Lecture de IV, 2
-
Jean-Pierre Vincent : C’est la scène du dragueur et de la vierge. Une vierge qui se soumet : elle doit lui montrer qu’elle a peur et qu’elle fait un sacrifice ; donc, Myrto, il faut plus jouer la faible femme. Tout ce qu’elle entend, sa mère lui a déjà dit, alors elle fait des efforts pour ne pas rire... Jusqu’ici, Bertrand a toujours envoyé Paroles à sa place : cette fois, il se rend lui -même au rendez-vous : il joue son va-tout. En plus, il n’en peut plus : sous les sonnets, il y a la fêlure d’un désir urgent. On n’écrit des poèmes que par urgence sexuelle. La réplique de Diana sur le mariage de Bertrand a été commanditée par Hélène et la veuve pendant les préparatifs.
Brook affirme que pour bosser Shakespeare il ne faut lire que la pièce : tout y est dit. Ce n’est pas la peine d’aller chercher une documentation externe.
Diana c’est Diane, c’est la déesse chasseresse, une vierge combattante. Ce quiproquo sur le nom ça donne une scène à la Buster Keaton : c’est Paroles qui lui a donné le faux nom de Fontibella. Il faut penser cette scène comme une scène de comédie italienne. Bertrand doit être complètement caractériel. Lui joue en américain, et elle en italien... C’est les troupes d’occupation américaine à Naples, Diana a une oreillette où on lui traduit le texte (Jean-Pierre Vincent esquisse lui même la scène) Elle est pas du tout impliquée, pas du tout sensible aux accès de colère de Bertrand. On en a un portrait égrainé dans le texte, dans la bouche de la Comtesse, de Paroles : c’est un enfant capricieux, un gamin en rut. La difficulté c’est de situer humainement et géographiquement cette scène : il faudrait trouver un état antérieur, une occupation qui situerait l’heure et l’endroit. Il n’y a aucune indication de lieu chez Shakespeare. Bertrand doit sans doute intercepter Diana dans la rue. Est-ce qu’il ne faudrait pas voir Hélène et la veuve quelque part sur le plateau? Ce serait la fête des comploteuses, et comme ça, ça éviterait la délicate position monologante de Diana à la fin. Ce rendez-vous clandestin a sans doute été provoqué par les femmes ; Bertrand et Diana ne se connaissent que de vue, là c’est leur premier échange de paroles. -
Bernard Chartreux : Non non, la réponse est dans le texte : Bertrand a dit avant : “ je ne lui ai parlé qu’une fois, et je l’ai trouvée prodigieusement froide ”
-
Jean-Pierre Vincent : C’est comme une scène de championnat : le camp des hommes contre le camp des femmes. Et on sait que la fille va gagner.