Introduction

Entreprendre cet essai de rhétorique du discours de mise en scène, c’est un peu s’atteler à l’improbable tâche de raisonner le chaos. C’est aller sonder l’épars et le profus, le fragmentaire, le presqu’inarticulé, qui font la matière des répétitions, pour y découvrir les lignes de force qui vont peu à peu s’organiser en spectacle. Il ne s’agit pas là de prétendre percer le « secret alchimique » de la création artistique : s’il existe, il est, par nature, irréductible à la connaissance rationnelle. Mais il s’agit néanmoins de se donner les moyens de penser les modalités de la venue au monde de la représentation théâtrale. Sans aller jusqu’à l’affirmation d’une utopique « théorie de la pratique », on peut, à tout le moins, tenter d’élaborer les outils méthodologiques et conceptuels propres à organiser la saisie et la compréhension du processus de création qui se joue en répétition. Le mystère du théâtre est, à cet égard, plus troublant, plus ambigu qu’un autre art : tandis que de plus en plus, il fait mine d’offrir sa genèse aux regards indiscrets, ouvrant ses portes aux caméras de documentaristes, aux chercheurs, ou plus largement aux spectateurs, dans le cadre de répétitions publiques dont la mode actuelle ne laisse pas de surprendre, il continue de se dérober à toute entreprise de rationalisation : quelque chose, dans le discours des artistes sur leur propre pratique, dans cette rhétorique qui se déploie en marge des lieux de création, semble vouloir tenir les curieux à l’écart, et comme interdits sinon d’observation, du moins d’intellection. Il y aurait comme un sacrilège, une répréhensible hybris, ou tout simplement un contre-sens, à prétendre instituer leur pratique en objet de science, fût-elle humaine, et à vouloir estomper cet « excédent de mystère » 1 , qui toujours demeure. Face à cette réticence de la pratique à se laisser « arraisonner », la théorie se montre elle-même fort réservée, lorsqu’il s’agit de tourner son regard vers la pratique, dans son déroulement processuel : discrète (« cela ne nous regarde pas ») ou désabusée (« il n’y a rien à en dire »), elle paraît souvent vouloir se tenir résolument, et peut-être prudemment, du côté de la réception des œuvres. Si le bien-fondé de la critique génétique dans le domaine de la littérature est désormais établi de manière incontestable, en matière de théâtre, il paraît encore assez déraisonnable de se livrer à l’observation du processus d’élaboration de la représentation : une telle entreprise suppose en effet d’aborder le théâtre d’une manière inédite, qui ne place ni le texte, ni la représentation (comme produit fini) au cœur de son investigation, mais se tient dans l’entre-deux instable et dynamique tendu entre ces deux pôles. On y observe des pratiques, et non des œuvres ; la mise en scène n’y est plus envisagée comme production résultative, mais comme processus et comme travail. Cet entre-deux peut-il faire l’objet d’une observation analytique, qui dépasserait le témoignage individuel, plus ou moins impressionniste ? Peut-il faire l’objet d’une observation transversale, en mesure de détecter, dans la multiplicité des pratiques, des principes structurels ? L’approche française du théâtre a semblé longtemps préférer répondre par la négative à ces questions.

Pour s’en convaincre, il n’est que de prêter un peu attention au statut de l’art du metteur en scène dans l’Hexagone, art dont on dit volontiers qu’il ne s’enseigne pas, ce dont atteste, d’ailleurs, l’absence à l’heure actuelle d’institution vouée à cette fonction 2 . Cet état de fait est pourtant en passe de connaître de sensibles mutations : ici et là, depuis quelques années, des projets voient le jour, qui s’efforcent de mettre en place les conditions de possibilité d’un enseignement de la mise en scène 3 . Une telle entreprise engage un changement d’état d’esprit radical, puisqu’elle suppose l’institution de l’art de la mise en scène en objet de savoir, susceptible d’une transmission, et donc d’une théorisation. Voici l’« exception artistique » 4 mise à mal, et le génie théâtral soumis à la question : il faut désormais se défaire de préjugés romantiques qui prônent le règne d’une intuition inaccessible à la conscience, l’absence totale de règle ou de méthode, et faire face à la réalité des pratiques créatrices pour en dégager les principes structurels. Il faut donc entrer dans les salles de répétition, rendre compte de ce qui s’y produit peu à peu, afin d’observer quelles sont les modalités concrètes du travail du metteur en scène. Signe des temps, l’Académie Expérimentale des Théâtres a consacré en 1996 un volet de son travail au recueil de témoignages et d’échanges relatifs aux répétitions : la publication à laquelle ce travail a donné lieu, présentée par Georges Banu, outre qu’elle est une mine de témoignages fort instructifs, constitue à nos yeux un tournant décisif dans les études théâtrales européennes, faisant la part belle à l’exploration de la fabrique du théâtre, dans ses tours, ses détours, ses retours. Mais la présentation même de cet ouvrage, qui prend la forme d’une succession de témoignages individualisés (certes mis en perspective par la présentation de Georges Banu) invite à pousser plus avant la réflexion. De même, les propositions de « critique génétique » du spectacle, qui commencent à voir le jour, mais s’en tiennent à chaque fois à l’observation de l’élaboration d’un spectacle, ou au travail d’un metteur en scène, appellent, nous semble-t-il, une investigation en amont susceptible de fonder les bases méthodologiques d’une telle approche du théâtre, ne serait-ce que pour déterminer nettement ce qui pourrait faire obstacle à une théorisation plus générale de « l’art de mettre en scène en répétant ».

