2) Raisonnements

Une fois établis ces préalables théoriques puisés dans la rhétorique artistotélicienne, le Traité de l’argumentation de Perelman est utile, pour observer les types de raisonnement à l’œuvre dans le discours de mise en scène. Il permet notamment d’insister sur ce qui constitue une évidence, mais qu’il n’est pas superflu de reformuler ici : la rhétorique ne produit évidemment pas ce que Perelman appelle des « raisonnements analytiques », dont les conclusions sont nécessaires parce qu’ils passent par des inférences contraignantes, mais des raisonnements dialectiques ; leurs prémisses sont constituées d’opinions généralement acceptées, qui constituent le domaine du vraisemblable, et leurs inférences ne sont pas contraignantes - c’est pourquoi ils nécessitent une argumentation. Observer systématiquement tous les types de raisonnement présents dans l’interaction de répétition en les référant à la typologie proposée par Perelman constituerait une tâche aussi fastidieuse que vaine : notre propos n’est pas de vérifier point par point la pertinence de son système, mais bien d’y puiser quelques outils conceptuels permettant de mettre en avant la spécificité du discours de mise en scène comme pratique argumentative. Ainsi, il apparaît notamment que ce qui fait essentiellement l’objet de raisonnements dans ce discours est la « psychée » des personnages, que ce soit leur structure permanente ou leurs états ponctuels, qu’il s’agit de reconstituer afin de motiver leurs actes ou de postuler leurs réactions probables aux actes des autres : nous nous situons alors en plein cœur de l’héritage stanislavskien, dans la droite ligne de ses hypothèses concernant le « sous-texte » que comédien et metteur en scène doivent œuvrer à reconstituer pour le révéler. Même si cet héritage a pu être considérablement relativisé par l’apport des théories brechtiennes de la distanciation, qui relèguent l’investigation psychologique au second plan, il semblerait que les principes stanislavskiens de la contruction du personnage aient encore de beaux jours devant eux.