1.1.1. Distraire

Les termes qui semblent caractériser la télévision et que l’on rencontre le plus souvent sont “distraire” et “informer”. Tout le monde s’accorde aujourd’hui sur le but premier des chaînes de télévision qui est de capter et de retenir l’attention du public, voire de le fidéliser. Il faut avoir présent à l’esprit que plaire est devenu le premier impératif du média, et que, comme le rappelle Denis Huisman, “‘la fonction distractive de la radiophonie et de la télévision est présente à l’intérieur de leur fonction informative et de leur fonction éducative’.”40 La question est de savoir comment s’articulent les différents impératifs entre eux, comment plaire tout en informant ?... La notion de plaisir et de séduction est une appréciation très subjective, difficile à cerner : des images peuvent éveiller le plaisir chez le téléspectateur - plaisir des sens visuels, mais aussi olfactifs, gustatifs : qui n’a pas eu l’eau à la bouche en regardant la préparation du café d’une publicité? - Mais les mêmes images d’un reportage pourront apporter calme et détente aux uns, ennui et monotonie aux autres. Le sens auditif peut lui aussi être sous le charme d’une voix, d’une musique ou peut être aussi bien dérangé par le son agressif d’une même musique.

Au-delà des qualités que chacun accorde aux canaux audio et visuel, le média a par le biais de la technique des possibilités de maintenir le plaisir ou tout au moins l’attention du téléspectateur.41 L’apport de la technique est indispensable pour donner corps à l’émission, sinon le tout est insupportable. L’émission de télévision montre par sa structuration une recherche constante de la relance d’intérêt chez le téléspectateur. Par un découpage en mini-séquences, par un rythme général, par le montage même, tout est fait pour maintenir la motivation du récepteur. Ce point particulièrement intéressant pour la situation pédagogique sera développé dans la deuxième partie sur le message audiovisuel (dans le chapitre 2.2.).

Dans le domaine éducatif, le plaisir d’apprendre existe, mais on ne peut pas dire que la préoccupation majeure des enseignants soit d’enseigner en divertissant. Même au niveau de l’enseignement précoce des langues, l’observation des méthodes d’apprentissage ne montre rien de très amusant et ces méthodes laissent une large place à l’initiative de l’enseignant pour présenter la réalité étrangère sous des aspects riants ! Tout se passe comme si le plaisir était là pour détourner l’attention du bon élève, le divertissement, au sens pascalien du terme, qui amuse et détourne l’homme de penser à l’essentiel. Il semblait pourtant que l’ère communicative avec la centration sur l’apprenant avait renouvelé certaines idées reçues (des enseignants) en montrant comment le jeu pouvait être un moteur de la pédagogie. On pouvait penser que l’opposition entre sujet sérieux et non-sérieux, ou bien scolaire et extra-scolaire était dépassée. Il nous faudra approfondir les représentations des enseignants face à la télévision et aux nouvelles technologies dans la deuxième partie. En effet, l’aspect ludique de certaines activités ne semble ni distraire l’apprenant, ni détourner son attention du but fixé. Les jeux de rôle et les simulations, même virtuelles, sont vécues comme des apprentissages de la situation réelle à valeur expérientielle.

Notes
40.

Denis Huisman, L’âge du faire, Paris, 1994, Hachette, p.140.

41.

C’est ce que les études sur la réception démontrent auprès de publics non natifs, l’attirance exercée par les images, le scénario, est plus forte que la compréhension proprement linguistique, souvent minimale.