3. Les hypothèses

Pour répondre aux questions que pose la problématique de l’enseignement avec des documents utilisant l’image animée, nous développerons les trois hypothèses suivantes.

La première hypothèse repose sur le statut de l’image dans la didactique des langues et sur la place traditionnelle qu’on lui attribue dans l’enseignement. Quel était le rôle qui lui a été donné dans les différents courants qui ont animé la didactique des langues et dans les méthodes qui en étaient les produits ? Avec quels effets ? Quelles étaient dans le même temps les représentations portées par les enseignants et les apprenants de ce support ? Leur attitude de spectateurs dans la pratique quotidienne n’en fait pas pour autant des utilisateurs dans la pratique professionnelle, aucune formation ne les prépare à la maîtrise d’un outil tel que la télévision ou le multimédia. Ils ne l’intègrent donc que difficilement et occasionnellement à leur enseignement. De là sans doute l’origine de nombreux échecs dans les pratiques pédagogiques, voire d’une mauvaise réputation de la télévision. Quelle est aujourd’hui en quelque sorte l’image de l’image et celle de son efficacité ? Soumise à un contexte didactique, il semble qu’elle ait eu un rôle réduit, celui d’auxiliaire du langage verbal. Si l’enseignement audiovisuel ne semble pas avoir rempli son contrat, est-ce la faute de l’image et de sa nature pédagogique ou celle de son usage ou plus simplement de sa méconnaissance ?

Nous développerons comme deuxième hypothèse le fait que depuis longtemps l’enseignement des langues vit au rythme des nouveautés technologiques et que chacune a été en son temps accompagnée par un discours fortement marqué. Elles semblent cependant rarement avoir atteint le but promis. Les promesses étaient-elles trop ambitieuses ou bien des paramètres fondamentaux ont-ils été oubliés dans les prévisions ? Tout se passe comme si l’innovation technique était beaucoup plus rapide que l’évolution des enseignants, comme si l’acculturation n’avait pas le temps de se faire ou bien de manière superficielle. Les documents vidéo de la génération communicative, malgré un changement apparent évident, ne proposent-ils pas des exploitations dans la tradition des supports précédents (compréhension réduite au dialogue linguistique, images d’illustration ou prétexte à un contenu livresque, exploitation in toto) ? L’arrivée des T.I.C., alors que les possibilités de l’audiovisuel sont loin d’avoir été toutes exploitées, semble être une répétition de ce scénario. Le fait que le multimédia reprenne un certain nombre d’éléments de l’audiovisuel peut laisser espérer que cette fois-ci le travail commencé sur un support, celui de l’analyse d’images et de sons médiatés, pourra s’achever sur un autre, même si les conditions ne sont pas tout à fait les mêmes.

La troisième hypothèse est commune à tous les supports de l’image animée. Si le monde de la classe et le monde extérieur s’opposent souvent, c’est qu’ils sont construits en fonction de contraintes de nature différente (économiques aussi bien que culturelles), et que les médias introduisent une dimension qui dépasse le seul savoir disciplinaire de l’enseignant. Ceci peut se résumer de manière symbolique à l’écart savoir livresque versus culture mosaïque et doit amener plus largement à (re)considérer le statut des savoirs véhiculés par la télévision et les médias en général. Si l’on a pour objectif l’acquisition de la compétence de communication, comment est-ce que l’apprentissage d’une langue et culture peut mettre au centre les spécificités de la communication médiatée, notamment pour l’apprentissage de la compétence orale, et aussi les savoir-faire audiovisuels, scripto-visuels, scripto-visio-oraux ? C’est d’une part le renouvellement des contenus didactiques et d’autre part la situation de communication et d’apprentissage dans laquelle se trouve l’apprenant qui rendent l’apprentissage plus ou moins interactif. Il s’agit d’un problème de rapports apprentissage/vecteur de médiation. L’image animée devrait permettre de concilier les impératifs des enseignants et les demandes des étudiants ou des adultes apprenants qui attendent un apprentissage plus professionnel de la langue étrangère en vue d’un usage utilitaire, voire spécialisé, qui soit une ouverture sur d’autres disciplines.