II.3 Eurotunnel face aux Etats :

Eurotunnel est un groupe privé, engagé dans un projet de grande envergure ayant des conséquences importantes sur les politiques de transport, d'investissement public et de réglementation en France et en Angleterre. De ce fait, Eurotunnel a toujours veillé à entretenir de bonnes relations avec les ministres des transports des deux pays afin de bénéficier de leur soutien.

Cependant, de 1991 à 1993, de fâcheux contretemps ont considérablement alourdi la facture globale de la société. En conséquence, Eurotunnel a fini par s'adresser directement aux Etats. Le montant de l'ensemble des réclamations de la société aux gouvernements dépassait largement les 4 milliards de francs estimés. Ces réclamations portaient, d'une part, sur les surcoûts induits par les modifications techniques sur les navettes et sur tous les équipements du tunnel ; elles concernaient, d'autre part, les surcoûts liés à la protection de l'environnement (surtout du côté britannique) et enfin le manque à gagner consécutif à l'interdiction de vendre des produits hors taxes, alors que les compagnies maritimes pouvaient le faire. Le versement d'une aide directe des Etats était impossible, les gouvernements ayant écarté tout financement public. Aussi, en décembre 1993, en guise de dédommagement, les Etats français et britannique décidèrent-ils de prolonger de dix ans la concession accordée à Eurotunnel pour l'exploitation du tunnel sous la Manche. La durée de la concession passait de ce fait de 55 à 65 ans, une prolongation destinée à "faciliter l'obtention des financements complémentaires nécessaires à la mise en service du tunnel".

De même, afin d'obtenir l'approbation de son plan de restructuration financière à l'Assemblée de juillet 1997, Eurotunnel a dû céder aux exigences des actionnaires, comme nous l'avons vu, en négociant un nouvel allongement de la concession avec les gouvernements. Le gouvernement français fut le premier à donner son accord de principe puis se tourna vers le gouvernement britannique pour en faire la demande. Le 1er juillet 1997, les deux gouvernements donnèrent leur accord de principe en vue de l'extension à 99 ans au moins de la concession d'Eurotunnel, alors limitée à 65 ans, sous trois conditions, à savoir : le plan de restructuration de la dette devait être accepté par les actionnaires et les banques créancières, le trafic de fret ferroviaire devait être développé et enfin Eurotunnel allait devoir verser aux Etats une partie de ses bénéfices à compter de 2052. Ainsi, la nouvelle prolongation de la concession allait permettre à Eurotunnel d'exploiter le tunnel sous la Manche jusqu'en 2086. Elle n'allait rien apporter sur le plan des liquidités, mais elle allait permettre l'étalement des charges d'amortissement ; en fait, selon certains critiques, les gouvernements ont offert 1 milliard de francs à la société en allongeant la durée de la concession.