Prologue : une notion polémique

1) La rhétorique écartelée

L’usage de ce terme de « rhétorique » pour qualifier la parole mise en scène peut être jugé polémique à bien des égards : conçue alternativement ou simultanément comme art du beau discours, art de la persuasion, et système de figures, la rhétorique a souffert dans tous les cas de connotations péjoratives qui la discréditent : frivolité de l’éloquence pompeuse peu soucieuse du vrai, principe manipulatoire qui fait du discours une arme de persuasion trompeuse, ou codex des écarts de langage, qui les fige en les canonisant sitôt qu’il s’en saisit... à mesure que la rhétorique se subdivise en de multiples avatars, elle prête le flanc à une critique de plus en plus soupçonneuse. Choisir d’avoir recours malgré tout à une notion si sujette à caution, c’est en tout état de cause s’engager à faire le point sur « ce qu’on entend par là », pour qu’on n’y entende plus grincer ni les gonds qui articulent les différentes acceptions entre elles, ni les soupçons qu’elles suscitent respectivement 428 .

Notes
428.

Du moins dans les milieux non scientifiques : il convient en effet de marquer que cette défiance, aujourd’hui, est le fait d’une “pensée commune”, et non de la recherche universitaire. Est-il besoin de dire, pour faire entendre ici la voix de quelques “accusateurs”, combien la réaction des praticiens à qui nous faisions savoir notre intention de verser nos observations sur leur travail dans une sorte de “rhétorique du discours de mise en scène” fut méfiante ? “Il n’y a pas de recette”, me répondait-on , pas de “code” possible ni de système établissant les règles d’une pratique toujours singulière, unique... Preuve que la notion de rhétorique est toujours associée à l’idée d’un canon ou d’un programme, que les artistes d’aujourd’hui abordent avec la plus grande circonspection.