L’éclatement de cet art en une multiplicité de pratiques impropres à intégrer un « système » constitue évidemment l’obstacle majeur qui s’oppose à une entreprise comme la nôtre : les metteurs en scène eux-mêmes arguent de cette pluralité pour récuser la pertinence de toute notion de méthode, et justifier ainsi leur réticence à toute velléité d’investigation. Tous pourraient sans doute soussigner la formule de Luc Bondy, « ma méthode, c’est moi » : « Le problème délicat en ce qui concerne le métier est qu’il n’y a apparemment pas qu’un métier, mais des milliers de possibilités pour un metteur en scène de s’exprimer, de transmettre quelque chose, de susciter quelque chose chez le comédien, pour aboutir à une mise en scène. Il n’y a là en effet non pas un métier, mais des milliers. Je crois qu’il est très difficile d’objectiver le métier. [...] Par exemple je suis incapable de dire : j’ai une méthode. Je ne peux pas, je n’y arrive pas, c’est que je n’en ai probablement pas. Ma méthode, c’est moi » 5 . Certes, il n’y a pas un art de la mise en scène, mais des metteurs en scène, développant chacun le « génie » propre de leur savoir-faire, étant à eux-mêmes leur propre « méthode ». Il nous a semblé pourtant, au fil de notre aventure en forme de pérégrination chez les uns et chez les autres, observer des structures récurrentes, à commencer par l’omniprésence de la parole, outil de communication fondamental d’une pratique de création collective. Les propos de Luc Bondy le révèlent déjà, d’ailleurs, qui mettent en avant ces « milliers de possibilités » dont dispose le metteur en scène pour accomplir une tâche qui, elle, relève de toute façon d’une vocation constante : « s’exprimer, transmettre quelque chose, susciter quelque chose chez le comédien, pour aboutir à une mise en scène ». Voici donc le plus petit dénominateur commun à tout travail de mise en scène : une parole qui est à la fois expression, transmission et stimulus pour le jeu de l’acteur. Le rôle central de cette médiation langagière est lié à la nature du programme de travail propre à la création théâtrale : « sa caractéristique, souligne Anne Ubersfeld, contrairement aux autres programmes artistiques, est de mettre en œuvre des pratiques artistiques que son auteur n’exécutera pas lui-même » 6 . On nuancera cette affirmation en rapprochant ce programme de celui d’un chorégraphe ou d’un chef d’orchestre, qui eux aussi délèguent et distribuent l’exécution de la « partition » - au sens large - à un ou plusieurs praticiens. Comme le metteur en scène, ils doivent s’en remettre à la communication verbale pour informer et infléchir les modalités de cette exécution, et il y aurait sans doute d’intéressantes comparaisons à faire entre la rhétorique du metteur en scène, celle du chef d’orchestre, et celle du chorégraphe.

En tout état de cause, la parole semble être le principal outil de travail du metteur en scène en répétition, et constituer « l’objet » par lequel il est le plus commode de saisir les modalités de son art. Travailler sur cette parole, telle qu’elle se déploie en répétition, ce peut donc être le plus sûr moyen de pouvoir parler de l'activité de création théâtrale, qui passe nécessairement par elle - mais pas seulement par elle. Entendons-nous bien : tenir la « parole de mise en scène » pour une objectivation possible des pratiques de création théâtrale relève d’une opération sélective : c’est un prisme qui diffracte quelque chose du processus créatif - mais pas le « tout » du processus créatif ; se concentrer sur cet objet, c’est nécessairement consentir à un tropisme de l’attention, qui tendra à ne tenir compte, dans l’élaboration du spectacle, que de ce qui concerne la direction d’acteurs. Car il faut bien le dire, ce qui se joue en répétitions, dans la parole de mise en scène, c’est essentiellement la relation entre le metteur en scène et les comédiens : or, si le jeu d’acteur est le pivot de la représentation théâtrale, il n’est pas le support exclusif de ses modalités de présence et de signification. Costumes, accessoires et maquillage, dispositif scénique et décors, musiques et travail de sonorisation sont évidemment des composantes essentielles de la représentation, qui s’élaborent, elles aussi pendant le temps des répétitions. Mais à la différence du jeu d’acteur, leur mise en forme progressive est très peu tributaire d’opérations langagières : si elles peuvent faire l’objet d’un discours, c’est le plus souvent d’un discours en aparté, fréquemment hors de l’espace propre des répétitions, entre le metteur en scène et l’artiste-artisan chargé de travailler à sa création. Les bornes temporelles de la répétition ne sont évidemment pas toujours aisément identifiables ; on peut néanmoins s’en tenir aux bornes spatiales, en considérant la répétition comme ce qui se déroule dans l’espace où se rassemblent les praticiens pour travailler de concert. En ce sens, les composantes de la représentation autres que le jeu d’acteur ne se « répètent » pas, comme un acteur répète : elles se façonnent peu à peu, mais dans un hors-champ de la répétition qui les éloigne de notre domaine d’investigation. L’une ou l’autre de ces composantes peut en outre ne pas intervenir dans la création théâtrale : spectacles sans costumes, sans maquillage, sans décors ou sans musique sont aisément concevables. L’acteur, en revanche, paraît être la composante première, essentielle, et définitoire de la représentation théâtrale ; et son travail s’accouche nécessairement par le langage - fût-ce le langage des signes. Une relation de parole entre un metteur et un acteur, donc : il semblerait qu’on touche ici à un principe « quintessentiel » de la création théâtrale, pierre de touche des diverses pratiques par delà leurs différenciations esthétiques, et c’est ce principe que nous tâchons de cerner lorsque nous parlons de « rhétorique du metteur en scène ».

