2.2.1.2. Les signes iconiques : analogie et situation d’énonciation

Pour la commodité du travail, nous avons séparé les signes plastiques des signes iconiques, même s’il s’avère que lors de la perception ils sont donnés à lire simultanément. Cependant, lors du décodage en situation didactique, les signes plastiques et iconiques pourront chacun apporter un niveau de signification différent et donc complémentaire. Il s’agit maintenant de repérer leur variété et leur richesse qui présentent un intérêt pour l’apprentissage. Nous reprenons le modèle du signe iconique défini par le Groupe µ en début de chapitre, qui considère à la fois le plan de l’expression et du contenu iconique. On préférera à l’ancienne définition des signes iconiques, désignant les unités visuelles qui permettent la ressemblance, celle de reconnaissance des objets du monde, par rapport à un type dont ils sont l’actualisation. En effet,

l’image (cinématographique ou photographique) n’est lisible que si on reconnaît des objets et reconnaître, c’est ranger dans une classe, de telle sorte que le chat comme concept, qui ne figure pas explicitement dans l’image, s’y trouve réintroduit par le regard du spectateur.318

Étudier les signes iconiques, c’est s’intéresser aux éléments du contexte, c’est-à-dire aux éléments qui ne sont pas inscrits dans l’énoncé mais, dans ce que Patrick Charaudeau appelle, “les circonstances du discours”319. Nous distinguerons les signes non-verbaux qui forment avec les signes para-verbaux “un dialecte corporel” porteur d’informations, et avec lesquelles l’apprenant étranger doit se familiariser : l’apparence physique, l’habillement, le maintien, les mouvements et les attitudes, l’intensité de la voix, les gestes, l’expression du visage. On prête généralement peu attention à tous ces éléments contextuels porteurs d’implicites320, donc de sens, qui demandent à être décodés parce qu’ils font partie du fonctionnement de la communication. Il est ici essentiel de redire après Goffman :

‘“Même si un individu peut s’arrêter de parler, il ne peut s’empêcher de communiquer par le langage du corps. Il peut parler à propos ou non. Il ne peut pas ne rien dire”321. ’

Plus l’apprenant développera une compétence de décodage/compréhension, plus il accèdera facilement et de manière autonome au discours télévisuel. Parmi les nombreux signes iconiques, on retiendra les traits pertinents qui dans une perspective d’apprentissage vont servir à la construction d’une réalité et à l’identification des personnes, des objets, et des lieux. C’est en effet essentiellement aux images qu’est attribué le rôle de décrire, parfois complété par le verbal. On reprend ici les fonctions de la description que J.M. Adam attribue au récit, à savoir mettre en place le cadre de l’histoire : construire l’espace-temps et présenter les acteurs de l’histoire. Nous sommes ainsi amenée à nous placer dans une perspective d’analyse des messages télévisuels qui dépasse la catégorisation réductrice des genres, et trois strates sont à distinguer pour parler des objets et des personnes qui sont donnés à voir dans le mouvement.322 Seront analysés dans un premier temps les éléments statiques, mais non immobiles, qui servent à l’identification des locuteurs. On sous-estime généralement lors de la compréhension du message des éléments tels la posture, la distance du locuteur, ou le décor, qui contiennent des informations socioculturelles sur le locuteur et sur la situation d’énonciation. Dans un deuxième temps, nous traiterons les éléments dynamiques, c’est-à-dire les codes mimo-gestuels qui permettent un apprentissage du comportement non-verbal, principalement le regard. Une distinction supplémentaire s’établira ensuite au niveau des locuteurs, plus particulièrement à propos du statut des personnes à l’écran qui est marqué par le fonctionnement du média. Dans un dernier temps, on s’intéressera aux lieux représentés qui forment le dernier aspect de la situation d’énonciation. La démarche utilisée ira du général au particulier, ou du simple au complexe, suivant le processus cognitif de la perception/ compréhension des signes iconiques.

Notes
318.

Iouri Lotman cité par Martine Joly, L’image et les signes, op. cit., p. 98.

319.

Patrick Charaudeau, Langage et Discours, p. 20.

320.

Nous précisons que nous ne nous référons que partiellement à la notion d’implicite définie par “des contenus qui ont, en commun, la propriété de ne pas constituer en principe le véritable objet du dire” puisque nous avons choisi d’étudier le contenu des images et leurs rapports avec le verbal. Catherine Kerbrat-Orecchioni, L’implicite, Colin, 1986, p.21.

321.

Erwin Goffman, “Engagement” in La nouvelle communication, Paris, Editions du Seuil, 1981, p. 269.

322.

Carmen Compte retient pour sa part trois éléments qui auront auprès des apprenants plus de signification : les acteurs, et la permanence d’archétypes ; les décors naturels, ou en studio, qui donnent des indications sur le statut social des personnages ; et les costumes qui révèlent des données sociales qui n’apparaissent pas toujours dans les dialogues. La vidéo en classe de langue, Hachette, 1993, p. 82.