Ariane Mnouchkine,
Tartuffe,
Molière,
Paris, 1995.

EXTRAITS DE AU SOLEIL MÊME LA NUIT
Document audiovisuel de Eric Darmon et Catherine Vilpoux

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(Répétition : Juliana travaille Dorine)

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(Juliana joue au singe, bondissant entre Orgon et Elmire, petits sauts qui le laissent interdit)

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(On entend les coups de marteau de la construction du décor, dans l’atelier attenant)

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(Au cours d’une réunion avec l’équipe administrative)

(rires)

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(A propos des retards)

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(Carton :  “ mais Duccio ne pouvait jouer Damis puisqu’il jouait Cléante ”)

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(Carton : “ c’est alors que Martial fit ses premiers pas ”)

(il se détourne, marche vers le fond de scène, se retourne en larmes, un sourire maladroit sur le visage, se rassied, on lui tend un mouchoir. Le silence se prolonge, Ariane semble émue, un peu maladroite, elle lui adresse quelques sourires un peu timides, le silence, toujours, plusieurs minutes. A un moment, dans un mouvement du visage, Martial croise le regard de la caméra, se détourne et pouffe de rire. Tout le monde se détend et rit aussi)

(Nirupama est très émue à son tour)

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(Carton : “ Hélas, très vite on s’aperçut que le soulagement était prématuré ”)

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Silence radio

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(Nirupama arrive)

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(Inaudible)

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(Carton : “ Retrouvailles avec la grande salle ”)

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(il entre, poussant son chariot à marchandises, musique tonitruante dans le poste)

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(Carton : “ Labeur ”; “ La grande salle résiste ”)

(Très long silence, tout le monde se tait.)

(Juliana joue Tartuffe. Encouragements, rires)

(rire des acteurs)

(Shahrokh travaille une attitude, buste penché, front incliné, regard “ par en dessous ”, léger sourire...)

(Shahrokh reprend une posture buste en avant, regard par en dessous)

Nirupama, riant toujours, montre du doigt Juliana qui rit aussi)

Shahrokh se retourne vers l’aire de jeu, prend sa respiration, reprend le jeu.

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Shahrokh se tient très près de Niru, le visage incliné, de biais, lève lentement le regard vers elle

Shahrokh reprend

Il reprend le jeu ; tient ses bras légèrement levés, écartés de son corps

Ses bras s’abaissent, ses épaules tombent

Il relâche ses mains

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Le rire d’Ariane sur un pantomime ou Dorine cherche à rassembler Marianne et Valère

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(Carton : “ Il serait trop long de raconter ici comment et après combien de palpitantes péripétiesMartial avait fini par rattraper Valère... Cependant que Damis courait toujours ”)

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rires

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Hélène (Damis) embrasse très longuement la main de Niru(Elmire)

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Renata Ramos Maza rejoint Hélène pour faire la locomotive :

(Niru prend les deux Damis “ sous ses ailes ”, un sous chaque bras)

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(elle abaisse le regard, aperçoit le jeu de mains de Renata, l’imite)

(Niru leur chuchote : chut, Damis, chut, Damis et leur indique de se lever, les emmène à jardin, amène la chaise...)

(après avoir tapé légèrement du pied, sans être imitée par Hélène qui ne l’a pas vue, Renata pousse un soupir sonore, une espèce de râle lèvres fermées ; Hélène la regarde)

  • “ ... que je me croie... ”

(Renata tape du pied, Hélène l’imite)

  • “ ... Mon âme est maintenant... ”

(Hélène et Renata se regardent, se sourient) 

  • Ariane Mnouchkine : (inaudible, puis rire) joue un petit peu quand même avec Elmire
  • Hélène Cinque : “ ... au comble de sa joie ”

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(Carton : “ Damis est enfin là ”)

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  • Ariane Mnouchkine : On est très en retard ; euh enfin à la vue de la répétition d’aujourd’hui, on est très en retard mais bon, on est moins en retard que je ne l’aurais pensé avant hier. Voyez ce que je veux dire c’est comme ça (geste de la main) quand je dis c’est très cyclothymique chez moi, c’est y a des moments ou je sors en m’disant pfou la la, on a deux mois de retard, et puis aujourd’hui je me dis bon, on a un mois de retard.

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  • Ariane Mnouchkine : Bon. Alors. Levez vous. Mettons le tapis déjà comme ça...

(Carton : “ C’est certainement la faute du tapis ”)

Déplacement des tapis.

