2) Organisation énonciative

Nous ne reviendrons pas ici sur le phénomène bien connu de la double énonciation qui structure la représentation théâtrale : pour chaque réplique, on peut identifier deux niveaux de « communication », l’un, profond, tacite, reliant le scripteur et le public, et l’autre, manifeste, sur le plan de la fiction, reliant un locuteur à un ou plusieurs allocutaires. Le repérage du premier niveau a déjà fait l’objet d’observations dans le cadre de l’analyse du texte-document : en référant le texte à son auteur, à son époque, c’est d’une certaine manière la voix du scripteur qui est reconstituée à travers la manifestation dialogique de la pièce. Et l’on a déjà eu l’occasion d’observer que ce premier niveau de communication ne doit pas être privilégié au détriment du second, fictionnel : ce n’est pas parce que le texte de Prouhèze, dans le Soulier de Satin, révélait la position de Claudel sur le rôle de la béatitude dans la spiritualité chrétienne, que Prouhèze devait se faire « maîtresse théologienne ». Sa parole sur scène est celle d’un personnage, qu’il convient de situer dans un contexte énonciatif fictionnel que la mise en scène doit établir.