3) Scénario local : quelques invariants contractuels

Pour ce qui est de l’interaction de répétition au niveau local, c’est-à- dire envisagée à l’échelle d’un fragment pertinent - par exemple, une journée de répétition - il devient plus difficile encore de dégager un scénario susceptible d’être généralisé. D’abord parce que, suivant que l’on se situe au début ou à la fin de l’interaction globale, à une date plus ou moins éloignée de la représentation publique, la forme de l’interaction change sensiblement, on l’a vu. Ainsi Jacques Lassalle distingue-t-il les journées de la période d'élaboration (un seul service, 13h-20h) des journées de la période finale (deux services, 14h-18h : « travail analytique » puis 20h-24h : « synthèse et continuité »). Notons qu'il est extrêmement rare d'entendre un metteur en scène se prononcer avec autant de précision sur sa méthode, et qualifier en des termes si minutieux les différentes formes de son travail et leur organisation dans le temps : peut-être ici le type même des questions (il s'agit toujours de ses réponses au questionnaire sur les répétitions de Georges Banu) a-t-il induit chez son zélé destinataire des réponses techniques, relevant d'une démarche toute rationnelle, qui a peu cours dans la rhétorique habituelle des metteurs en scène...

Notre propre démarche, à vocation généralisante, est ensuite rendue difficile du fait que l’organisation du travail au niveau local est déterminée par une multitude de paramètres : chaque metteur en scène développe ses propres stratégies, en fonction de son tempérament, du type de texte adopté, du temps dont il dispose, de son degré de familiarité avec les comédiens... Ouvre-t-il la séance par des exercices ou aborde-t-il directement le texte, combien de temps est en moyenne consacré à une scène, voire une réplique, sont-elles abordées dans leur ordre d’apparition dans la pièce, ou selon une autre logique, quel volume de texte est en moyenne traité par jour ? Aucune de ces questions ne saurait recevoir une réponse générale pertinente : l’immense diversité des pratiques, et leur variabilité chez un même praticien, interdit d’y répondre. Tout au plus peut on observer certains caractères généraux, invariants parce que contractuels : les répétitions qui se déroulent dans un cadre institutionnel s’organisent en « services » d’environ quatre heures, entre lesquels des pauses sont marquées, pauses dont on a pu entr’apercevoir la fécondité.