3) « Analyse » des énoncés et qualification thématique

Il va de soi qu'un tel travail de distribution des destinataires et des récepteurs des répliques va de pair avec l'évaluation de leur contenu : c'est en fonction de ce qui se dit - au plan de l'énoncé - que se décide à qui cela peut ou doit être dit, et par qui cela peut ou doit être entendu. Dans certains cas la compréhension des énoncés « va de soi », elle semble naturelle, immédiate (liée en fait à des procédures de détermination sémantique suffisamment simples pour n'avoir pas besoin de faire l'objet de mise au point explicite dans la parole de mise en scène). Mais pour peu que les tirades soient un peu longues, la syntaxe sophistiquée, les digressions fréquentes, l'énoncé se perd : non pas dans la succession de ses segments syntaxico-sémantiques, qui peuvent être isolément compris, mais dans sa cohérence, sa cohésion autour de ce qu'Anne Ubersfeld appelle le « noyau thématique » 377 - Erwing Goffman, note-t-elle, parle tout simplement du « sujet de la conversation », on peut encore dire : le thème du discours. Si l'auteur de Lire le théâtre souligne l'importance de la qualification thématique des énoncés dans la perspective d'une édification de la thématique générale de la pièce (il s'agit de repérer les récurrences thématiques dans les discours des personnages pour en déduire le « sujet » principal de l'œuvre), nous préférons nous en tenir au niveau des thématiques locales, indépendamment de leur inscription ou non dans une problématique transversale. Il ne s'agira évidemment pas de rendre compte de toutes les procédures d'étude des énoncés avérées dans la parole de mise en scène (beaucoup sont fort banales), mais de repérer une modalité d'approche de la valeur thématique des énoncés qui nous paraît très typique de la parole de mise en scène, et que nous qualifions d'hypertextuelle.

Notes
377.

Anne Ubersfeld, Lire le théâtre III, le dialogue de théâtre, p.107.