  • Ariane Mnouchkine : Bien, oui.
  • Renata Ramos Maza : “ Si contre un doux espoir que j’avais pu former ... ”
  • Ariane Mnouchkine : Attends. Stop. bon j’t’arrête parce que toi t’es en train de travailler et y a quelque chose dans l’espace qui ne va pas, alors c’est pas la peine que tu te fatigues, alors qu’il y a quelque chose dans l’espace qui est pas bon, et que tout le monde à mon avis ressent. Hein, vous devez vous sentir mal, hein, sauf vous (à un groupe sur le côté de la scène). Moi je pense que vous c’est juste. Mais ce que j’ai fait là (indiquant le centre du plateau), ce que je viens de faire n’est pas juste. Euh... Scusez moi. Il faut encore vous lever. Il faut remettre ce tapis là-dessus, pour l’instant, pfou, est-ce qu’on peut descendre un tout petit peu ce tapis là, le descendre un petit peu, mettons le là, comme ça, on va trouver, voilà, vous étiez comme ça, et là vous vous êtes bien sentis.
  • Comédiens : Oui
  • Ariane Mnouchkine : Bien alors maintenant il faut que je, il faut qu’on aide Marianne à trouver comment elle arrive quelque part, quoi.

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(Danse des tapis...)

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  • Ariane Mnouchkine : C’est juste Marianne...est-ce que les autres, vous vous sentez bien là, pour toi, c’est pas mieux comme ça?
  • Renata Ramos Maza : Oui si si.
  • Ariane Mnouchkine : Bon.
  • Comédien : Euh est-ce que j’ai bien compris, que la difficulté c’est plutôt quand elle rentre, c’est pas quand elle parle, quand elle parle...
  • Ariane Mnouchkine : Ça je pense pas, effectivement c’est la liaison entre la sortie de Tartuffe, la rentrée et l’état dans lequel rentre Marianne et pourquoi elle va plutôt la qu’ailleurs. Y a pas d’aimant là, je sens pas un aimant. Et il en faudrait, il en faut un, qu’on ne voit pas mais qui est dans chaque endroit ou vous allez.

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(Carton : “ Doutes et confessions ”)

  • Voix d’Ariane Mnouchkine, off : Est-ce que quelqu’un a un mot, pour nous aider ?
    ... Je suis consciente de l’imperfection de ce que je te dis.
    ... Pour l’instant si je t’aide pas c’est parce que je sais pas.
    ...J’travaille mal aujourd’hui. Myriam, aide moi parce que je travaille mal aujourd’hui, alors si on reste face à face comme deux presse livres...
    ... Prend le temps, prenez le temps on a le temps, justement parce qu’on est en retard, il faut prendre le temps
    ... Alors je me dis : Ariane tu donnes des indications contradictoires... Oui ; voilà !

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(Carton : “ Vraie colère ”)

  • Ariane Mnouchkine : Je me permets de te dire que tu te prépares mal. Parce que moi, cette scène là, je ne vais plus te la faire travailler. Parce que j’ai l’impression, moi, de suer sang et eau sur scène, et d’avoir quelqu’un qui se rend pas compte que sur cette scène il y a encore un problème. Et qui prend pas les moyens, avant, d’être prêt à l’intérieur. Quand tu mets ta barbe trente secondes avant, que tu dis “ je suis prêt ”, au fond je devrais te dire : “ c’est pas vrai, je vais prendre un café, maintenant toi tu vas m’attendre ”. Je devrais te faire attendre. M’arranger pour être s- te piéger, c’est-à-dire te dire, bon ça y est on y va, tu es prêt maintenant, bon et ben maintenant tu attends. Pour te préparer. Parce que là, j’ai revu en dix secondes toutes les erreurs qu’on avait dit qu’on ferait plus. Alors c’est ça qui va se passer : tes camarades, et moi même, nous allons nous arrêter un quart d’heure, nous allons te faire attendre un quart d’heure pour que pendant un quart d’heure, tu te rendes compte de la force de concentration qu’il te faut, de de de la discipline qu’il te faut. Tu ne sais pas ce que c’est que te préparer. Tu ne le sais pas. Tu ne sais pas ce que c’est que prendre l’élan imaginaire. Le jeu avant. Tu ne sais pas ce que c’est que savoir que y va y avoir cette manif dans la poussière, avec tous ces fous qui hurlent des choses aberrantes et folles. Tu ne sais pas, tu ne le fais pas, c’est un travail que tu ne fais pas là-dessous. Alors tu arrives là dessus et tu prétends te chauffer devant nous. Moi je ne veux pas assister à ton échauffement, je suis désolée. Voilà, alors dans quinze minutes, nous reprendrons.

