Si les méthodes sont surtout destinées à l’enseignement/ apprentissage au niveau 1, une des caractéristiques de l’approche communicative et encore de la tendance actuelle, est de recourir, pour l’enseignement de la langue et de la culture au niveau 2, à d’autres matériaux. Dans la mesure où l’on veut enseigner la culture, au sens large du terme, on assiste à l’utilisation de documents de plus en plus variés qui intègrent des textes et des images produites à d’autres fins que pédagogiques, et dans d’autres lieux. Ce sont les documents authentiques 145, “‘c’est-à-dire tout document, sonore ou écrit, qui n’a pas été conçu expressément pour la classe ou pour l’étude de la langue, mais pour répondre à une fonction de communication, d’information, ou d’expression linguistique réelle’.”146 Sans vouloir reprendre la polémique à ce sujet, on retiendra que le concept d’authenticité n’a pas la même résonance chez des enseignants qui enseignent leur langue et chez ceux pour qui elle n’est que langue seconde. Il faut tenir compte du statut de l’enseignant et du contexte culturel dans lequel il enseigne. La situation aux États-Unis ou en Asie sera différente car la culture et les attentes de l’apprenant seront différentes, allant du rapprochement interculturel à la découverte d’une réalité totalement étrangère. La préparation de l’enseignant à ces documents d’un type chaque fois nouveau peut aussi poser des difficultés d’ordre méthodologique. Ces documents demandent à l’enseignant d’avoir une bonne connaissance de leur contexte de production et d’utilisation originel, et de fréquenter le pays régulièrement. En général, l’introduction de ces documents doit plutôt être considérée comme un but que comme un moyen : ils offrent une gradation de difficulté entre la langue du manuel et la langue de la réalité étrangère et permettent le passage de l’une à l’autre. Ils sont, comme le dit Daniel Coste, “‘l’aboutissement et le couronnement souhaitables d’une leçon.’147 ’
Nous préférons mettre davantage l’accent sur la communication réelle, contenue dans ces documents, car non filtrée par les nécessités pédagogiques : “‘les documents authentiques mettent l’apprenant en contact avec la langue telle qu’elle fonctionne vraiment dans la réalité sociale de la communication.’”148
Parmi ce nouveau type de documents, on peut citer l’utilisation des images publicitaires149, des dépliants et prospectus de diverses origines (produits par la SNCF ou par les Offices de tourisme), des bandes dessinées et de la photo (de presse ou d’art). Nous reprenons, en les résumant, les trois principales raisons établies par Évelyne Bérard150 qui justifient l’utilisation des documents authentiques. Certaines avaient été avancées dès 1970 par Daniel Coste, c’est en premier lieu, celle de la motivation. Il faut pour cela travailler en tenant compte des représentations et des attentes des apprenants face à la langue à apprendre. Tenir compte des apprenants qui sont déjà familiarisés par leur environnement (ou non) avec ce genre de documents : le cadre d’apprentissage est ici déterminant. L’utilisation du document authentique est ensuite un élément qui permettra de favoriser l’autonomie d’apprentissage de l’élève. En effet, c’est en développant en classe des stratégies d’approche des documents et de gestion du complexe que l’apprenant pourra ensuite réinvestir ces compétences en dehors de la classe. Le dernier point touche le contenu lui même, il s’agit de mettre en relation des énoncés avec leurs conditions de production. Il s’agit d’un travail non seulement sur les aspects linguistiques, mais sur la dimension pragmatique du langage et sur les usages sociaux. Certains didacticiens insistent sur le fait que les apprenants apprennent dans le maniement des documents les règles de fonctionnement de la communication. Mais plus que la seule diversité langagière, la présence de l’image, animée ou fixe, facilite l’accès au sens et enracine les productions langagières dans une situation immédiatement perceptible par l’apprenant. On dissocie également le sens porté par les images (par exemple dans les bandes dessinées ou le roman photo) de celui du langage verbal, on reconnaît que “‘l’image animée seule peut véhiculer un sens sans la présence du langage.’”151
