1.2.4.2. Vers “l’éclectisme”?

Si l’on admet aujourd’hui que l’apprenant est au centre de l’apprentissage, il est aussi des préoccupations qui restent centrales pour les enseignants, c’est la place attribuée au matériau dans l’apprentissage. On constate en effet au travers de l’évolution des matériaux que leur place est déterminante, et qu’elle est très souvent liée au concept d’innovation : dans la période audiovisuelle, ils étaient au centre de la méthodologie, ce qui a permis de parler d’intégration200. Alors que par le biais de l’informatique les matériaux donnent la possibilité d’un retour vers l’intégration, il semble que ce modèle ne convienne plus aujourd’hui pour au moins deux raisons : d’une part, la période communicative a permis à l’enseignant d’innover de nouvelles pratiques orientées vers la communication de l’apprenant, en faisant appel à diverses ressources qu’il se charge lui-même d’intégrer dans son enseignement. D’autre part, les matériaux issus des technologies, nouvelles et anciennes comme la télévision, sont de plus en plus associés à l’idée de diversité et de styles d’apprentissage. Ils ont pour fonction de stimuler l’activité cognitive de l’apprenant et de le mettre au centre du processus d’apprentissage ; cependant leur utilisation pose la question de la cohérence l’apprentissage. Cette description correspond à ce que Christian Puren appelle le modèle d’éclectisme car il semble qu’il n’y ait plus ici de cohérence méthodologique.

Par ailleurs, une autre catégorie d’enseignants s’inscrit dans une autre logique dite de complémentarité et voient dans ces matériaux la possibilité de les utiliser “séparément ou conjointement, occasionnellement ou systématiquement”. Ces pratiques ne donnent pas la première place à la technologie, mais à l’apprentissage qui se fait par la diversité des ressources et des situations. La cohérence n’est pas interne, c’est-à-dire donnée par la technologie, mais externe, elle vient de l’enseignant et de l’apprenant201. Car c’est en donnant au dispositif une cohérence méthodologique, qui ne peut venir de la seule technologie, mais qui est à élaborer par les spécialistes de l’apprentissage - englobant enseignants et apprenants dans le même processus de formation -, que le triangle didactique pourra être réellement équilibré. Nous penchons pour cette troisième voie qui conduit l’enseignant à donner à chaque support une fonction spécifique dans le processus d’apprentissage, comme cela sera démontré dans la suite de ce travail.

Notes
200.

Nous reprenons la dénomination établie par Christian Puren pour les modèles historiques à propos de l’innovation technologique en didactique des langues, La didactique des langues étrangères à la croisée des méthodes Essai sur l’éclectisme, CRÉDIF-Didier, 1994. Voir le chapitre 1.2.2.1..

201.

Nous ne suivons que partiellement la définition proposée par Christian Puren qui renvoie au modèle d’autonomie : “Il y a des intégrations didactiques partielles autour de chaque technologie nouvelle, ces différentes intégrations didactiques partielles étant conçues comme complémentaires les unes des autres; mais les principes de cohérence globale viennent de l’extérieur, à savoir des apprenants eux-mêmes”. in Clés à venir, CRDP de Lorraine, n°10, 1996.