II . Rhétorique des figures

A. ENcore une notion polémique

La définition de la « figure » est en elle-même le lieu d'un débat infiniment renouvelé : gravitant plus ou moins étroitement autour de la notion d'écart, l'une des principales difficultés théoriques consiste dans l'établissement du modèle référentiel par rapport à quoi cet écart peut-être évalué. Depuis longtemps déjà, l'idée de Quintilien selon laquelle les figures seraient des « façons de parler qui s'éloignent de la manière naturelle et ordinaire » a été contestée ; Du Marsais, au XVIIIème siècle, anéantit ce point de vue en signalant qu'il « se fait en un jour de marché à la halle plus de figures qu'en plusieurs jours d'assemblées académiques » 554 . L'écart ne saurait donc être évalué relativement à une langue « naturelle » : la production de figures ne doit pas être confondue avec l'élaboration préméditée de faits de langage « non-naturels », et l'oralité spontanée est identifiée non seulement comme un lieu privilégié de leur prolifération, mais peut-être même comme la matrice où elles se forment originellement. Ceci devrait nous rassurer, et nous fonder à entreprendre le repérage, dans cette oralité impromptue qu'est la parole de mise en scène, de figures que les théoriciens modernes de la rhétorique continuent pourtant d’identifier comme constitutives du fait littéraire. Il n'est pas indifférent en effet qu'en posant les prémisses de son entreprise de rénovation de la rhétorique, le groupe de Liège affirme nettement se mettre en quête des « procédés qui caractérisent la littérature » : voici l'oralité, pourtant dûment signalée par eux comme domaine fécond en matière de production des figures, à nouveau évacuée du propos de la rhétorique.

Notes
554.

Du Marsais, Traité des tropes, Paris, David, 1757.