Les médias, le cinéma et la télévision, possèdent de nombreux atouts pour un enseignement des langues, car ils sont, pour reprendre l’expression de Louis Porcher, “‘des conserves de la communication sociale’”. Si l’on peut dire que techniquement la télévision est par sa complexité le plus riche de tous les médias, il ne faut pas cacher ce qui fait sa force et sa faiblesse. Face aux thèses mac-luhanistes sur la puissance du média152 et son influence sur les individus, largement diffusées dans l’enseignement dans les années 1970 à 80, Louis Porcher essaie de réhabiliter la télévision. Car elle fait partie des pratiques culturelles des Français, de la production langagière quotidienne, authentique :
‘“Désormais, c’est à la télévision que s’incarne le plus profondément l’enchevêtrement du linguistique et du culturel. Pour le prendre en compte pédagogiquement, elle constitue à coup sûr le meilleur instrument éducatif.”153 ’Cependant l’utilisation des médias pose des problèmes didactiques : d’ordre linguistique, à cause du contenu et de la “langue” spécifique qu’ils créent, et à propos de la communication qu’ils instaurent, où aucune rétroaction ou régulation n’est possible. Selon Louis Porcher, on a affaire à une communication vectorisée en un seul sens, d’un émetteur vers des destinataires. La pédagogie du dialogue et de la négociation se trouve paralysée ; les médias favoriseraient un enseignement linéaire. C’est la conception de la communication telle qu’elle est répandue jusqu’au début des années 80 : le message est “transmis” de l’émetteur vers le récepteur. Cependant, les travaux de sociologie et de sémiologie notamment dans le numéro 33 de Communications 154 vont apporter un nouvel éclairage quant au “contenu” des médias et à leurs systèmes symboliques ; la télévision est vue comme système de représentation. Mais il est certain que l’emploi de documents issus des médias ne va pas de soi ; la dimension de communication concerne tout autant la médiation du message télévisuel que la gestion de la réception dans le groupe classe, notamment la gestion de l’apprentissage qui reste à la charge de l’enseignant. Ces points, au coeur de notre problématique, feront l’objet de la troisième partie. Comme le remarque justement Henri Besse en 1993 :
‘“La fréquentation, même assidue et intéressée, d’une langue authentique n’en assure pas nécessairement l’acquisition : nombreux sont les étudiants qui ont des difficultés à ‘structurer’ la masse des données linguistiques et culturelles qu’on leur présente sans en graduer suffisamment les difficultés.”155 ’On critique par ailleurs l’utilisation authentique de ces documents, car recourir à des documents authentiques n’est pas la garantie d’un usage authentique. Le cadre est celui de la classe de langue, et les utilisateurs sont en situation d’apprentissage : “‘leur emploi est forcément lié à une situation fictive ou même artificielle’”.156 Nous reviendrons sur les conditions de réception du document qui ne sont pas celles de la réalité dans la troisième partie sur la communication didactique (chapitre 3.4). En fait, le problème de l’authenticité ne se situe pas tant au niveau du document, qu’au niveau méthodologique. Comme le rappelle Evelyne Bérard, l’objectif est d’apprendre la langue étrangère, et la langue est elle-même moyen d’apprentissage. Il s’agira donc de proposer des activités aux apprenants qui les amènent à s’insérer dans la communication réelle. Sophie Moirand met également l’accent sur l’authenticité des tâches à proposer aux apprenants, “‘car d’elles vont découler les activités au travers desquelles ils se construisent une compétence de communication en langue étrangère’.”157
