Lecture de I,3 :

(Frédéric Fisbach, qui interprète le rôle du Bouffon, fait des propositions déjà assez élaborées : invente une mélodie et un style de diction particulier pour la partie chantée)

• Jean-Pierre Vincent : L’intendant, il faut le faire avec la pédanterie d’un jeune universitaire. C’est le plus anglais des personnages, il a une élégance sophistiquée, une grande culture. Quand il parle de Diane, de Dieu à propos d’Hélène, c’est des inventions de sa part. C’est un aristocrate cultivé, plein d’affectation. Le majordome de la Tour d’Argent qui touche des pots de vin à Rungis. Il fait du théâtre amateur.
  Le monologue de la Comtesse : il faut le dire au public, ton ami. Il faut penser <Je vais être méchante, mais je ne suis pas méchante >. Elle va lui tendre un piège, mais c’est pas méchant.
  A propos du dialogue Hélène - Comtesse : Madeleine Marion, qui interprète la Comtesse, commente l’enthousiasme de son personnage devant l’entreprise d’Hélène d’aller à Paris proposer ses soins au Roi :) c’est pour elle un regain d’énergie dans la maison, endeuillée depuis la mort de son mari.
• Jean-Pierre Vincent : Ce qui fait la beauté des personnages shakespeariens c’est qu’ils sont ambivalents, complexes. Ils sont toujours très condamnables, et admirables. A propos du monologue de la Comtesse : c’est un moment d’humanité, dans lequel on perçoit sa vigueur passée. Il y a un problème de transmission dans cette pièce : la vieille génération s’étonne de ne pas pouvoir transmettre ses valeurs à la suivante. Il y a un échec de la communication. Pour le dialogue Hélène - Comtesse, il faut faire croire le plus longtemps possible à un rapport d’hostilité. La Comtesse ranime son propre désir en l’interrogeant chez une autre : elle ranime sa propre flamme. Les passages du vouvoiement au tutoiement sont très violents. Il ne faut pas les occulter. L’amour d’Hélène pour Bertrand est un amour illicite : elle aime en dehors de sa classe, et elle l’aime avant qu’il ne l’aime. Les héroïnes shakespeariennes ne poursuivent normalement qu’après avoir été courtisées elles-mêmes. C’est la seule pièce où une jeune fille prend l’initiative (d’ailleurs c’est pour ça qu’il y a eu interdiction et censure.) Il y a un chœur d’approbation qui va croissant autour d’Hélène, c’est pour que le public ne prenne pas parti contre elle.
  A propos de la scène 1, sur cette méditation sur la virginité : est-ce que Paroles a entendu une réplique? Est-ce qu’il la trouve dans une posture éloquente? A propos du Bouffon : il veut se marier sans consommer ; la question de la sexualité est prééminente dans la pièce.
  Sur la scène 2 : Le Roi est devenu un poids : il pèse réellement sur la deuxième génération. La réponse des seigneurs est très conventionnelle. Le médecin mort est un magicien : il y aura des étoiles sur son costume. L’histoire du père Roussillon a sans doute été proférée de très nombreuses fois.
  Sur la scène 3 : La Comtesse, c’est une surveillante générale d’institution ; le jeune public doit pouvoir réagir négativement face à la Comtesse.
  Bertrand monte à Paris pour se retrouver dans le mouroir du roi.
  Est-ce qu’il y a des phrases qui ne sont pas claires pour vous?
• Rémi Carpentier : J’ai un problème avec “ Comment faut-il entendre cela? ”
• Jean-Pierre Vincent : Il y a un ordre tchekhovien des répliques : la question porte sur la phrase obscure de la Comtesse : “ Si les vivants résistent au chagrin, le chagrin mourra bientôt ”, mais c’est aussi une adresse à Bertrand : <comment osez-vous interrompre votre mère?>. Quand la Comtesse dit à Hélène : “ on va croire que vous affectez ”, elle n’est pas naïve : plus tard, quand elle apprend la vérité sur Hélène, on voit qu’elle s’en doutait.
  Il faut faire attention à l’agencement des styles (Jean-Pierre Vincent se réfère à un article d’un acteur anglais qui a interprété le rôle du Bouffon) L’alternance prose-vers est significative.
  Il y a un rêve parisien d’Hélène et de Paroles. Paroles a lu Gala, il connaît les merveilles de l’amour tel qu’on ne le rencontre pas à Narbonne. Le rêve d’Hélène c’est aussi le rêve d’une provinciale par rapport à Paris.
• Marc Bodnar : Est-ce que Paroles est un dragueur?
• Jean-Pierre Vincent : Non. Il sublime la sexualité dans la parole.
• Bernard Freyd : Et la maladie du roi, c’est quoi exactement?
• Jean-Pierre Vincent : Les commentateurs relient la maladie du Roi à l’impuissance. Il faut la comprendre comme une fistule à la prostate, ou proche des parties génitales. Dans l’intégrale de Shakespeare par la BBC, pour la scène Hélène - le roi, le lit du Roi était filmé en gros plan. C’est une scène de fascination : le Roi caresse le visage d’Hélène, et puis il y a un baiser - Hélène le soignerait en faisant l’amour avec lui ! Il y a une distinction entre la virginité et la chasteté !

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