Séance d’ouverture

  • Jean-Pierre Vincent : Le problème avec cette pièce c’est sa réputation ; mais il semble que votre réaction lors de la première lecture a été plutôt positive. Il faut qu’on dialogue un peu sur le contenu et le grain de la pièce. C’est une pièce tchekhovienne : les thèmes qui sont saturés, évoqués presque toujours de manière exhaustive dans les autres pièces... alors que Tout est bien est une pièce énigmatique et suggestive, avec des contradictions internes... La question qu’on va se poser c’est est-ce qu’il faut les résoudre ou les accepter?
    Alors, la nouvelle de Boccace : c’est issu de la troisième journée, qui est consacrée aux nouvelles portant sur la question : “ comment parvenir à ses fins grâce au courage, à la persévérance et aux ruses ”. La fin du XXème siècle, c’est la merde généralisée, mais Tout est bien prouve qu’il ne faut pas se décourager... Hélène parvient à ses fins et reproduit le monde.
    C’est un moment où Shakespeare écrit des pièces sombres, comme Mesure pour mesure. Shakespeare ajoute un pendant carnavalesque. Nous ne montons pas cette pièce pour faire plaisir à Shakespeare mais parce qu’elle trouve un écho aujourd’hui.
  • Bernard Chartreux , lisant un texte critique datant du XIXème siècle : “ Cette pièce est trop moderne pour aujourd’hui, on la montera plus tard ”. Il s’agit d’un critique proche des féministes de l’époque.
  • Jean-Pierre Vincent : Depuis trente ans, il y a eu la transformation des rapports hommes - femmes ; le féminisme détermine l’actualité de la pièce. Programme de travail : travail à la table pendant un mois parce que c’est une pièce énigmatique. C’est plus facile de monter un Shakespeare en français : c’est une traduction par des gens d’aujourd’hui pour des gens d’aujourd’hui. Pour des Anglais qui travaillent sans traduction, c’est l’équivalent de monter François Villon dans le texte !
    C’est une pièce romanesque ; donc il faut se demander quelle est la situation de vie? Il y a un imaginaire réaliste très fort qui est nécessaire pour nourrir des personnages, qui risquent sinon d’être squelettiques. Il m’a fallu un an et demi de travail pour en arriver là.
    Il y a eu une représentation en 1946 au Festival de Carcassonne mise en scène par René Dupuis. En Angleterre, au XVIIIème siècle, il y a eu quelques représentations coupées autour du personnage de Paroles. Puis disparition de la pièce jusqu’au XXème siècle : reprise dans les années 60 en Angleterre et aux États-Unis, phénomène lié au discours universitaire critique nouveau, notamment le renouveau féministe. C’est le premier classique monté par une metteur en scène contemporaine à New York.
    Pour les costumes : on a hésité entre costumes d’époque ou nouveau monde de fantaisie, d’aucune époque. Comme c’est une création, on a opté pour des costumes d’époque, fin Moyen-Age, début Renaissance.