L’impulsion qui va promouvoir l’image animée dans la classe de langue vient également de l’équipement en magnétoscope : c’est la disponibilité de l’outil qui va créer, voire devancer la pédagogie. On assiste en même temps à un glissement de terme : de la télévision vers celui de la vidéo. L’introduction de DAV (“documents authentiques vidéo”158) dans les Centres de FLE a lieu dès le début des années 80 sous l’impulsion des travaux menés par Carmen Compte et Jean Mouchon dans le cadre du BELC159. Ils ont été les initiateurs du courant vidéo depuis Décoder le journal télévisé (1984) qui allie sensibilisation aux recherches sur la TV et propositions de pratiques pédagogiques. Les documents authentiques, extraits du Journal télévisé, présentent plusieurs aspects positifs : la facilité d’accès, le fait qu’ils échappent aux droits d’auteur, et la capacité à motiver l’apprenant. Cependant, les auteurs insistent sur le fait que cette facilité apparente ne doit pas cacher d’autres difficultés de traitement du document. En effet, la connaissance d’un événement ou d’une information du Journal télévisé ne suffit pas à la compréhension du message, à la saisie du message dans sa complexité. Car
‘“l’information à partir de laquelle le message est construit est transformée par les caractéristiques de l’émetteur et du destinataire. Ils sont tous deux enracinés dans un vécu socio-politico-culturel commun.”160 ’L’implicite est au centre de ces documents, et s’il ne nuit pas réellement à la compréhension du téléspectateur autochtone, il crée une situation de complexité qui, dans un contexte d’apprentissage de FLE, demande à être clarifiée. En effet, les médias s’inscrivent par leur nature dans un flux et font appel à de multiples références linguistiques et culturelles, en renvoyant notamment à des codes spécifiques - qu’il nous faudra développer dans la deuxième partie -, à d’autres savoir-faire, aux autres médias... Pour cela, il ne faut pas se limiter à une approche verbale qui entraînerait de fausses interprétations. Il existe en fait peu d’émissions aussi connotées linguistiquement et culturellement que le Journal Télévisé et “‘jouant de la spécificité du médium utilisé, c’est-à-dire un continuel équilibrage entre image et son. C’est donc un paradoxe que de considérer ce document comme un des plus aisés à travailler’.”161
Jean Mouchon a par ailleurs ouvert le champ du non-verbal dans la communication orale et audiovisuelle, et attiré l’attention des didacticiens sur la prise en compte dans une compétence de communication de la dimension spatiale et kinésique162 de tout acte de langage - nous verrons le rôle joué par les éléments statiques, mimo-gestuels et l’espace dans le chapitre 2.2.1.-. Reconnaissant pour sa part qu’une mauvaise utilisation de la vidéo provient souvent de la méconnaissance de l’écriture télévisuelle, Carmen Compte propose d’autres types de documents vidéo dans la collection EDAV163 : ce sont des analyses de films télévisuels, suivies d’informations et d’orientations pédagogiques. Différentes approches sont proposées, car l’utilisation dans un cours de langue peut suivre également des voies très diverses : le but est d’encourager la créativité du professeur. L’enseignant de langue ne doit pas perdre de vue le caractère authentique, originel du document ; comme le précise Carmen Compte : il doit essayer de “‘conserver le plus possible les effets positifs du média télévisuel et de se rapprocher de la perception qu’en a le public pour lequel le document a été élaboré’”.164 C’est un des principes méthodologiques essentiel pour développer une réception interactive tel que nous le ferons dans la deuxième partie.
