III.3 Résultats réels par rapport aux estimations :

Compte tenu du fait que l'ouverture des différents services du tunnel sous la Manche s'est étendue de mars 1994 à septembre 1995, les prévisions des consultants pour 1993, qui devait être la première année d'exploitation, sont quelque peu faussées, voire caduques. Pour ce qui est des estimations à plus long terme, c'est-à-dire pour 2003 et 2013, il est encore bien trop tôt pour tirer des conclusions. On peut cependant se baser sur les chiffres prévus pour la première année d'exploitation pour tenter de voir si les consultants avaient vu juste ou s'ils avaient sous-estimé ou, au contraire, surestimé les capacités du tunnel.

Afin d'éviter un retour fastidieux aux estimations de trafic énoncées dans la deuxième partie de ce travail, les tableaux récapitulatifs n° 19 et 20 rappellent les dernières estimations (pour 1993) effectuées, pour chaque service, par les consultants en 1991.

Un rapide rappel des résultats obtenus par les divers services opérant dans le tunnel sous la Manche au terme de leur première année d'exploitation s'avère nécessaire afin d'effectuer la comparaison entre les estimations des consultants et les chiffres réels.

Le Shuttle Tourisme a transporté 1 222 713 voitures et 23 383 autocars, soit un total de 1 246 096 véhicules en 1995, année de référence compte tenu du fait que ce service a débuté fin décembre 1994.

Le Shuttle Fret a démarré son exploitation mi-1994, il est donc difficile de juger son activité sur six mois, voire même de mi-1994 à mi-1995 compte tenu du fait que le gros de l'activité se situe en milieu d'année. Si on considère la période s'étalant de mi-1994 à mi-1995, le Shuttle Fret a transporté 236 444 camions, alors que si on considère l'année 1995 dans son ensemble, on obtient 390 975 camions ; les chiffres varient considérablement selon la période de référence.

Le TGV Eurostar a commencé à emprunter le tunnel en novembre 1994 ; si on prend comme référence la période allant du début du mois de novembre 1994 à la fin du mois d'octobre 1995, on obtient 2 600 049 voyageurs, alors que si on considère l'année 1995 dans son ensemble, le nombre de voyageurs s'élève à 2 920 309.

Le trafic fret ferroviaire a débuté mi-1994 ; de début juin 1994 à fin mai 1995, les trains ont transporté 689 056 tonnes de marchandises, alors que sur l'ensemble de l'année 1995, on obtient 1 349 802 tonnes de marchandises, soit une différence très nette.

La comparaison entre les estimations et les résultats réels s'avère complexe pour ce qui est du trafic des Shuttle Tourisme et Fret puisque les prévisions des consultants étaient basées respectivement sur un nombre de passagers et de tonnes de marchandises, alors qu'Eurotunnel publie ses résultats en nombre de véhicules (voitures ou camions), ce qui s'explique tout-à-fait logiquement par le fait que la société ne s'intéresse pas au poids mais au nombre de véhicules transportés sur ses navettes. Pour ce qui est du TGV Eurostar et des trains de marchandises, la comparaison est plus aisée puisque les données de base sont équivalentes.

Ainsi, pour comparer ce qui était prévu à ce qui a été, si on part sur la base d'une moyenne de 4 passagers par véhicule de tourisme, cela équivaut à environ 6 millions de passagers transportés par le Shuttle Tourisme au lieu des 13 millions prévus en moyenne, ce qui signifie que les consultants étaient loin du compte dans leurs estimations. Pour ce qui est du Shuttle Fret, si on part sur la base de 25 à 30 tonnes de marchandises environ par camion, on obtient des résultats sensiblement comparables aux prévisions, soit environ 8 millions de tonnes de marchandises. En ce qui concerne l'Eurostar, les consultants prévoyaient une moyenne de 15 millions de passagers pour la première année d'exploitation, or les chiffres obtenus atteignent à peine les 3 millions. Pour ce qui est des trains de marchandises enfin, on était loin d'avoir atteint les 7 millions de tonnes prévues, puisque selon la période de référence choisie, on obtient environ 1 million de tonnes de marchandises. Ainsi, mis à part le Shuttle Fret, les estimations des consultants étaient loin d'être fiables.

On peut s'interroger sur un tel décalage. Ont-ils péché par excès d'optimisme ou se sont-ils laissé influencer par la croissance accélérée du trafic transmanche ? Manquaient-ils d'expérience en la matière ou n'étaient-ils que trop conscients de l'ampleur d'un tel projet, auquel cas peut-être ne voulaient-ils pas affoler les investisseurs potentiels ? Toujours est-il que leurs prévisions étaient loin de correspondre à la réalité. Il est vrai qu'ils ne pouvaient pas prévoir que le tunnel allait ouvrir avec plus d'un an de retard, qu'un incendie allait interrompre la circulation des navettes pendant plus de six mois et provoquer sans doute une certaine crainte chez les usagers, ou que la concurrence des compagnies maritimes et aériennes ⁴⁰³ allait être aussi sévère sur le plan des tarifs et des prestations.

De la même façon, nous avons tenu à vérifier si les chiffres d'exploitation obtenus par Eurotunnel correspondaient aux prévisions. Si la société enregistrait des résultats positifs, cela signifiait, comme pour les résultats attendus sur le plan du trafic, que le Kent pouvait espérer bénéficier de quelques retombées. Cependant, l'écart entre les prévisions et les chiffres réels en ce qui concerne le trafic, laissait présager une situation similaire pour ce qui est des résultats d'exploitation.