IV.3 Prévisions pour l'avenir :

En juillet 1997, à la suite de l'approbation du plan de sauvetage d'Eurotunnel, le tunnel a plus ou moins retrouvé des conditions normales d'exploitation ; une fois les travaux de réparation achevés, tous les services ont pu réouvrir et la société a déclaré avoir retrouvé le niveau de fréquentation de l'année précédente. Elle estimait pouvoir dégager son premier résultat d'exploitation positif, après amortissement, au terme de l'année en cours, ce qui s'avéra réaliste comme nous l'avons vu. Elle espérait dégager son premier résultat net positif en 2004, si tout se déroulait normalement, grâce au plan de restructuration qui plafonne les charges financières à 3,5 milliards de francs pendant huit ans (alors qu'elles auraient dû atteindre plus de 15 milliards en 2005). Enfin, elle prévoyait de pouvoir verser un premier dividende à ses actionnaires en 2005.

Le tableau n° 22 résume les prévisions d'Eurotunnel au point de vue des recettes, du résultat d'exploitation et du résultat avant impôt pour l'année 2005.

Tableau 22 : Projections financières de 1997 pour 2005
  Projections faites en 1997 pour 2005
   
Recettes 8 601
   
Résultat  
d'exploitation 4 233
   
Résultat  
avant impôt 889
   
(en millions de francs)
Source : Eurotunnel - 1997

A court terme, c'est-à-dire pour l'année 1998, l'objectif d'Eurotunnel était de doubler son bénéfice d'exploitation afin d'être en ligne avec celui prévu dans le Prospectus de la société (1,08 milliard de francs). En d'autres termes, le chiffre d'affaires dégagé du trafic des Shuttle et de la vente des produits hors taxes devait connaître une forte augmentation ; selon Patrick Ponsolle, l'objectif à atteindre était plutôt "exigeant".

Cependant, la ventilation des recettes d'Eurotunnel en 1997 et ses prévisions pour les années suivantes donnaient à réfléchir. En effet, la société tirait alors la majeure partie de ses revenus de ses commerces et des droits d'utilisation du tunnel par les réseaux, or le régime duty-free allait être supprimé le 30 juin 1999 ; en conséquence, les tarifs pratiqués sur le trafic transmanche allaient être révisés. D'autre part, Eurotunnel basait ses estimations sur un service à plein régime, or l'avenir de la ligne à grande vitesse du côté britannique était toujours incertain. Cela peut aussi amener à s'interroger sur la rentabilité de l'autoroute ferroviaire. Il subsistait ainsi encore beaucoup d'incertitudes et d'inconnues quant au devenir de la société et quant à l'impact que cela allait avoir sur l'environnement du tunnel.

Compte tenu de l'écart relevé entre les prévisions des consultants et les chiffres réels au point de vue de l’emploi, du trafic et de la rentabilité, nous nous sommes interrogés sur ce qui avait contribué à retarder la mise en exploitation du nouveau système de transport transmanche et en conséquence, dans une certaine mesure, l'impact positif du tunnel sous la Manche sur le Kent. Eurotunnel a, d'une part, dû faire face à de nombreux aléas en tout genre pendant la phase de construction, ce qui a retardé de plus d'une année l'ouverture proprement dite du système. La société ne s'attendait, d'autre part, certainement pas à une concurrence si acharnée de la part des compagnies maritimes et aériennes.