L’article des ELA (1985), “Professeur cherche document authentique vidéo”165 , établit les bases d’une approche communicative des documents vidéo. L’hypothèse de départ est que le professeur définisse les objectifs à atteindre ; il doit ensuite exploiter les éléments facilitant la compréhension du document, notamment l’image. Si celle-ci permet une certaine intelligibilité, la perception est cependant une production : “‘on ne voit que ce que l’on cherche’”. Il y aura donc élaboration d’hypothèses sémantiques de la part de l’apprenant. Carmen Compte insiste sur les relations image/verbe qui sont un des éléments moteur pour la compréhension. Une opinion largement répandue selon laquelle la relation de redondance entre l’image et le verbe facilite la compréhension ne concerne que peu les documents télévisuels, car c’est selon elle la relation la moins utilisée - par opposition aux documents didactiques -. Il faut donc chercher une aide plutôt dans le rapport de complémentarité, ou de contraste, voire d’opposition. D’autres chercheurs insistent surtout sur la complexité des phénomènes de compréhension des documents ; ils concluent que :
‘“la pluralité des facteurs comme la thématique, les relations entre l’image et le texte, la connaissance des codes, le savoir préalablement acquis par le récepteur, les rapports dialectiques entre le mode de questionnement et la sémantisation de concepts transportés par deux canaux sensoriels différents forment un réseau de variables dont la complexité ne permet pas de prédiction sur les problèmes de compréhension d’un film donné.”166 ’Un des buts des DAV est ainsi d’ouvrir le champ de perception de l’apprenant en lui présentant de nouveaux comportements et des formes d’expression différentes. Selon son habitude télévisuelle, l’apprenant pourra avoir des facilités à comprendre le document et faire des repérages justes, mais ses interprétations seront fausses parce qu’il n’aura pas perçu tel code culturel de l’image ou tel élément non verbal. Le document sert alors d’effet “‘modélisateur, c’est-à-dire capable d’élaborer chez l’apprenant de nouvelles images mentales’”.167
Enfin, un dernier aspect à ne pas négliger lors d’un travail avec des DAV concerne les règles d’écriture télévisuelle à travers lesquelles tout réalisateur poursuit un double but : il s’efforce à la fois de faciliter la compréhension du message, en se servant de tous les éléments qui caractérisent le média, et d’activer continuellement la motivation. Ceci amène l’enseignant à s’intéresser dans un premier temps à la nature même de l’image et aux signes filmiques, avant de les utiliser comme élément facilitateur. Les fonctions de facilitation et de motivation sont aussi une des préoccupations de l’apprentissage des langues, nous tenterons d’en tirer toutes les conséquences possibles. Pour reprendre la conclusion de Carmen Compte, il s’agit en fait de faire correspondre trois paramètres : celui des apprenants, celui du type d’apprentissage et celui du document.
Parallèlement, à l’université de la Sarre en Allemagne, dans le cadre des études de français, Wolfgang Bufe et Ingo Deichsel intègrent la télévision dans le cursus de l’enseignement de la langue orale. Ils ont les premiers mis l’accent sur le problème méthodologique que pose un enseignement des langues par la télévision non scolaire. Ils se sont intéressés dans le cadre de “TV-Projekt” à la question de la cognition audiovisuelle en vue de la compréhension orale des documents TV168. Une nouveauté consiste dans l’utilisation de tels documents à tous les niveaux d’apprentissage. En effet, ce n’est pas le document qui détermine le niveau des apprenants, mais ce sont les objectifs et les activités : compréhension globale, expression orale ou écrite. Wolfgang Bufe considère la TV comme le média central le mieux apte à enseigner les langues étrangères dans leur contexte socio-culturel. En effet, il voit dans l’utilisation de la TV, comme de tout document authentique en général,
‘“un modèle de langue supérieur à d’autres modèles didactiques construits ou simulés ; elle contribue à vaincre l’anachronisme des matériaux pédagogiques commercialisés et, de ce fait, sujets à être rapidement périmés.”169 ’Il plaide surtout pour un renouveau méthodologique, c’est pour lui, donner aux professeurs la possibilité de faire des expériences. Il ouvre lui-même la voie puisque il réalise des documents sous forme d’interviews vidéo, qui sont menées sur le terrain, en France, avec des étudiants romanistes. Ces situations de communication, même filmées, sont proches du contexte “authentique” puisque l’apprenant est en communication avec des locuteurs natifs. Ces expériences ont un double rôle, celui de simuler et de s’entraîner à l’expression et à la communication réelle : exercice de production didactique, mais en contexte réel. Puis, dans une deuxième phase, l’analyse de ces documents vidéo permet de revenir dans un contexte didactique sur une conversation réelle, et de l’exploiter en compréhension. Cet usage fortement communicatif de la vidéo a été repris par nous-même dans notre enseignement et sera développé dans la troisième partie de ce travail (voir le chapitre 3.2.). Ces travaux s’appuient non seulement sur les recherches de linguistique, mais aussi de psychologie sociale des mass média et de sémiologie de l’image. Wolfgang Bufe défendait déjà une approche interdisciplinaire.
