3) Relation transcendantale : le « beau », « l’intéressant », « le juste »

Les jugements que nous avons observés jusqu’à présent relevaient d’une estimation relative : il s’agissait de juger de la convenance des signes les uns par rapport aux autres, au sein d’un programme en train de se construire, programme propre à chaque spectacle, qu’il était donc impossible de décliner en une série de formes préférables : en optant pour un traitement réaliste de telle scène, expressionniste de telle autre, en sélectionnant le calme pour tel échange, l’animation pour tel autre, le metteur en scène ne se prononçait nullement sur la valeur en soi de telles formes, mais jugeait de leur adéquation, et de leur supposée efficacité, au sein de l’esthétique du spectacle élaborée de proche en proche. Mais il n’est pas rare d’entendre en répétition des assertions qui relèvent bel et bien d’un jugement de valeur, qui attribuent à une forme, c’est-à-dire un signe, une valeur dans l’absolu. Entendons-nous bien : une telle estimation est aussi subjective que celle par laquelle le metteur en scène est amené à opter pour tel signe plutôt que tel autre ; mais elle s’inscrit dans un discours qui érige le signe comme une valeur en soi : il est alors jugé « beau », « intéressant », ou « juste ». Ce sont là les trois termes majoritairement récurrents par lesquels s’exprime le jugement esthétique dans notre corpus, quelle que soit la pièce mise en scène, qui que soient les praticiens qui s’y attèlent. Chacun des éléments de cette triade est susceptible d’apparaître soit dans l’élaboration des modèles, indiquant ce qui serait beau (intéressant, juste) soit dans les opérations de modélisation, indiquant ce qui est ou a été beau (intéressant, juste) dans les propositions de jeu des acteurs.