Lecture de III, 1.

  • Jean-Pierre Vincent : Il y a plusieurs scénarios possibles. On peut la faire meeting guerrier ; la guerre comme opération publicitaire politicienne. C’est une rivalité commerciale publicitaire qui fait des morts. Il y a beaucoup de jactance dans cette guerre. Il y a l’option mussolinienne, le Duce apparaît au balcon, devant une foule en délire assoiffée de sang et de bagarre. Il y a la bande-son, il parle au micro. Et le deuxième seigneur c’est un jeune collaborateur qui ne comprend rien. On peut le faire aussi dans une vaste salle, le Duc a son trône au fond, il y a un jeu d’écho terrible, une distance immense. L’autre option c’est de faire la visite du champ de bataille : il y a du vent, du blizzard, des morceaux de cadavres qui gisent... Il faut trouver le moyen de faire sortir la position de chacun. Dans la dernière option, c’est un scénario privé, il n’y a pas de public, donc il y a moins d’amusement.
  • Jean-Jacques Simonian : La première version montre que c’est une guerre minable.
  • Jean-Pierre Vincent : Ça correspond à notre imaginaire de la guerre.
  • Bernard Chartreux : Ce que je trouve dommage avec ce scénario c’est le côté plaqué de l’extérieur : c’est une illustration ponctuelle que l’on ne retrouvera plus après.
  • Jean-Pierre Vincent : Le mieux c’est le champ de bataille : on voit l’arrivée des Français inexpérimentés. C’est la représentation du champ de bataille comme fantasme, le fantasme de la guerre. Or c’est objectivement dangereux ; ils sont dépaysés. C’est le champ de bataille en version romantique noir. Ils arrivent c’est l’hiver, la Bosnie, la Croatie. Et les femmes sont partie prenante de la guerre ; il y a un véritable enthousiasme à voir défiler les soldats ; ce n’est pas un espace d’opérette. On peut peut-être rapprocher ça de Mère Courage : c’est le dilemme entre survivre et être fidèle à ses principes. C’est le problème de la conservation des principes, de la vertu. On est dans la logique du champ de bataille : le vent, le froid, les cadavres.
  • Jean-Jacques Simonian : C’est un conflit très sanglant?
  • Jean-Pierre Vincent : C’est ce que le duc dit. Pour Bertrand ce sera le lieu d’un double dépucelage : la guerre et le sexe.
  • Jean-Jacques Simonian : Les évocations de la guerre ne disent rien de véritablement sanglant. En plus, c’est très facile d’avoir d’autres préoccupations pendant le conflit, il y en a qui draguent... Pourquoi n’y a-t-il pas de scène plus explicitement de guerre?
  • Jean-Pierre Vincent : En tout cas pour l’économie générale de la pièce, il ne faut pas diminuer l’importance de la figure du Duc : ses lettres réconcilient Bertrand et le roi. En arrivant les garçons changent de père : ils ont quitté le père malade pour trouver une nouvelle figure tutélaire. C’est un peu le Duc de Lorenzaccio : il est bagarreur, noceur, épais.