On constate donc un intérêt croissant chez les enseignants pour les documents extraits de la télévision qui s’accompagne, depuis la fin des années 80, d’un nombre important de publications, relevant de champs scientifiques différents, et traitant plus particulièrement des informations télévisées. Cela permet de dire que la télévision est devenue un objet transversal : il relève de la sociologie, de l’économie, de la communication, de la socio-linguistique, et aussi de l’éducation. Ainsi, les recherches menées en sciences de l’information et de la communication ont ouvert des voies aux socio-linguistes qui se sont emparés des discours des médias170. Une thématique s’impose depuis une dizaine d’années, celle du Journal Télévisé qui semble devenu un objet privilégié d’investigation. Les travaux menés par des chercheurs sur l’analyse du discours comme Patrick Charaudeau171, sur la communication télévisuelle par Eliseo Veron172 et sur la mise en forme de l’information par Guy Lochard173, apportent des outils théoriques et permettent à la didactique, et à d’autres disciplines, de profiter des avancées dans le domaine.
C’est dans cette lignée qu’il faut placer les travaux menés par Thierry Lancien174 sur les documents télévisuels dans une perspective d’apprentissage de la langue. Il insiste sur la nouvelle relation au cinéma et à la télévision que l’outil vidéo crée, sur la variété des supports, des genres, des langages, des situations de discours et des discours eux-mêmes. Il met l’accent sur les rapports texte-image et propose une typologie des messages télévisés. A partir de ces documents, il développe des activités de compréhension, d’attention visuelle et sonore chez les apprenants, il envisage aussi des activités d’expression. Dans un ouvrage plus récent Le journal télévisé 175, Thierry Lancien insiste sur la circulation des émissions que permet la TV, ces documents “‘porteurs de croyances, d’opinions, de valeurs et de représentations différentes’”. Il aborde ici l’information des Journaux Télévisés français par l’entrée constructiviste qui considère le Journal Télévisé comme un “texte” médiatique, et non plus comme un document pédagogique. Cependant, au niveau de la situation de réception, nous voudrions insister d’une part sur la position de l’apprenant qui est face à un document médiatique, donc authentique, mais que le statut d’apprenant met dans une situation de réception didactique. Ces deux situations de réception ne peuvent etre confondues, mais elles se superposent dans l’espace d’apprentissage. D’autre part, ce passage par la situation d’apprentissage guidée nous paraît cependant nécessaire pour tendre vers la situation de réception authentique, dans un contexte non scolaire. Nous développerons ce point dans la troisième partie de ce travail. Par ailleurs, l’approche qui repose sur le principe de la construction de l’information n’est pas très répandue en didactique des langues. Elle suppose en effet une connaissance approfondie du média de la part de l’enseignant qui est l’intermédiaire entre les programmes TV et le public d’apprenant. Ceci soulève la question de la formation des enseignants aux médias, question d’autant plus aiguë pour ceux qui n’enseignent pas leur langue maternelle. Les apprentissages visés sont d’un nouveau type, il s’agit d’acquérir des compétences d’interprétation : pour Thierry Lancien c’est en premier lieu une “compétence informative”, c’est-à-dire comprendre comment se construit l’information TV ; en second, une “compétence discursive” qui relève de la compréhension des modes de mise en discours spécifiques au média. Enfin, une compétence plus largement intertextuelle qui permette de mettre en relation différents types de textes issus d’autres médias. L’intérêt de la démarche est d’introduire une réception active du document télévisuel.