Mais la notion de rhétorique est sujette à certains malentendus qu’il convient de désamorcer avant de poursuivre ; aussi prendrons-nous ici les mêmes précautions que celles formulées par Gérard Genette au seuil de sa Poétique - ou « théorie générale des formes littéraires » - à laquelle nous sommes infiniment redevable sur le plan de la méthodologie : mettant nos pas dans les siens, esquissant une « poétique » du discours de mise en scène, nous dirons après lui qu’il « s’agit moins ici d’une étude des formes [...] au sens où l’entendaient la rhétorique et la poétique de l’âge classique, toujours portée, depuis Aristote, à ériger en norme la tradition et à canoniser l’acquis, que de l’exploration des divers possibles du discours, dont les œuvres déjà écrites et les formes déjà remplies n’apparaissent que comme autant de cas particuliers au delà desquels se profilent d’autres combinaisons prévisibles, ou déductibles » 7 . Les « œuvres » qui nous intéressent ne sont pas écrites, elles ne sont que parlées, enregistrées ou transcrites par nos soins ou par d’autres; il faut en outre entendre le terme d’œuvre dans son sens premier (activité, travail) pour qu’il soit propre à qualifier les pratiques langagières qui nous intéressent. Mais l’étude de leur forme, chaque fois singulière, doit se tenir dans la même prudence : il n’est nullement question ici de prétendre dégager un modèle canonique offert à d’éventuels disciples, délivrant des « recettes » à efficacité garantie, ou des lois constitutives d’un code de conduite du « bon metteur en scène ». Si notre recherche s’inscrit dans la perspective d’une théorisation de l’art de la mise en scène, que - par ailleurs - des projets pédagogiques réclament, notre visée n’est ni prescriptive, ni normative : elle a pour horizon le recensement des pratiques avérées, dont il s’agit d’abstraire les structures.

Ces pratiques, quelles sont-elles ? Des faits de parole, des jeux de langage, le déploiement chaotique d’une oralité aux mille facettes : souvent, cela parle beaucoup, en répétition, vite, et dans tous les sens. Et puis cela bouge, aussi, comme dans toute communication orale : le corps engagé tout entier dans la profération de la parole « parle » à sa manière, joint le geste au mot, ou l’y substitue. Pour explorer ce matériel complexe, fugace, infiniment volatil, il faut d’abord le figer en traces pérennes, et partant, le dénaturer : l’écrire, l’enregistrer, le filmer, c’est à chaque fois le reconstruire, l’informer. Il faut donc se résoudre à ne travailler que sur des artefacts, conditionnés par au moins deux procès : le premier, lié à la présence d’un témoin extérieur à la répétition, éventuellement appareillé (caméra ou magnétophone) dont il est inutile de dire qu’il infléchit probablement la forme du matériau qu’il a l’ambition de capter ; le second, lié à la retranscription sous forme graphique, dans les pages du présent ouvrage, de ce matériau irréductible à la seule traduction linguistique : mouvements, mimiques, intonations, caractéristiques vocales, toutes « unités » à la fois inhérentes à la communication orale et constitutives du signe théâtral chez l’acteur, qui sont particulièrement rétives aux entreprises de transcription. Comme nos prédecesseurs, nous nous sommes heurtée à cet obstacle, sans nous résoudre à en faire un écueil ; quelques ruses, donc, permettront d’ouvrir notre texte pour le rendre capable d’accueillir ces unités sémiotiques récalcitrantes. Pour les unités paraverbales (ce qui relève de l’audible), des signes graphiques adjoints au texte, flèches ascendantes ou descendantes marquant le vecteur intonatif, caractère gras exprimant l’intensité vocale sur certains mots, soulignés en cas de chevauchements de différents segments d’énoncés 8 . Pour les unités non-verbales (ce qui relève du visible), de maladroites - et forcément subjectives - descriptions verbales et, exceptionnellement, des photographies... Est-il besoin de préciser que de cet outillage, nous ferons toujours un usage partiel, ne mettant en lumière que les unités qui nous auront semblé particulièrement significatives, laissant toujours dans l’ombre d’autres unités, plus discrètes, plus récalcitrantes encore?

