a) Niveau lexématique

a. Explicitation définitionnelle

Au niveau du lexème (de l’unité lexicale), les problèmes susceptibles de se poser concernent le « dictionnaire de base », c'est-à-dire la maîtrise du lexique employé par le texte de théâtre. On se souvient que l’une des élèves-comédiennes dirigée par Chéreau dans Richard III lui demandait la signification du terme « alacrité », terme suffisamment rare pour n’être pas immédiatement accessible au commun des lecteurs. En lui répondant, Patrice Chéreau apportait également une autre information lexicale en précisant le sens de « adouber » ; il s’agit ici d’un problème lié au lexique historiquement daté des pièces anciennes, que l’on peut rapprocher, par exemple, du cas où Jean-Pierre Vincent propose à Marc Bodnar (Paroles) un équivalent définitionnel pour sa réplique : « “Vous vous êtes enfermé dans la lice d’un adieu trop froid”, littéralement, ça veut dire : “vous vous êtes enfermé dans la barrière de tournoi d’un adieu trop froid” ». Il est à noter que si les problèmes lexicaux que nous puisons en exemple dans les répétitions de Richard III ont été soulevés au tout début du travail à la table, ce n’est pas le cas de la proposition définitionnelle fournie par Jean-Pierre Vincent, une fois le processus de répétition déjà fort avancé. Ainsi, même cette opération apparemment « primaire » d’explicitation littérale n’est pas identifiable à un « premier niveau de lecture », et le travail à la table (pourtant très long dans le cas de cette mise en scène de Tout est bien qui finit bien) peut tout à fait omettre certains termes méritant une telle mise au point.

Il n’est pas utile de multiplier les exemples ici ; l’intervention du metteur en scène (ou du dramaturge), qui ne se fait jamais que le relais du dictionnaire, n’y est évidemment pas très créative. On peut toutefois s’attarder sur une distinction utile entre deux communautés de destinataires du « dictionnaire de base » ainsi établi : il y a bien sûr d’une part la communauté des praticiens, au premier rang desquels les comédiens sont les plus immédiatement concernés par la signification littérale des énoncés qu’ils auront à proférer. Mais il y a aussi, à l’horizon de la représentation, la communauté des spectateurs, pour qui peuvent se poser exactement les mêmes problèmes de dictionnaire de base. On se souvient de ce « rouvre » pour lequel Langhoff tenta de trouver toutes sortes de solutions substitutives ou accompagnatives, non pas pour le rendre intelligible aux comédiens - l’explicitation en fut donnée dès sa première profération en répétition - mais aux spectateurs, pour qui il risquait, aux yeux du metteur en scène, de demeurer obscur tant il est peu usité. À en juger par le nombre d’alternatives tentées de répétition en répétition, et par la solution qui fut finalement adoptée (disparition des vers de Pouchkine au profit d’une chanson de guerre issue de la version de Yalta et adaptée par les traducteurs) le problème de la mise en commun du dictionnaire de base avec le public demeure chez Langhoff une préoccupation de premier plan.