Nous voyons ici la possibilité pour l’apprenant-téléspectateur d’apprendre à lire et à écouter, à interpréter linguistiquement et culturellement les informations en langue étrangère. Il peut ensuite réinvestir ces capacités dans un apprentissage semi-autonome, ou dans une réception réellement authentique, hors du cadre de la classe de langue. En choisissant le seul genre des informations télévisées, Thierry Lancien restreint à notre avis le public d’apprenant principalement au niveau avancé et fort pour qui la langue devient outil d’analyse. C’est davantage une ouverture à une réflexion sur la dimension interculturelle des messages des médias. Mais il est aussi possible selon cette démarche de type sémiotique de se servir d’autres émissions avec un public où la compréhension générale est faible et pour lequel il s’agit d’améliorer la compétence de compréhension linguistique et culturelle. Nous pensons que l’utilisation de documents télévisuels dans une situation didactique doit mettre en relation à la fois la “construction” du document, c’est-à-dire la structure du message télévisé, et les stratégies d’apprentissage d’une compétence de communication. Nous tâcherons de montrer dans la suite de ce travail comment articuler la construction du document, notamment dans sa dimension de non transparence au réel, avec les finalités d’un apprentissage de la langue/culture étrangère.
Le terme “document authentique” a soulevé d’une part le problème du sens accordé à “authentique” à propos de documents qui sont présentés dans un cadre pédagogique, c’est-à-dire non authentique. La seule opposition valable est celle qui oppose des documents produits pour la classe, et ceux produits pour un contexte extra-scolaire. D’autre part, recourir à ce type de documents ne suffit pas pour développer une pédagogie de l’authenticité, qui implique en fait une authenticité d’interaction verbale dans la classe.
Dictionnaire de didactique des langues, Robert Galisson, Daniel Coste, Hachette, p. 59.
Daniel Coste, “Le renouvellement méthodologique dans l’enseignement du français langue étrangère. Remarques sur les années 1955-1970”, Langue Française n°8, déc. 1970, pp. 7-23. Voir aussi “Hypothèses méthodologiques pour le niveau 2”, Le Français dans le Monde n°73, juin 1970, pp. 26-38.
Louis Porcher, Des media dans les cours de langues, CLE International, 1981, p. 18.
Ce peut être l’affiche des panneaux de ville, la photo de magazine, et les spots télévisuels ; nous traiterons cette thématique en 1.2.2.4. dans le courant civilisation et culture.
Evelyne Bérard, L’approche communicative, Paris, CLE International, 1991.
Marie-Claude Albert et Evelyne Bérard-Lavenne, “Documents télévisés et apprentissage linguistique”, in Le Français dans le Monde n°157, 1980, pp. 99-105.
Marschall Mac-Luhan dans son ouvrage Pour comprendre les média (1968 éd. française) a créé la formule lapidaire “message is medium”; c’est l’idée selon laquelle le message n’est qu’un leurre qui détourne notre attention pendant que le “médium” façonne notre activité. Il a été démontré par la suite l’excès de cette thèse et qu’un message n’est pas reçu par tout le monde identiquement.
Louis Porcher, op. cit., 1981, p. 100.
Communications 33 Apprendre des médias, Seuil, 1981. Nous développerons le courant sur l’éducation aux médias en 1.3.3..
Henri Besse, Méthodes et pratiques des manuels de langue, op. cit., p. 50.
Dictionnaire de didactique des langues, Robert Galisson, Daniel Coste, Hachette, p. 59.
Sophie Moirand, Enseigner à communiquer en langue étrangère, Hachette, 1990, p. 52.
Carmen Compte précise que le terme de “vidéo” est pris dans son sens de transmission technique d’une image sur un support magnétique (vidéo cassette) sans tenir compte de son origine (électronique ou cinématographique).
