Les médias et l’éducation ont une nature commune, car “ce sont des institutions sociales, issues de la société, qui contribuent à la reproduire et à la modifier.”62 La question sera de savoir comment apprendre, selon quelle progression, et quelles compétences on voudra développer chez l’apprenant. Il apparaît que d’une part, à l’heure des télévisions par câble et satellite et des moyens de communication en ligne par l’internet, l’accès aux langues européennes est facilité, mis pour ainsi dire à la portée de tous. D’autre part, il semble que l’usage des langues tende vers l’instrumentalisation : l’acquisition de langues étrangères ferait partie du savoir-faire professionnel de tout un chacun. Pour parvenir au plus vite à un savoir minimal - les capacités de compréhension et d’expression orales sont d’abord visées -, les étudiants ou les adultes apprenants attendent d’autres modes d’apprentissage, moins traditionnels que ceux pratiqués en milieu scolaire. En effet, les expériences individuelles confirment un décalage entre les apprentissages en milieu institutionnel et les besoins “à l’extérieur”, où la confrontation avec la langue/culture reste l’exercice le plus difficile. L’apprenant recherche notamment des situations où il va être amené à pratiquer la langue étrangère et à se mesurer individuellement à la réalité étrangère : les moyens audiovisuels et informatiques présentent le double avantage d’un apprentissage semi-autonome et d’une mise en scène de la langue et culture authentiques. Cependant, une individualisation de l’apprentissage ne veut pas dire autonomisation totale dans le sens où l’apprenant a accès au savoir “directement”, et n’a plus besoin de médiateur pour apprendre. Le simple contact entre une source et un apprenant ne garantit pas l’acte d’apprentissage qui relève d’une activité organisée et où la présence du maître “accoucheur” à la manière de Platon semble indispensable63. En effet, à la base de toute acquisition de savoir se trouve la rencontre entre le projet d’enseignement et le projet d’apprentissage, l’enseignant permet de mettre en correspondance les acquis, les capacités, les intérêts du sujet avec les savoirs “‘qu’il faut sans cesse parcourir, inventorier, pour découvrir en eux de nouvelles entrées, de nouvelles richesses, de nouveaux modes de présentation’.”64
Au-delà des capacités langagières qui restent la cible d’un enseignement/ apprentissage de la langue, le développement de capacités cognitives ainsi que du savoir-être de l’apprenant sont également visés. Il s’agit de l’acquisition d’outils mentaux qui seront pour l’apprenant de langue étrangère utilisables dans d’autres disciplines et transférables à des situations (hors contexte pédagogique notamment) ; le développement de capacités, telle la mémoire65 lui donneront une autonomie, d’abord face à la situation d’enseignement/apprentissage et plus largement dans la rencontre avec la réalité étrangère.
Instruire, éduquer prennent ici tout leur sens, faire en sorte que l’apprenant acquière du savoir, du savoir-faire et du savoir-être pour gagner en autonomie : devenir un téléspectateur averti et un citoyen multiculturel. L’expression individuelle de l’apprenant est toujours au centre des préoccupations pédagogiques, mais elle respectera aussi celle du groupe récepteur dans la mesure où il y a multiplicité des visions ou des opinions. C’est aussi un apprentissage social et une construction de la personnalité.
Thierry De Smedt , “De la logique des médias à celle de l’éducation”, in Médiaspouvoirs n°35, pp. 82- 94.
On pourra lire à ce sujet les réflexions de Philippe Meirieu sur le paradoxe de la situation d’apprentissage notamment dans le chapitre “Peut-on apprendre” : “l’apprentissage est une histoire qui met en présence un déjà-là et une intervention extérieure ; une histoire où s’affrontent des sujets et où travaillent et s’articulent, jamais facilement, intériorité et extériorité, élève et maître, structures cognitives existantes et apports nouveaux.” Apprendre ... oui, mais comment, ESF, Paris, 1995, p. 41.
ibidem, p. 42.
Hélène Trocmé-Fabre précise que “plus la prise d’information est claire, précise, attentive, motivée vers un but précis, plus l’analyse de l’information par le sujet est profonde, et plus la rétention à long terme risque d’être grande. (...) La mémorisation sera d’autant meilleure que l’information aura interpellé le cerveau tout entier, sous-cortical et cortical, l’être affectif et cognitif. J’apprends, donc je suis, Paris, Les Editions d’Organisation, 1987, p. 76.