Klaus Michaël Grüber,
Les géants de la montagne,
Pirandello,
Répétitions au Conservatoire National d’Art Dramatique,
Paris, 1998.
EXTRAITS DE L’HOMME DE PASSAGE,
Document audiovisuel de Christoph Rüter.
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Com
é
dienne
: “ Mais je trouvais l’œuvre si belle... ”
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K.M. Grüber : Là, il y a un point, après “ actrice ”?
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Comédienne : Oui.
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K.M. Grüber : Ecoute, on le sent. Si tu négliges une virgule, ou si tu négliges - euh, ça, quand je dis : “ dis-le à lui ”, ou “ dis-le logiquement à lui ”, tu peux faire confiance à...
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Comédienne : ... à la ponctuation.
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K.M. Grüber : A la ponctuation, absolument.
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K.M. Grüber : Et plus tu as peur qu’il ne comprenne pas, plus tu deviens faible. Parce que seulement le silence attire. Contrairement à tous - à presque tous les comédiens qui cherchent à augmenter. En te retirant tu crées l’attention, pas en appuyant.
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Comédienne : “ Vous qui voulez entendre cette fable nouvelle, croyez à mon avis de pauvre, pauvre femme ”
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K.M. Grüber : Le cou ! Le cou ! Le visage ouvert !
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André Wilms
(Seul face caméra) : Il travaille la langue française comme un compositeur. Il en perçoit la musicalité. Par exemple il m’a fait redécouvrir ce mot, “ Hélas ”. On répétait “ hélas ”, “ hélas ”, “ hélas ”, quand soudain il a crié : “ Voilà le mot : ‘hélas !’ ”
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Ludmila Mikaël
(Seule face caméra) : La première chose qu’il m’ait dite sur le personnage (Bérénice), c’est qu’elle connaît les étoiles et elle peut lire dans les étoiles. Elle peut se guider grâce aux étoiles et aussi- à la fois il m’a reliée au cosmos et en même temps que je pouvais lire dans les étoiles, je sentais le sable chaud sous mes doigts de pieds. L’alexandrin était comme devant nous. La parole était dite devant nous, mais n’était pas mêlée au sentiment, à la déchirure, qui devait être très violente à l’intérieur. Il y avait violence, déchirure, sanglot. Et après, on disait. C’était comme une distance. Oui, c’est-à-dire : cœur et corps brûlant, mais la parole est froide.
C’est une telle remise en question qu’on annule - on serait presque tenté d’annuler - tout ce qu’on a fait avant. Ce qui serait idiot. Mais de jeter un regard extrêmement sévère et noir sur son travail, et sur le travail qu’on a fait avec d’autres, et on se dit : “ Mais pourquoi on m’a laissé faire ces choses là, pourquoi il n’y avait pas un homme qui disait ‘Non !’, ‘Non !’ ”. Parce qu’il vous aime : quelqu’un qui vous aime vous dit non.
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Ellen Hammer
(Seule face caméra) : Ce qui est excitant avec Klaus, c’est que dans tout travail il recherche le caractère unique du sentiment d’un personnage, d’une situation. Je crois que c’est la condition fondamentale qui explique qu’il réinvente chaque fois le théâtre, la poésie théâtrale, et c’est ainsi qu’il gagne son intemporalité.
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Ben Happner
(Seul face à la caméra) : Il ne finit jamais ses phrases. Je doute donc qu’il achève quoi que ce soit d’autre. Mais il gesticule énormément. Il a tendance à en dire plus par ses gestes que par sa parole. Je trouve merveilleux qu’il soit si précis quand il s’agit d’écarter tout ce qui est superflu dans ce que nous croyons être la bonne manière de jouer. On a tendance à en faire trop et lui à en faire moins, mais à réfléchir plus.