Cette rhétorique-là ne sera donc pas exclusivement verbale ; mais elle ne sera pas non plus exclusivement orale, car pour mieux la cerner, telle qu’elle se présente dans l’interaction de répétition, nous projeterons sur elle les lumières que nous offrent, par ailleurs, les écrits des praticiens sur les répétitions, leurs dires sur leur propre pratique. Face à la rhétorique proprement créative qui se déploie dans les salles de répétition, nous poserons la rhétorique « métathéâtrale », qui inscrit déjà dans la langue et ses figures des éléments de réflexion (comme un miroir) de la pratique. Ces « lumières » ne seront pas seulement des outils de déchiffrement ; elles feront l’objet, elles-mêmes, d’un déchiffrement, dans la mesure où elles nous paraissent véhiculer, au delà (ou en deçà ?) d’une investigation sur l’activité théâtrale, une mythologie de l’art théâtral - entendons: un ensemble de croyances qui détermine un ensemble de pratiques. Ces croyances, il ne s’agit pour nous ni de les infirmer ni de les confirmer, mais de les identifier et de les explorer comme telles, et d’observer leurs incidences effectives sur les pratiques. Il s’agit en somme d’une approche structuraliste, et nous tâcherons de nous tenir devant les pratiques et les discours à la manière d’un ethnologue, « qui fait profession de méfiance à l’endroit de tout sens immédiat », et ne s’en remet aux « significations que l’indigène attribue aux règles de sa vie sociale, aux récits mythiques sur lesquels il les fonde [ ... ] qu’à titre de conduites complémentaires offrant un appoint d’information, peut-être une indication utile, pour la tâche jugée seule essentielle, qui est de construire la structure du système de ces règles, de ces mythes » 9 . Deux modalités du discours théâtral s’entre-croisent donc dans notre étude, et s’éclairent réciproquement : l’une orale et créative, dont nous esquisserons les règles propres, l’autre plus réflexive, écrite, dont nous explorerons les mythes. Ce que nous appelons la rhétorique du discours de mise en scène est à entendre dans cette bivalence: elle tient ensemble les discours œuvrant concrètement à la mise en scène, et les discours sur la mise en scène.

Le terme de discours est probablement aussi sujet à controverse que celui de « rhétorique », puisque nous l’employons pour désigner d’une part l’ensemble des paroles actualisées en répétitions (dans une spontanéité, voire une anarchie, qui nous éloignent de la conception traditionnelle du discours formalisé), et d’autre part l’ensemble des propos tenus par les praticiens en dehors des répétitions, sur leur travail (que leur caractère éclaté et fragmentaire éloignent également de la définition habituelle du discours, comme forme cohérente et close sur elle-même). C’est précisément parce que nous visons, par delà les actualisations inopinées ou dispersées, des formes récurrentes, apparemment structurelles, susceptibles de s’organiser en un texte relativement stable, que nous maintiendrons le terme de « discours » comme un point de mire, zone de convergence des lignes de fuite dessinées par les paroles des uns et des autres ; cet horizon, nous ne prétendons pas l’atteindre, mais il nous semble utile de l’avoir en vue.

Pour cerner ces discours, il nous faut un corpus : il a semblé indispensable d’y poser des contours de principe, afin de délimiter une zone de travail pertinente, c’est-à-dire relativement homogène, et de rendre l’entreprise tout simplement possible. Nous avons fait le choix d’introduire un critère discriminant dans la collecte de notre matériel : nous n’en retenons que les répétitions développant un travail sur un texte prééxistant, selon le principe de ce qu’on appelle communément le « théâtre de texte » ; il ne sera pas ici fait état des expériences de création collective d’un texte, ni des formes de théâtre sans texte, ni non plus des formes théâtrales mobilisant le texte comme un accessoire « secondaire » - on songe, notamment, aux formes qu’on dit « scéno-centristes », telles que celles proposées par Robert Wilson, ou dans la mouvance du Danz-Theater. Sans doute ces pratiques artistiques suscitent-elles le déploiement d’une rhétorique dont il serait passionnant d’entreprendre l’analyse, et notre étude aurait tout à gagner à s’intégrer à une entreprise comparatiste qui serait à même de dégager les spécificités langagières propres à l’élaboration de chaque « type » de théâtre. C’est là une vaste perspective de recherche, pour le moins inexplorée, un édifice à construire auquel nous ne pouvons apporter qu’une première pierre. Le choix de ce théâtre « logocentriste » pour constituer notre corpus pourra sembler d’arrière-garde, puisqu’il fait mine d’ignorer les innombrables expériences théâtrales proches de la performance qui renouvellent la scène contemporaine et caractérisent pour une part la modernité, voire la post-modernité de l’esthétique théâtrale. La persistance, pourtant, de cette approche plus « classique » du théâtre, et la réussite de certaines de ses réalisations récentes, atteste de sa vitalité, par delà les modes et les tendances : sans prétendre cette fois qu’il puisse s’agir d’une quelconque « quintessence » du théâtre, le « théâtre de texte » semble du moins constituer une des actualisations de la création théâtrale les plus pérennes en Occident. Et puisque nous en sommes à ces précisions géographiques, il convient de préciser que les pratiques artistiques sur lesquelles nous nous pencherons sont pour l’essentiel, sinon françaises, du moins très majoritairement francophones, et toutes, européennes... La pierre que nous posons est décidément bien petite. Les metteurs en scène qui seront évoqués ici (par ordre d’entrée sur la « scène du monde » : Giorgio Strehler, Claude Régy, Antoine Vitez, Roger Planchon, Jacques Lassalle, Bernard Sobel, Peter Stein, Ariane Mnouchkine, Matthias Langhoff, Jean-Pierre Vincent, Patrice Chéreau, Klaus-Mickaël Grüber, Georges Lavaudant, Luc Bondy, Daniel Mesguich, Stéphane Braunschweig, Stanislas Nordey... la liste n’est pas exhaustive) ne constituent pas à proprement parler une « génération » d’artistes : nés pour la plupart entre les années 30 et les années 40 - mais Strehler est né dans les années 20, et Nordey dans les années 60 - ils ont en commun d’être européens, et d’avoir pratiqué le théâtre « de texte », au moins occasionnellement, sinon toujours, en français. L’importance donnée à certains d’entre eux dans notre étude, qui pourra faire ombrage à d’autres beaucoup plus allusivement évoqués, ne doit rien à une quelconque hiérarchisation en termes de valeur et d’importance de leur production : les effets de surreprésentation ou de sous-représentation du travail des uns et des autres sont, à chaque fois, liés à l’ampleur relative du matériel dont nous disposons à leur sujet.

