1) Détermination sémantique

Abordant sur le territoire du texte-monument nous nous approchons à nouveau de la nouvelle critique, dont l'une des révolutions a précisément été de s'émanciper d’une démarche strictement historique pour interroger la structure autonome de l'œuvre et la manière dont elle construit du sens... Mais bien en amont de la critique (nouvelle), de ce qu'elle suppose de création poétique, il faut se souvenir de toutes les procédures « primaires » qu'elle suppose pour advenir. Aussi est-ce chez Umberto Eco plus que chez Barthes que nous trouverons nos premiers points d’appui ; car si le metteur en scène est identifiable à un commentator, intervenant dans le texte pour le rendre « intelligible », son travail consiste notamment à procéder à des opérations de déchiffrement et d'explicitation sémantique, selon des modalités où ce n'est pas tant la subjectivité poétique du lecteur qui entre en jeu, que sa compétence encyclopédique. Seul ce premier niveau de lecture permet le déploiement des suivants, où la liberté interprétative se fait de plus en plus grande, et où la créativité du lecteur se voit de plus en plus sollicitée.

L'intelligibilité d'un texte passe en effet par diverses formes d'explicitations, notamment lexicales et syntaxiques, et celles-là ont évidemment cours dans l'interaction de répétition. Les praticiens ne se lancent pas dans l'aventure de l'incarnation (même provisoire et contingente) d'un texte sans en avoir au préalable déchiffré ne serait-ce que la signification littérale - et celle-là ne s'offre pas toujours au lecteur pressé, lorsque le lexique est daté, par exemple, ou les tournures complexes. Aussi l'une des tâches de la parole de mise en scène consiste-t-elle tout simplement en un travail de « coopération textuelle » que toute lecture réclame :

‘Pour actualiser les structures discursives, le lecteur confronte la manifestation linéaire au système des règles fournies par la langue et par la compétence encyclopédique à laquelle par tradition cette même langue renvoie. 369

Certaines de ces opérations, qui font partie du travail de tout lecteur, doivent évidemment, dans l’interaction de répétition, être verbalisées pour être mises en commun. Qu’elles portent sur de simples unités lexicales, ou sur des compositions syntagmatiques, elles présentent divers degrés de « liberté interprétative » de la part du lecteur, depuis l’explicitation définitionnelle (fortement assujettie au code de la langue) jusqu’à l’interprétation la plus subjective, et c’est en fonction de ce degré de liberté que nous les aborderons successivement.

Notes
369.

Op. cit., p.95.