Daniel Coste, Carmen Compte, “Vidéos, quelles vidéos dans la classe de langues ?” in Die neueren Sprachen, juin 1984.
Carmen Compte, Jean Mouchon, Décoder le journal télévisé, Paris CIEP- BELC, 1984.
Carmen Compte, Jean Mouchon, Décoder le journal télévisé, op. cit., p. 5.
ibidem, p. 6.
Notamment les travaux du colloque ANEFLE consacré au “Non-linguistique dans la communication” et l’intervention de Jean Mouchon sur la stratégie du geste et de l’image, in CAVILAM-ANEFLE, 1984.
Jean Mouchon, “Langage corporel dans la communication et DLE”, in D’autres voies pour la didactique des langues étrangères, LAL, HATIER-CREDIF, 1982, pp. 79-88.
La collection EDAV MEDIA FLE dirigée par Carmen Compte propose six productions et exploitations de films CNDP ou grand public (TF1) comme “La main dans le sac”, EDAV 1, Paris, CIEP- BELC,1986.
“Fait divers à la une”, EDAV 3, Paris, CIEP- BELC, 1989.
“Comment devenir champion de football”, EDAV 6, 1995.
Carmen Compte, in EDAV 3, op. cit., p. 5.
Carmen Compte, “Professeur cherche document authentique vidéo”, ELA n°58, Paris, Didier Érudition, 1985.
A. Kraif, I. Marino, H. Scherer, I. Weitzel, “Compréhension de documents publicitaires TV”, in ELA n°38, pp. 83-105. Le numéro 38 de la revue ELA est consacré à “Télévision non scolaire et enseignement des langues”.
Carmen Compte, “Professeur cherche document authentique vidéo”, op. cit., p. 51.
Plus particulièrement les articles de Wolfgang Bufe, “Télévision. Pédagogie et Recherche”, in Études de Linguistique Appliquée, n°38, 1980, pp. 5-16. Ingo Deichsel, “Quelques conséquences de la cognition audiovisuelle en vue d’une méthodologie des médias”, in ELA, n°38. Wolfgang Bufe, “Télévision et compréhension orale” in Baum R., Sprache in Unterricht und Forschung / Schwerpunkt Romanistik, pp. 101-121.
Wolfgang Bufe, in ELA n°38, op. cit., p. 7.
Le CEDISCOR, Centre de recherche sur la didacticité des discours à la Sorbonne Nouvelle, s’intéresse également aux discours des médias, cf. Les Carnets du cediscor 2 (1994). Le GRIC, Groupe de Recherche sur les Interactions Conversationnelles, à Lyon 2, soumet les talk-shows à une approche conversationnelle.
L’interdisciplinarité se lit aussi dans le numéro spécial du Français dans le Monde “Médias : Faits et Effets”, juillet 1994. Patrick Charaudeau, Langage et Discours, Paris , Hachette, 1983.
Communications 33, “Apprendre des médias”, Paris, Seuil, 1981. Eliseo Veron, Construire l’événement, Editons de Minuit, 1981. Eliseo Veron, ’Il est là, je le vois, il me parle’, in Communications, n° 38, Paris, 1983.
Guy Lochard, Apprendre avec l’information télévisée, Paris, Retz, 1989.
Bulletin du CERTEIC, n°9, n°10, Université de Lille 3, 1988 et 1989.
Moyens d’information et enjeux éducatifs : pour une approche critique, Actes du Colloque La Baume les Aix, mai 1990, CLEMI- SFSIC.
Gérard Leblanc, Treize heures/vingt heures le monde en suspens, Marburg, Hitzeroth, 1987.
Thierry Lancien, Le document vidéo dans la classe de langue, CLE, 1986.
L’utilisation de la télévision en classe de langue, Thèse de doctorat, Université de Paris III, 1990.
Thierry Lancien, Le journal télévisé, Construction de l’information et compétences d’interprétation, Didier-CREDIF, 1995.