Le deuxième point qu’il faut maintenant considérer est la notion d’information qui, dans le milieu journalistique, a le sens de nouvelles : les informations, c’est l’actualité. Le devoir premier des journalistes est d’informer. N’étant cependant pas dans une perspective d’analyse de l’information, nous retiendrons la définition de Christian Hermelin pour les deux aspects qu’elle contient : elle relie d’une part les “nouvelles” des médias aux événements (la réalité):
‘“l’événement est une nouvelle donnée comme particulièrement importante par les médias. (...) En fait, apparaissent comme des événements les nouvelles que les médias sélectionnent et auxquelles ils confèrent un emplacement privilégié.”42 ’D’autre part, cette citation montre l’importance de la place réservée aux techniques de communication, à savoir la diffusion, le transport et le traitement de l’information. Si l’on se propose de travailler avec l’information médiatique, il paraît indispensable de savoir que celle-ci a subi de nombreux traitements avant d’arriver à l’écran du téléspectateur.43 Elle résulte d’un mélange subtil de faits et de mise en forme ; on parlera de “mise en scène” ou de scénarisation pour décrire “‘l’ensemble des procédés écrits ou audiovisuels par lesquels une information s’inscrit dans des formes spectaculaires’.”44 Connaître ou comprendre la mise en scène d’une émission permet, dans une finalité éducative, de saisir les rapports existants entre le réel et sa reconstruction à travers un média. Par ailleurs, si informer est une finalité de la télévision, capter son public reste la devise, même dans une émission informative. La programmation est un des paramètres pour y parvenir : ainsi le journal télévisé répond à la fois au souci d’information, basé sur le principe d’économie discursive, et à un rituel, (rendez-vous quotidiens à des heures régulières). En effet, dans sa mission d’information, le média recherche l’adhésion du public, c’est-à-dire d’une part établir un niveau suffisant de crédibilité en matière d’information, sans tomber dans la facilité des idées reçues ou des préjugés ; d’autre part, adapter son discours, voire instaurer une complicité. On peut parler ici du principe de coopération qui implique “‘que le but recherché soit une efficacité maximale de l’échange d’information.’”45 Il y aura adaptation du propos au savoir présupposé du récepteur, au niveau des références choisies, une complicité est instaurée qui repose sur l’implicite. A la télévision, ce peut être dans le rapport entre images et commentaire, selon une certaine conformité qui s’établit entre les deux sources d’informations.
“Informer” pris maintenant au sens large, c’est faire connaître, savoir. La définition du mot n’est donc pas la même pour un journaliste et pour un enseignant, et il n’est donc pas étonnant que leur point de vue soit divergeant. D’une part, les enseignants ont une autre idée sur la façon de faire passer les connaissances à la télévision, où le discours didactique domine. Son expression la plus connue est celle de la télévision éducative où s’affrontent discours des professionnels et discours des enseignants. Nous suivrons la pensée de Denis Huisman pour qui “‘l’enseignant a tendance à considérer les images télévisuelles comme un accompagnement ou l’illustration de son discours oral’” ; à l’inverse, le professionnel de la télévision croit que “‘l’essentiel des messages passe à travers les images dont le discours enseignant ne devrait être qu’un accompagnement’”46. D’autre part, les enseignants appliquent leurs catégories de jugement au contenu même de l’information apportée par la télévision, ce qui provoque des confusions. Pour eux, la logique vient toujours du langage, et les informations sont donc d’abord (ou uniquement) d’ordre verbal. Cependant, utiliser l’audiovisuel implique la prise en compte de la bicanalité, à savoir que les informations portées par chaque canal sont différentes et sans domination de l’un sur l’autre. Il est d’ailleurs plus approprié de parler des messages plutôt que de langages, car ils englobent tous les signes (verbaux, textuels, iconiques et techniques). De plus, les enseignants ont tendance à oublier qu’un événement vu à la télévision peut provoquer l’émotion, éveiller la sensibilité et le besoin de comprendre. Mais, l’information, si elle apporte des données nouvelles, ne crée pas à elle seule l’apprentissage, finalité de l’enseignement. Pour être éducative, la télévision a besoin des enseignants et cela relève plus largement d’une éducation aux médias, telle que la demande René La Borderie : éducation aux messages des médias, mais aussi à la communication et à la signification47.
Christian Hermelin, Apprendre avec l’actualité, Retz Nathan, Paris, 1993, p. 40.
Il ne fait pas partie de ce travail de montrer la “construction” de l’information dans les médias, nous renvoyons aux ouvrages de Maurice Mouillaud et Jean-François Tétu, Le journal quotidien, PUL de Lyon, 1989 ; de Philippe Viallon, L’Analyse du discours de la télévision, PUF, 1996.
Christian Hermelin, op. cit., p. 59.
Catherine Kerbrat-Orecchioni, L’implicite, Colin, 1986, p. 308.
Denis Huisman, op. cit., p.143.
On se reportera au chapitre 1.3.2. sur l’ICAV, et plus largement à René La Borderie, Éducation à l’image et aux médias, Nathan, Noisy-le-Grand, 1997, pp. 19-30.