On érodera encore les contours de notre « pierre » à l’édifice de la recherche sur les répétitions en précisant qu’on s’est en outre posé une limite chronologique, cantonnant notre corpus aux répétitions des années 80-90. La délimitation de cette période n’a, à nos yeux, rien d’arbitraire, puisqu’elle correspond au recul, au début des années 80, des pratiques de création collective, ainsi qu’au discrédit jeté sur une forme de dramaturgie « exogène », fondée sur des idéologies désormais récusées. Les deux dernières décennies semblent ainsi constituer une période relativement cohérente où le metteur en scène reprend les rênes de la mise en scène, admis à nouveau comme organe directeur de la représentation, sans toutefois pouvoir asseoir son autorité sur un discours de « savoir » sur le monde : se définit donc une nouvelle rhétorique du metteur en scène, qui ne peut se tourner vers la « langue de bois » des utopies politiques, et doit fonder la légitimité de ses propositions tout en reconnaissant la précarité de sa position.

En termes méthodologiques, plusieurs types d’approches de la répétition sont envisageables, et ont été sollicités. La plus évidente consiste à assister soi-même aux répétitions d’un spectacle, si possible dans leur totalité, afin de s’immerger dans le vécu du travail, d’en capter toutes les formes, les impasses et les progrès, en consignant autant que faire se peut la parole de mise en scène. C’est l’exercice auquel nous nous sommes livrée pour le travail de Jean-Pierre Vincent sur la mise en scène de Tout est bien qui finit bien, de Shakespeare au théâtre de Nanterre-Amandiers en 1996, et pour le travail de Philippe Vincent sur La mission de Heiner Müller, au théâtre de la Croix-Rousse à Lyon en 1998. Une autre modalité consiste à dépouiller les témoignages publiés de praticiens ou de témoins de répétitions : le numéro spécial d’Alternatives Théâtrales, « Les répétitions, un siècle de mise en scène », qui rassemble un nombre considérable de témoignages, est évidemment une mine, à quoi il faut ajouter le journal de bord établi par Odette Aslan relatif aux répétitions des Trois Sœurs de Tchekhov mis en scène par Matthias Langhoff en 1994, et, dans un autre genre, celui établi par Eloi Recoing à partir des répétitions du Soulier de Satin de Claudel mis en scène par Antoine Vitez en 1987. Enfin, il faut évoquer le précieux matériel constitué par les documentaires audiovisuels, de plus en plus nombreux : ainsi il est possible d’avoir un aperçu sur le travail de Giorgio Strehler, de Jacques Lassalle, de Patrice Chéreau, d’Ariane Mnouchkine, de Klaus-Mickaël Grüber, et, dans une certaine mesure, d’Antoine Vitez et de Georges Lavaudant. « Dans une certaine mesure », parce que les documents audiovisuels dont nous disposons concernant ces deux metteurs en scène sont d’une nature très particulière : Georges Lavaudant nous est montré répétant une scène du Cercle de craie caucasien (Brecht) au sein d’un film de fiction, La naissance de l’amour, de Philippe Garrel (1993). Il s’agit d’une fausse répétition, esquissée par Lavaudant à la demande du cinéaste ; la « scène », manifestement un peu improvisée, nous a cependant semblé suffisamment proche des répétitions réelles auxquelles nous avons pu assister pour être intégrée, de manière très ponctuelle, à notre propos. En ce qui concerne Vitez, nous nous référons notamment à un document filmé lors d’une leçon au Conservatoire Supérieur d’Art Dramatique, sur une scène de L’Ours, de Tchekhov. Il s’agit donc d’un travail pédagogique et non pas d’une séquence de répétition à proprement parler ; le document offre néanmoins un remarquable contrepoint au Journal de Bord d’Eloi Recoing, puisque la vidéo donne accès à la « parole » de Vitez, dans son déploiement chaotique et circonvolutoire, dans une « oralité » donc, dont les témoignages publiés ne permettent pas de se faire une idée juste. La frontière entre mise en scène et pédagogie est d’ailleurs mince, puisque concernant Chéreau, nous disposons entre autres des documents audiovisuels rendant compte de son travail avec les élèves-comédiens du Conservatoire, pour la mise en scène de Henry VI et Richard III (Shakespeare), travail à propos duquel Chéreau dit lui-même qu’il a procédé de la même manière que pour la préparation d’un spectacle « professionnel ». Aussi convoquons-nous ce matériel plus nettement pédagogique au sein de notre corpus, en prenant les précautions qui s’imposent, sans nous résoudre à l’exclure ; bien des metteurs en scène se présentent, d’ailleurs, comme des « pédagogues », qu’ils travaillent ou non au sein d’institutions vouées à la formation de l’acteur.