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  • Ariane Mnouchkine : Où tu étais toi d’abord?
  • Myriam Azencot : J’étais allée manger une glace chez le glacier de-

rire de Juliana

  • Ariane Mnouchkine : C’était quoi, que tu as pris comme parfum ?
  • Myriam Azencot : Euh... Cassis poire.
  • Ariane Mnouchkine : Non mais attends, attends, je m’excuse pourquoi tu n’étais pas là. Alors que je viens de prendre une colère tout à fait spectaculaire et tu n’étais pas là pour assister. Hein? Pourquoi t’étais pas là ?
  • Myriam Azencot : Tu es contente.
  • Ariane Mnouchkine : Oui.
  • Myriam Azencot : Je suis contente. Ça fait trois jours que je décolère pas mais je suis contente.
  • Ariane Mnouchkine : Bon alors c’est bien mais pourquoi t’étais pas la pour assister-
  • Myriam Azencot : Parce que j’étais à la couture pour essayer de trouver un tchador qui te convienne !
  • Ariane Mnouchkine : Ah bon, d’accord, d’accord.

(La découverte d’un nid d’alouettes sous le toit fait diversion)

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  • Myriam Azencot : Ariane Mnouchkine?
  • Ariane Mnouchkine : Oui?
  • Myriam Azencot : Le programme a changé?
  • Ariane Mnouchkine : Non : deux heures, sur le plateau.
  • Myriam Azencot : Mais pourquoi?
  • Ariane Mnouchkine : Filage. De la première partie, puis travail de la première partie. Pourquoi tu fais la gueule? Quoi? dis-moi?
  • Myriam Azencot : Travailler.
  • Ariane Mnouchkine : Hein?
  • Myriam Azencot : Je veux que tu me fasses travailler. Pas filer seulement.
  • Nirupama Nityanandan (emmenant Ariane par le bras, sur le mode de la plaisanterie) : On va aller voir un film, ce soir.
  • Ariane Mnouchkine : Oui.
  • Nirupama Nityanandan :... On va aller voir un film.
  • Ariane Mnouchkine : Un film. Oui, on va aller au cinéma toutes les deux, plutôt que de se faire engueuler, hein? (revenant sur ses pas, à Myriam) Bon, tu es prête emmerdeuse?
  • Myriam Azencot : Je suis toujours prête !
  • Ariane Mnouchkine : Bon, d’accord.

(Un comédien, costumé en femme - Flippe ou Potte, s’approche mi sérieux, mi ludique, s’adresse à Ariane Mnouchkine à voix basse)

  • Ariane Mnouchkine : Oui quoi?

(messes basses)

  • Ariane Mnouchkine : Mais moi je la connais que depuis quarante ans, je lui ai toujours parlé comme ça, elle m’a toujours parlé comme ça. Vous inquiétez pas, ça va s’arranger. Bon.
  • Myriam Azencot : (inaudible)... mon costume?
  • Ariane Mnouchkine : Oui, justement.
  • Myriam Azencot : Ah bon...
  • Ariane Mnouchkine : Absolument je m’en suis rendu compte... Que vous aviez votre costume, que vous aviez un sifflet, que vous aviez une ceinture qui brillait, des chaussettes blanches, un bracelet, et pas de bague...
  • Myriam Azencot : (montrant ses mains baguées) Comment pas de bague !?
  • Ariane Mnouchkine : Et ben, p’t’être pas assez alors...
  • Myriam Azencot : Il faudra que j’en ach- trouve plus alors, parce que là j’ai que ça, et encore y en a deux qui sont pas à moi...
  • Ariane Mnouchkine : Et je vais te dire une chose c’est que je trouve ton costume très juste, et que à côté c’est ton tchador qui me-
  • Myriam Azencot : Oui, c’est pas définitif.
  • Ariane Mnouchkine : Ah voilà, d’accord, c’est bon. Donc tu vois que je l’ai remarqué. Prends acte que j’ai remarqué.
  • Myriam Azencot : (à la cantonade) Vous avez entendu ?
  • Ariane Mnouchkine : Dis que j’ai remarqué.
  • Myriam Azencot : Vous êtes témoins?
  • Des comédiens : Quoi?
  • Myriam Azencot : Ben qu’elle a remarqué...
  • Ariane Mnouchkine : Bon.
  • Les comédiens : Ah mais on est témoin de tas de choses...(rires)

