faussés par rapport à ceux qui ont été estimés sur la base d'un système de transport fonctionnant à pleine capacité.

De plus, la situation économique du pays et de la région a évolué entre-temps ; le Royaume-Uni a connu une période de récession d’août 1990 à septembre 1992, ce qui n'était pas nécessairement prévu en 1987, à l'origine du projet, mais qui s'était affirmé en 1991, date du second rapport de la Commission d'enquête. Or, en 1994-95, les données n'étaient plus les mêmes, puisque la croissance de l'activité économique avait repris ; ceci explique qu'il est d'autant plus difficile d'effectuer une comparaison valable entre les estimations et les chiffres réels.

Enfin, il nous a été très difficile de nous procurer des documents dressant un réel bilan de ces premières années d'exploitation. Il nous a paru surprenant de la part des autorités locales, voire centrales, que si peu d'intérêt soit porté à l'impact réel du tunnel sur la région, alors que de nombreux rapports avaient traité la question au cours de la période de construction. La plupart des chiffres dataient, dans la majorité des cas, des années 1990. Sans doute était-il trop tôt pour analyser valablement les premiers résultats.

Le Conseil du Kent a cependant suivi de façon régulière l'évolution de la situation économique du comté sans nécessairement annoncer de lien de cause à effet entre les résultats publiés et l'incidence du tunnel. Le département chargé du développement économique de la région ³⁷⁴ a notamment fait paraître, comme chaque année, une sorte de bilan ³⁷⁵ ; ce rapport, un des derniers en date pour notre période de référence puisqu'il a été publié en avril 1997, donnait une vue d'ensemble de la situation économique du Kent au cours des dernières années et soumettait le plan d'action pour l'année 1997/1998. Il offrait ainsi l'avantage de contenir des chiffres assez récents sur des thèmes aussi variés que la croissance économique, les tendances de l'emploi, la structure de l'emploi, le chômage et les faillites personnelles ou d'entreprises. Le même département a également fait paraître un document ³⁷⁶ qui porte sur la situation des villes portuaires et les stratégies qu'elles devaient adopter pour faire face à la concurrence du tunnel.