B. Les règles de l’art

Ainsi, le déploiement des propositions de jeu au fil du travail se trouve sanctionné par l’instance critique que représente le metteur en scène, qui développe des jugements conformément à certains critères esthétiques : les signes proposés par les comédiens sont évalués et sanctionnés en fonction de leur aptitude à intégrer un programme qui vise « le beau », « l’intéressant » et le « juste ». Loin de la prolifération anarchique que laissait supposer notre étude de « l’a-structuration » du procès de répétition, loin de cette « innocence » revendiquée qui laisserait aux hasards de la répétition le soin de retenir ou d’écarter les signes théâtraux, le travail théâtral, on s’en doutait, opère constamment des choix, conscients même s’ils ne sont pas toujours argumentés, et s’en remet à certains principes, mêmes si ceux-là ne se révèlent que peu à peu aux praticiens. Si émancipée de toute méthode, de toute règle préalable qu’elle se réclame, la répétition n’en est pas moins un espace régi par une conscience sélective, régulatrice, un espace structuré par un certain nombre de règles qui peuvent à l’occasion faire l’objet d’une formulation. Et de même que l’on a pu esquisser un (très sommaire) inventaire des « valeurs » esthétiques prisées par les praticiens contemporains, il est possible d’entreprendre un repérage des quelques « règles de l’art » régissant leur pratique. Ces principes concernent essentiellement deux dimensions : l’art de l’acteur, d’abord, qui peut faire l’objet de quelques petites « leçons » fragmentaires dans le cadre des répétitions, et l’art de la mise en scène ensuite, qui se laisse plus volontiers saisir dans la rhétorique métathéâtrale, mais dont certains affleurements sont perceptibles dans l’interaction de répétition. Il ne s’agira pas ici de prétendre rendre compte de toutes les règles susceptibles d’entrer dans un « manuel de l’acteur » ou dans un « guide du metteur en scène  » - utopique projet, et normatif de surcroît, qui ne nous inspire que méfiance - mais bien de faire émerger les structures récurrentes par delà les pratiques individuelles, points de ralliement des discours et des pratiques, révélateurs nous semble-t-il des tendances qui prédominent dans la conception que les praticiens ont de leur art.