1.2.3. L’approche communicative

Les travaux des linguistes sur le texte (l’énoncé) et le sujet parlant et les conditions de production du discours (l’énonciation) amènent les didacticiens à remettre en cause l’approche situationnelle : les enseignants jugent le cadre des méthodes trop étroit, se limitant à une langue stéréotypée, l’image (pédagogique) est elle aussi critiquée : “‘l’audiovisuel ne correspond pas à nos espérances. Et dans cette accusation, la première suspectée est l’image : elle ne nous convient pas ; pire, elle nous gêne’”.102

Cela conduit bon nombre d’auteurs à s’intéresser à la nature des conditions sociales de production du langage, et par delà à reconsidérer l’image. La langue est d’abord faite pour communiquer, la finalité de l’apprentissage est l’acquisition de la compétence de communication telle qu’elle a été définie par Hymes103 dès 1972. Par ailleurs, la prise en compte des besoins langagiers des apprenants est une nouveauté : les différences de public d’apprenants, leur personnalité et leurs motivations conduisent à un déplacement de la centration sur la méthodologie constituée vers l’apprenant. Les années 80 sont en effet marquées par l’affaiblissement de l’intégration didactique autour du support audiovisuel, tel qu’il est apparu avec les méthodes de première et deuxième génération. De nouvelles démarches, comme l’approche “communicative” apparaissent et, à côté de l’évolution thématique des manuels104, c’est surtout la dissociation de l’utilisation de l’image et du son qui marque la génération communicative. En effet, “‘le découpage visuel parallèle au découpage sonore (série d’images correspondant à une série de répliques) est abandonné, au profit, dans Archipel, de quelques images ‘visualisant globalement le cadre de l’échange et les protagonistes’’.”105

On vise davantage une compréhension globale des dialogues. C’est ainsi que le matériel didactique est contraint à évoluer : d’une part les manuels intègrent en plus des dialogues de départ un nouveau type de documents écrits et visuels. On note ainsi pour les enregistrements sonores une adaptation des formes linguistiques à la situation de communication106 (diversité des types de discours, conditions de production de la communication) et à l’intention de communication (rôle de l’énonciateur dans la demande d’information, l’expression de son opinion...). D’autre part, on a recours à des “documents authentiques”107, c’est-à-dire non expressément conçus pour être utilisés dans une classe de langue. A l’évolution des textes correspond celle des images : la forme des supports change, par exemple les photos (au niveau de la couleur, des angles de prise de vue, du format) sont “authentiques”. On note aussi que les dessins, ou les bandes dessinées abondent. Certaines méthodes font le choix du dessin (Cartes sur table) 108 , d’autres mélangent les genres (Sans Frontières) 109, d’autres préfèrent la photo en noir et blanc (Archipel) 110 ou l’image en couleur, papier et vidéo (Entrée libre ) 111.

Notes
102.

Louis Porcher, Des media dans les cours de langue, 1981, op. cit., p. 23.

103.

Sophie Moirand reprend la théorie de Dell H. Hymes. “La compétence de communication relèverait de facteurs cognitifs, psychologiques et socioculturels dépendant étroitement de la structure sociale dans laquelle vit l’individu et reposerait donc, non seulement sur une compétence linguistique (la connaissance des règles grammaticales du système) mais aussi sur une compétence socioculturelle (la connaissance des règles d’emploi et la capacité à les utiliser).” Enseigner à communiquer en langue étrangère, Hachette, 1990, p. 15.

104.

La méthode C’est le printemps marque le tournant du changement, voir ci-dessus 1.2.2.1.

105.

Christian Puren, Histoire des méthodologies , op. cit., p. 359.

106.

C’est à partir de “notions” et de “fonctions” que va s’organiser le matériel de la langue enseignée, on pourra se reporter aux “actes de parole” par exemple dans Louis Porcher, Adaptation d’un Niveau-Seuil pour des contextes scolaires, Hatier, 1979.

107.

Nous reviendrons sur le “document authentique” ci dessous (1.2.3.3.) en tant que documents évoluant en dehors de la méthode.

108.

Cartes sur table, R. Richterich et B. Suter, Hachette, 1983.

109.

Sans Frontières, M. et M. Verdelhan, P. Dominique, CLE International, Paris, 1982.

110.

Archipel, Janine Courtillon, Sabine Raillard, CREDIF, Didier, 1982.

111.

Entrée libre, CLE International, 1983.