D’autres précautions s’imposent en ce qui concerne l’évaluation de notre corpus : les sources de « première main » (lorsque nous assistons directement aux répétitions) y côtoient les sources de « seconde main », et les unes et les autres ne se manipulent évidemment pas de la même façon. Chaque type d’approche de la répétition offre à la fois des ressources inconstestables, et des limites dont il convient de rendre compte. Les témoignages de répétition publiés par des comédiens, des metteurs en scène, des « assistants » ou des témoins universitaires, esquissent un vaste panorama des différentes pratiques, et offrent un copieux matériel d’étude ; mais ils sont, par ailleurs, évidemment partiels, voire partiaux, nécessairement subjectifs, et parfois si « écrits » - on pense notamment au témoignage d’Eloi Recoing sur la mise en scène du Soulier de satin - qu’ils ne laissent plus rien deviner du processus concret des répétitions, et de la réalité de la parole qui s’y est tenue. Assister soi-même aux répétitions permet alors de percevoir le procès dans son déroulement exhaustif, ce qui est un atout considérable ; mais la prise de notes manuscrites, seul outillage du témoin oculaire, est d’un secours très partiel, pour qui veut se faire l’analyste des répétitions. Outre qu’une telle captation écrite délaisse la plupart des formes de l’oralité, consignant dans l’urgence des indications qu’elle a tendance à nettoyer de leurs aspérités, de leurs détours et de leurs accidents, elle ne saisit le visible que de manière très fragmentaire : écrire, c’est évident, empêche de voir. Voir les répétitions réclame un autre outil, audiovisuel, qui capte dans le même temps l’audible et le visible, et peut saisir dans l’instant leur interrelation. Mais alors deux écueils - au moins ! - se font jour. Soit on envisage une captation vidéo exhaustive, livrant le matériel faramineux de la totalité des répétitions - il y faut alors au moins deux caméras, l’une axée vers la salle où se tient le metteur en scène, l’autre orientée vers la scène où jouent les comédiens : on est tenté de dépouiller ce matériel dans le détail, s’adonnant à la critique génétique d’un spectacle. Si la démarche est passionnante, concevable et sans doute instructive, elle ne coïncide pas totalement avec notre propos, qui recherche des structures transversales, par delà la réalisation de tel ou tel spectacle, par delà le profil artistique de tel metteur en scène ou de telle équipe. Les documentaires audiovisuels réalisés par d’autres, sur divers metteurs en scène, offrent alors un point d’appui pour balayer du regard différentes pratiques de mise en scène. Mais ils ont les défauts de leurs qualités : synthétiques, ils sélectionnent - par le travail du montage qui fait disparaître de précieuses transitions, et par le travail du cadrage qui abandonne dans le hors-champ l’un ou l’autre des interactants. Et d’une manière générale, on n’insistera jamais assez sur l’influence, impossible à mesurer, de la présence en répétition de ce dispositif de captation, souvent très envahissant, sur l’objet dont il prétend se saisir et qui en définitive lui échappe, ne serait-ce que parce qu’il le dénature. En somme les sources à partir desquelles nous élaborons notre corpus sont indéniablement fragiles ; mais ce constat ne doit pas nous dissuader d’entreprendre cette étude : c’est en les multipliant et en les confrontant que l’on peut critiquer ces sources les unes par les autres, et c’est en les embrassant du regard que l’on peut espérer percevoir l’émergence de quelques invariants, quel que soit le support et les modalités de captation.

Une fois ce matériel rassemblé et évalué, plusieurs axes d’analyse s’offrent à celui qui entend en rendre compte de manière organisée : inventorier ces axes, explorer leurs ressources et forger les outils qu’ils réclament est une des tâches essentielles que notre recherche s’efforce d’accomplir. L’architecture de notre étude, divisée en quatre parties, ne correspond pas à une chronologie des répétitions, mais bien à une logique analytique qui envisage le même objet sous plusieurs angles de vue.

Le premier mouvement décrit la répétition comme une interaction communicative, et mobilise les outils de la linguistique interactionniste : cette approche pragmatique vaut pour toutes les répétitions, quel que soit le type de spectacle qu’il s’agit d’élaborer, et permet d’esquisser une recherche sur la spécificité de « l’interaction de répétition » dans le champ des communications verbales et non verbales. Outre qu’elle s’intègrerait utilement à une recherche comparatiste identifiant les principales différences dans l’organisation concrète des répétitions, en fonction du « genre » de théâtre dont il est question, une telle approche permet notamment d’observer précisément la manière dont s’organise en répétition cette fameuse relation de pouvoir, entre metteur en scène et comédiens, dont d’aucuns disent qu’elle fait du metteur en scène un « démiurge » aux prérogatives contestables. Cette (dis)qualification mérite, nous semble-t-il, d’être à la fois nuancée et approfondie, à partir d’analyses rigoureuses qui se substituent profitablement à de vains (et assez abstraits) procès pour « abus de pouvoir ».