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  • Ariane Mnouchkine : Continuez, continuez, oui. Je voudrais éprouver devant madame Pernelle ce que j’éprouve- verais, “ a-i-s ”, parce que dieu merci j’en n’ai jamais rencontré, si je me retrouvais, moi devant un- un révisionniste. Voilà.
  • Brontis Jodorowski (Orgon) : “ Je vous dis que j’ai vu de mes yeux un crime si hardi ”
  • Myriam Azencot (Madame Pernelle) : “ Les langues ont toujours du venin à répandre / Et rien n’est ici bas qui s’en puisse défendre. ”
  • Brontis Jodorowski : “ C’est tenir un propos de sens bien dépourvu ! ”
  • (On entend le rire d’Ariane Mnouchkine)
  • Ariane Mnouchkine : Ne crie pas, ne crie pas.
  • Brontis Jodorowski : “ Je l’ai vu, vous dis-je, de mes propres yeux vu / Ce qu’on appelle vu : faut-il vous le rebattre / Aux oreilles cent fois, et crier comme quatre? ”
  • Myriam Azencot : “ Mon Dieu, le plus souvent l’apparence déçoit / Il ne faut pas toujours juger sur ce qu’on voit. ”
  • Brontis Jodorowski : “ J’enrage. ”
  • Myriam Azencot : “ Aux faux soupçons la nature est sujette, / Et c’est souvent à mal que le bien s’interprète. ”
  • Brontis Jodorowski : “ Je dois interpréter à charitable soin / Le désir d’embrasser ma femme? ”
  • Myriam Azencot : “ Il est besoin, / Pour accuser les autres d’avoir de justes causes ; / Et vous deviez attendre à vous voir sûr des choses. ”
  • Brontis Jodorowski : “ Hé ! diantre ! le moyen de m’en assurer mieux? / Je devais donc, ma mère, attendre, qu’à mes yeux / Il eut...(geste du coït : hurlement des femmes, éparpillement et gesticulation hystérique ; rire d’Ariane Mnouchkine)

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  • Ariane Mnouchkine : Avec cette orange là Shahrokh, tu la laisses par terre, laisse-la par terre l’orange, laisse-la par terre, allez ! Il se précipite sur l’orange, au lieu de se précipiter sur l’état. D’ailleurs il faut pas se précipiter du tout, d’ailleurs, hein? Je te demande, je te demande ça, je te demande l’économie - écrivez lui sur un miroir - un loup tu vois, un vautour, un chacal, un requin euh qu’est-ce que j’ai dit d’autre, un guépard, un tigre, un cobra.

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  • Ariane Mnouchkine : C’est amusant le théâtre, non, tu trouves pas que c’est amusant?

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Ariane sur le plateau, court (un peu pataudement) : elle joue Tartuffe, poursuivant Elmire de ses assiduités (au sens propre) ; elle joue donc avec Nirupama, qui recule devant elle. Ariane s’amuse beaucoup, elle rit de et dans son propre jeu :

  • Ariane Mnouchkine : Là elle- hop, vous allez chercher (riant toujours) : <Oh ça va être très amusant>, voilà et vous allez là, et hop elle vient là et paf elle tombe sur le lit, tu comprends ce que j’veux dire?

Jeu de Juliana puis de Shahrokh soulevant Niru de terre, pour l’amener sur le lit ; puis Shahrokh enjambe lestement le corps de sa “ victime ”...

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Filage devant les techniciens :

  • Ariane Mnouchkine : Si quelque chose ne marche, pas tant pis, c’est pas grave, le le point de vue c’est d’arriver à jouer, voilà, hein? Voilà. D’être au présent, d’écouter... présence, écouter, entendre, regarder, voir, sentir, d’accord ? On se préoccupe de rien d’autre ; tout, si tout foire, la musique foire, les trucs qu’on avait réglés, les machins, les draps tout ça, la porte s’ouvre pas, ça n’a aucune importance, c’est (inaudible) d’accord?

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  • Ariane Mnouchkine : Bon allez, attention... Judith tu es prête? Bon Allons-y !

Musique des cigales

  • Ariane Mnouchkine : Sergio, quand tu veux......

Il entre avec ses castagnettes, virtuose démonstration, rires dans la salle ; il actionne une touche de son poste à musique portatif, aucun son ne se produit. Surprise, la salle commence à rire

  • Ariane Mnouchkine : (à Judith, qui s’occupe du son) Je te tue je te tue, je te- je t’éventre, je te coupe tout ; on reprend, on reprend. (La musique arrive enfin). Trop tard, trop tard ! (La musique s’interrompt puis reprend). Je te crève les yeux. Arrêtez. Je te coupe la langue, je t’arrache les oreilles, je t’écorche vive. (La salle rit). Allez on reprend.
  • Sergio Canto : J’avais pas mis les piles...
  • Ariane Mnouchkine : Hein?
  • Sergio Canto : J’avais pas mis les piles !

