Parmi tous les éléments qui peuvent contribuer à l’apprentissage des langues, l’image est certainement l’un des plus intéressants, parce qu’elle révèle comment pour comprendre et expliquer un code, la langue, on peut faire appel à un autre code66. La rétrospective que nous nous proposons de mener ici veut montrer que l’image a toujours été peu ou prou présente dans la salle de classe, et qu’elle était adaptée aux possibilités techniques et économiques du moment. Ce sont les deux préoccupations qui accompagneront la réflexion. La place faite à l’image dans l’enseignement des langues durant les quarante dernières années semble montrer, au-delà de son évolution conceptuelle, un renforcement de son usage. Si cela devait être le cas, il faudrait alors se demander s’il s’agit d’un hasard ou s’il n’y a pas là le signe d’une double évolution : d’une part, l’enseignement/apprentissage des langues ne serait plus purement linguistique mais aussi culturel - celui-ci ne pouvant être épuisé par le verbal nécessiterait d’autres codes comme l’image -, d’autre part, l’image est un moyen d’expression, auquel notre civilisation aurait de plus en plus recours et qui serait de plus en plus familier au public d’apprenants.
Pour suivre l’évolution de l’image à travers les courants de la didactique des langues, nous reprendrons quelques étapes de l’Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues 67 de Christian Puren. Nous complèterons ce schéma avec des critères thématiques et chronologiques en insistant notamment sur la technique des supports (photos, film fixe, film animé et support vidéo). Nous prendrons comme point de départ la “méthodologie directe et active” et considèrerons l’image telle qu’elle apparaît dans les manuels “traditionnels” jusque dans les années 60. C’est ensuite la méthodologie audiovisuelle qui mettra l’image et le son au centre de l’enseignement des langues avec le courant SGAV, de première et deuxième génération. Un troisième courant, encore sous la dominante audiovisuelle, nous amènera à parler de l’approche communicative et des documents authentiques. C’est dans cette période très active pour l’ouverture sur un travail didactique avec l’image que nous serons amenée à parler de l’image animée vidéo et télévisuelle, et de la place faite à l’enseignement de la culture. Enfin, nous évoquerons le développement du courant psychologique68 qui s’intéresse davantage à l’apprentissage et recentre l’approche de la langue sur les processus et les conditions d’apprentissage, comme la méthode communautaire, et l’approche naturelle. Un deuxième volet retracera les apports des autres disciplines, du Français Langue Seconde et Langue Maternelle, mais aussi de la linguistique et de la pragmatique, et des sciences de la communication à l’évolution de l’enseignement avec l’image. Après les expériences d’une télévision didactique, en France et à l’étranger, on verra l’apport du courant FLM à l’origine de l’utilisation de la télévision en classe, et plus particulièrement des informations TV. Le caractère un peu artificiel d’une telle présentation ne doit pas occulter le fait que ces courants sont largement superposés dans le temps et que des méthodes SGAV sont encore utilisées de nos jours. Il permet néanmoins de mettre à jour les grandes tendances méthodologiques, suffisantes dans la perspective prospective de ce travail.
Même si la “non-redondance entre systèmes sémiotiques” affirmée par Emile Benvéniste reste toujours de mise, cela montre les interpénétrations sémantiques des systèmes. Emile Benvéniste, Eléments de linguistique générale, T.2, Paris, Gallimard, 1974, p. 53.
Christian Puren, Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues, Nathan CLE International, 1988.
C’est la classification proposée par Claude Germain dans Évolution de l’enseignement des langues : 5000 ans d’histoire, CLE International, 1993.