L’épisode terminé, la deuxième partie du film est chargée de reprendre “‘les situations de communication et les éléments linguistiques nécessaires à cette communication’”. La mise en place des structures de la langue s’effectue également par le visionnement du film. Il s’agit par la projection de la partie Savoir Dire et par des exercices “‘d’assimiler et de maîtriser les actes de parole essentiels et les structures élémentaires de la langue’”.139 Dans le premier épisode, l’apparition à l’écran, en début de séquence, de “Monsieur Paul Durand” qui se présente comme “l’auteur du film” est frappante dans une situation en classe. L’auteur/professeur reste à l’écran et, face à l’apprenant, prend la parole : “‘je m’appelle Paul Durand je suis l’auteur du film, je vous présente Monsieur Dubois’”.... Le film fait alors apparaître le personnage de Vincent, vu auparavant dans la première partie. On revoit un extrait du premier épisode, où Vincent Dubois appelle un taxi de la main et de la voix “taxi !”, puis entre dans la voiture en disant : “bonjour Monsieur”. La présence du professeur à l’écran n’est pas sans rappeler la relation d’autorité entre celui qui sait et celui qui ne sait pas. La méthode vidéo est construite sur le même modèle traditionnel que celui du maître qui dirige la classe. La communication est unidirectionnelle. A la question, qui a fait ces documents, qui est derrière le message, Michel Tardy répondait :
‘“Si le maître s’éloigne, le producteur prend immédiatement la place fonctionnelle laissée vacante. La situation s’est sans doute modifiée dans l’ordre des apparences, mais elle n’altère pas la structure de la relation pédagogique.”140 ’On constate, à la fin de la séquence, que l’utilisation du scripto-visuel intervient pour souligner l’essentiel : les paroles du “professeur” sont simultanément affichées à l’écran, les informations scripto-verbales correspondent aux structures à apprendre. Selon le procédé technique du retour en arrière, certaines répliques des dialogues sont montrées à nouveau pour être répétées par l’auteur-professeur : des ralentis, des répétitions ou des retours en arrière s’ajoutent pour permettre la “répétition auditive” et la mémorisation. Selon le schéma proposé, l’apprenant est alors invité à poursuivre l’exercice d’écoute/réécoute. Des dessins qui reproduisent ensuite d’autres personnages introduisent un nouveau vocabulaire, les professions. En phase finale, un travail sur l’image sans le son peut être introduit ; il s’agit alors de reconstituer le dialogue, ou de faire une description des images du film. Les élèves pourront par ailleurs compléter la partie “Savoir dire” par les exercices du livret d’exercices qui reprend le lexique nouveau. Il est proposé au professeur de poursuivre l’apprentissage du lexique par une “utilisation maximale” des images. Les images doivent permettre la compréhension du vocabulaire nouveau ; cependant aucune indication méthodologique n’est donnée. Exemple donné pour l’épisode 1 : -appeler un taxi ; chercher ; lire ; écrire ; voir ; monter dans un taxi, dans le bus ; attendre ; demander à ; regarder sa montre.
Pour apprendre les actes de parole, les activités proposées ici n’ont rien de très communicatif : la démarche reste celle de la répétition sonore, des questions-réponses ou des exercices dans le cahier. En fait, l’image est un moyen pour agrémenter le contenu, et “motiver” le récepteur ; le son est, de son côté, strictement contrôlé par la progression grammaticale.
En comparaison, nous évoquerons pour terminer une autre méthode de français Le Nouvel Espaces 141 qui a choisi de présenter à côté des supports écrit et audio une cassette vidéo d’un autre type. Le choix du support vidéo est exprimé par le fait qu’il “‘permet d’observer des comportements dans des situations authentiques et d’aller du connu (ce que l’on comprend, ce que l’on décode grâce aux images), à l’inconnu, (les comportements gestuels et langagiers nouveaux).”142 ’Cette cassette propose des séquences thématiques (1 à 3 minutes) qui sont des documents authentiques - issus d’émissions de France 2 -, ils sont en rapport direct avec les thèmes de chacun des dossiers du manuel. Un genre de document a été privilégié : le reportage qui présente selon l’auteur les avantages d’être “court, rapide, centré sur un seul objet. De plus son écriture télévisuelle est assez simple et facile à décoder.” Les démarches d’utilisation visent la lecture des séquences du global au particulier ; le canal visuel est le premier appui de compréhension, ce sont différents éléments techniques, et d’analyse de l’image. D’autres éléments relevant du canal sonore comme la musique et le bruitage viennent s’y ajouter. On accorde à ce stade-là moins d’importance à la compréhension du message verbal. Ce n’est qu’après ces phases de repérage et de décodage qu’on passe aux activités lexicales, grammaticales, phonétiques... Le travail du professeur est largement guidé, les séquences sont transcrites et des explications concernant la culture ou l’actualité des sujets sont données. Ces procédures d’utilisation se rapprochent déjà de celles des documents authentiques que nous développerons dans la deuxième partie (chapitre 2.2.).
Avant-propos, Bienvenue en France, p. 2.
Michel Tardy, Média n° 96-97, oct.-nov. 1977, p.11.
Le Nouvel Espaces, Méthode de Français 1, Hachette, 1995.
Le Nouvel Espaces, Livret d’accompagnement de la cassette vidéo, Réalisation M. Beacco di Giura, Hachette 1995, p. 4.