Rire général

  • Ariane Mnouchkine : On reprend.

Cigales, castagnettes, et musique...Il amène son chariot à bricoles...

Entrée de Dorine, entrée d’Elmire, entrée de Marianne, des suivantes comiques ; entrée de Damis et Valère ; entrée de Myriam avec son sifflet, premières répliques.

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Carton : “ Oui, mais la fin? ”

  • Ariane Mnouchkine : Bien on va y aller? (Pas réponse). En piste en piste, en piste, venite venite...Allons y ! L’est où Pata ? Flipotte, Flippe et Potte, s’il vous plaît ? Madame Pernelle, Lise, où est Niru. Niru et Renata, elles sont où ? Niru ?
  • Comédien : On va reprendre à partir d’où ?
  • Ariane Mnouchkine : On va reprendre à la manif, au cortège. S’il vous plaît, bien.
  • Scène très rapide : la garde royale arrive en courant (vêtements plutôt militaires)
  • Ariane Mnouchkine : Doucement, doucement, oui mais c’est ça quand même, hein, il se passe bien ce que je pensais. Stop ! Il a pas le temps ; il a pas le temps. ‘Tention ! Alors reprenons, très lentement s’il vous plaît très lentement.

La scène se poursuit au ralenti

  • Ariane Mnouchkine : Stop ! voilà je m’excuse, mais on va le refaire, un tout petit peu plus vite, mais pas beaucoup plus vite.
    Stop ! Reprenons encore une fois, encore une fois...
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    Carton : “ une heure plus tard ”
  • Ariane Mnouchkine : Qu’est-ce que vous sentez ? Plus rien là, vous êtes trop fatigués, hein ?

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Carton : “ encore plus tard ”

  • Ariane Mnouchkine : Je dis pas du tout que c’est de votre faute... Je cherche euh... Faut qu’on comprenne, faut qu’on comprenne, comment on garde le concret d’un, d’une scène pareille. Il y a un moment de- je dirais de de de figuration absolue. Je suis pas certaine que c’est ce que veut Molière. Peut-être que- peut-être que oui, peut-être que- peut-être que étant donné que c’était au roi, tout le monde devenait figurant, mais nous on peut pas. Je suis désolée pour Molière, mais, je veux pas que tout le monde devienne figurant, et c’est un petit peu ce qui se produit, et vous vous mettez tous à jouer comme des figurants, c’est-à-dire à pas jouer au fond. Quelqu’un a une idée, allez essayons encore une fois, allez cinq minutes, pas essayer la scène mais cinq minutes de pensée, cinq minutes, courage...

Silence radio ; manifestement tous épuisés.
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Carton : “ plus tard encore ”

  • Ariane Mnouchkine : Allons nous coucher.

(Tout le monde déserte : il est deux heures du matin... Ariane reste seule, méditant sur le plateau, insatisfaite)

  • Ariane Mnouchkine : Vous êtes tous démaquillés, là ? Hé ? Vous êtes tous démaquillés ?
  • Comédien (off) : Oui.
  • Ariane Mnouchkine : Bon...
  • Comédien : Pourquoi ?
  • Ariane Mnouchkine : Non, comme ça, j’avais une petite idée...Pfou...Ìein? Non, vous remaquillez pas mais.. Juste habillés, une seconde juste habillés une seconde, juste, y en a pour dix minutes. Juste une seconde, juste quelque chose de noir, venez, juste, Myriam viens, mets juste ton truc noir, va. J’voudrais qu’on commence euh, je sais pas comment vous seriez arrivés là, mais je voudrais que vous soyez assis là tous, toute la famille, venez là, les mains comme ça. Allez !! les mains comme ça (rire de décontraction) Allons-y !
  • Comédien : Vers le public ?
  • Ariane Mnouchkine : Face public. Venez là, venez là. C’est pas grave, c’est pas grave pour aujourd’hui, je m’en fiche, c’est pas le salut. Bon allez euh... Les mains comme ça. Allons-y. Essayons. Les soldats, ça, voilà. Euh, tu peux baisser un petit peu les rampes là ? Pour pas qu’il les aient trop dans les yeux, là... Voilà, là ça commence...

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Cartons : “ Cette nuit là, les comédiens étaient remontés sur scène et cette nuit là, on trouva la fin. ”

...  “ Le Théâtre du Soleil joua “ Le Tartuffe ” de Molière 213 fois devant 122 821 spectateurs ”

... “ On paya les 6 millions de dettes et pendant 18 mois on assura les salaires de 58 membres de la troupe qui, avant de se remettre au travail, avaient pu subsister grâce aux allocations-chômage ”

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