Le deuxième mouvement de notre étude aborde la répétition comme un travail sur le texte de théâtre : nous entrons là dans la particularité de notre corpus, exclusivement consacré au théâtre de texte. Discours sur le texte qu’il s’agit de porter à la scène, la parole de mise en scène y est vue comme parole « critique », métatextuelle : ce sont alors les catégories de la poétique et de la critique (littéraire) qui permettent d’inventorier les différentes formes de la relation au texte manifestées dans la répétition de théâtre. Les metteurs en scène s’y débattent avec de nouvelles modalités de lecture du texte qui ne peuvent plus se satisfaire des « grilles » dramaturgiques jadis si prisées ; les contradictions entre une démarche se réclamant de l’ouverture du texte, de son irréductible polysémie, qu’il convient d’explorer pour la restituer, et la quête d’une vérité dernière qu’il y faut pourtant débusquer, par delà les apparences, s’y font jour, donnant une idée plus précise du statut du texte de théâtre dans le théâtre de texte d’aujourd’hui.

Le troisième mouvement observe la parole de mise en scène dans sa dimension conative, c’est-à-dire sa vocation à produire un effet, à faire « faire » quelque chose à son allocutaire - en l’occurrence à faire jouer le comédien. La parole du metteur en scène y est considérée dans sa dimension argumentative, mais aussi figurale: il faut solliciter conjointement les catégories logiques et poétiques de la rhétorique, pour analyser ce discours voué à la direction d’acteurs, dans son ampleur, ses formes et ses fonctions supposées. C’est alors notamment l’occasion d’interroger la valeur pragmatique des figures (en général) et de la métaphore (en particulier) dans cette parole qu’on dit si souvent « poétique  », et de tenter de décrire la dynamique du travail du figural  dans l’élaboration du spectacle.

Le quatrième mouvement, enfin, s’efforce d’étudier la relation effective entre cette rhétorique et le jeu d’acteur : joignant à l’analyse du discours (du metteur en scène) une analyse des signes dans le jeu de l’acteur, il mobilise les outils de la sémiologie pour cerner, autant que possible, l’interaction - postulée ou réelle - entre l’un et l’autre. Ce faisant, nous sommes amenée à reconsidérer certains concepts issus de l’analyse sémiologique des spectacles, à en forger d’autres que la spécificité du procès créatif réclame, et à poser les bases d’une sémiologie de la répétition. L’analyse de ce que nous appellerons la dialectique générative du signe de théâtre, qui prend en compte les opérations de production, de sélection et d’évaluation des signes dans le jeu d’acteur, introduit par ailleurs à une esquisse des qualités esthétiques prisées par les praticiens contemporains, telles, en tout cas, qu’elles sont formulées en répétition.

Cet appareil critique disparate, empruntant à diverses disciplines théoriques (linguistique, poétique, rhétorique, sémiologie) des outils conceptuels qu’elles n’ont pas forgés pour notre objet, et qu’il nous faut parfois distordre pour les adapter à notre propos, pourra faire l’effet d’une entreprise iconoclaste. La richesse et la complexité du procès créatif en répétition nous y appelle, et ce n’est pas par excès de zèle, mais bien parce que nous nous trouvions démunie face à un « objet » vivant, protéiforme et relativement inexploré qu’il nous a fallu chercher des alliés partout où il s’en trouvait. Cette transgression des clivages théoriques habituels est périlleuse : elle produit des incertitudes et des frottements, donne lieu à des chevauchements autant qu’elle ouvre des béances qui appellent le comblement. Tenter d’arraisonner le chaos des répétitions condamne peut-être à consentir soi-même à céder au chaos : toute théorie entreprenant de questionner un tel objet se trouve bientôt elle-même mise à la question. Et sans doute la théorie est-elle prête à s’y mettre en jeu : à accueillir ce nouveau « texte », qui toujours se dérobe et se multiplie, qui vient s’immiscer entre celui de la pièce écrite et celui de la représentation, puisqu’après Barthes on admet que le texte ne soit pas une « structure » mais une « structuration », non pas « un objet » mais « un travail et un jeu », non pas, enfin, « un ensemble de signes fermés doués d’un sens qu’il s’agirait de retrouver », mais « un volume de traces en déplacement » 10 . La théâtrologie ne s’est pas fait faute d’intégrer cette dynamique à sa conception de la représentation : Bernard Dort l’affirmait déjà, qui invitait à voir dans la représentation théâtrale moins un « système de signes » que la dérive des signes 11 , et Patrice Pavis lui emboîte le pas, qui propose « qu’on s’autorise à considérer la mise en scène non comme œuvre organique, cohérente et achevée, mais comme un processus mis en place, quoique de manière épisodique et instable, processus où l’on perçoit encore les hypothèses, les tentatives et les ébauches du metteur en scène » 12 . À rendre ainsi justice à la dimension processuelle, énergétique et inachevée de la représentation, on a eu tendance à déplacer le lieu ultime de la signification, pour le situer sur cette utopique scène où le regard et l’imaginaire du spectateur rencontrent cette « œuvre ouverte » qu’est le spectacle ; face à cette « théorie de la réception », et comme son pendant naturel, il nous a semblé qu’une observation, à défaut d’une théorie, de la production s’imposait. L’une et l’autre se rejoignent et se ressemblent, dans le fond, car le metteur en scène en répétition est le premier spectateur, qui « parle » sa perception, et verbalise ce que son imaginaire et son regard lui donnent à voir. À la différence du spectateur, toutefois, le metteur en scène agit en retour sur la forme de ce qui s’offre à ses yeux ; mais précisément il l’informe de manière à ce que le processus demeure à la fois signifiant et énergétique, une fois qu’il se sera retiré de la salle et que le rideau se sera levé sur la représentation. On se propose donc ici d’explorer les « mille et une façons » - le compte n’est peut-être pas exact - dont il procède pour élaborer cette œuvre ouverte, dans le creuset d’une parole poïétique où la dérive des signes prend sa source.

Notes
1.

La formule est de Luc Bondy: “Mettre en scène, malgré toutes les études et toutes les discussions méthodologiques, se nourrit toujours d’un certain excédent de mystère. Je ne parle pas de mystères que l’on va dénicher dans les profondeurs, et que l’on ramène ensuite pour les analyser, mais des véritables mystères qui naissent au cours d’un tel travail, dont il est certes possible d’une certaine manière de percevoir la naissance, mais dont la formulation définitive échappe à la paraphrase verbale.” In Luc Bondy, La Fête de l’instant, Arles, Actes Sud, 1996, p.237.

2.

Il est à noter que cette idée selon laquelle la mise en scène « ne peut pas s’enseigner » tient plus d’une pétition de principe issue de la théorie que d’un constat de praticien : dans le numéro de L’Art du théâtre intitulé « Le metteur en scène en pédagogue », les rédacteurs ont conçu un questionnaire destiné à être soumis à différents metteurs en scène, questionnaire dans lequel était formulée cette question: « Pourquoi pensez vous que l’on peut enseigner le jeu, et pas la mise en scène ? ». Cette formulation, préjugeant à l’évidence de la position des metteurs en scène sur la question, a suscité des réponses qu’elle ne prévoyait sans doute pas. Ainsi Antoine Vitez a répondu: « On peut enseigner la mise en scène », et Jean-Pierre Vincent est allé plus loin: « Je pense qu’on peut et qu’on doit enseigner la mise en scène ». Cf. L’Art du théâtre n°8, hiver 1987-printemps 1988, p. 9 et p. 46.

3.

2 S’il existe de grandes écoles de mise en scène à Moscou, à Berlin, et même à Cuba, l’idée d’une transmission de cet art semble encore en France à ses balbutiements: l’ENSATT travaille actuellement à la mise en place d’une section mise en scène, et il existe par ailleurs un Institut nomade de la mise en scène, fondé par Josyane Horville en 1997.

4.

Nous empruntons cette notion d’« exception artistique » à Jean-Marie Schaeffer, qui ne l’emploie que pour la récuser: « la modalité d’action que les théories de l’“ exception artistique ” prétendent réserver aux artistes - à savoir le fait d’agir sans qu’on puisse abstraire les règles de l’agir - se retrouve [...] dans toutes les activités humaines qui reposent sur l’apprentissage d’un savoir-faire. », in Les Célibataires de l’art. Pour une esthétique sans mythes. Paris, Gallimard, 1996, p. 38.C’est nous qui soulignons.

5.

Luc Bondy: La Fête de l’instant, op.cit., p. 88.

6.

Anne Ubersfeld: Lire le théâtre II, Paris, Belin, 1996. p. 240.

7.

Gérard Genette, “Critique et Poétique”, in Figures III, Paris, Seuil, 1972, p.11.

8.

On rencontrera donc les graphèmes suivants :

➙ : vecteur intonatif « stable », forte intensité vocale ;

➚ : vecteur intonatif ascendant, forte intensité vocale ;

➘ : vecteur intonatif descendant, forte intensité vocale ;

 : vecteur « stable », faible intensité vocale ;

➚1 : vecteur ascendant, faible intensité vocale ;

➘obliquedroitbas1 : vecteur descendant, faible intensité vocale ;

● : en fin d’énoncé, forte intensité vocale pour l’ensemble de l’énoncé ;

○ : en fin d’énoncé, faible intensité vocale pour l’ensemble de l’énoncé.

9.

Jean-François Lyotard, in Discours, Figure.Paris, Klincksieck, 1971, p. 35.

10.

Roland Barthes, « L’Aventure sémiologique » (1974), in L’Aventure sémiologique, Paris, Seuil, 1985, p. 9.

11.

Cf. Bernard Dort, La Représentation émancipée, Arles, Actes Sud, 1988.

12.

Patrice Pavis, L’Analyse des spectacles, Paris, Nathan, pp. 282-283. C’est nous qui soulignons.