2.2.1.4. Les signes plastiques : esthétique et implication culturelle

Parmi les diverses catégories de signes plastiques significatives pour l’image animée nous en retiendrons ici trois : les couleurs, la lumière et l’espace. C’est pour leur richesse en indices culturels et leur capacité à développer la créativité que les signes plastiques ont leur place dans un cours de langue. D’autres éléments signifiants, tels les formes et la texture concernent peu l’image électronique. Les formes sont plutôt à rapprocher du mouvement dans l’image et sont déterminées par les signes filmiques et iconiques. Quant à la texture, elle relève de l’aspect, d’éléments qui sont peu perceptibles dans l’image électronique, par exemple le grain, la trame... Malgré tout l’impression du toucher peut être donnée dans l’image par l’emploi de plans spéciaux comme le très gros plan qui fait passer par le canal visuel la perception de la texture : on peut voir là une synesthésie.

Nous avançons comme hypothèse que, dans la démarche de lecture/perception du spectateur-apprenant, les signes plastiques contribuent à la construction du sens du message, même si l’apprenant n’en a pas toujours conscience. En effet, la première perception de la réalité étrangère au travers d’un document audiovisuel est essentiellement culturelle, basée sur la reconnaissance de la différence. Pour reprendre l’expression de Bourdieu, si la culture est “la capacité de faire des différences”399, il faut apprendre à la développer dans un cadre d’apprentissage. Mais dépasser une lecture naïve des images exige un apprentissage et la fréquentation d’oeuvres culturelles : si certaines règles sont reconnues et apprises inconsciemment, d’autres sont acquises explicitement lors d’une lecture interculturelle, c’est-à-dire à partir de sa propre culture et en apprenant à la distinguer de la culture-cible. A travers les signes plastiques, nous voyons le moyen pour l’apprenant d’acquérir une compétence culturelle étrangère que Louis Porcher définit ainsi :

‘“Apprendre une culture étrangère c’est donc repérer les distinctions que cette culture opère, les classements qu’elle instaure et auxquels elle est fidèle. Connaître une culture étrangère c’est savoir faire les mêmes classements que les indigènes de cette culture, opérer la même distribution des distinctions.”400
Notes
399.

Pierre Bourdieu, La distinction, notamment le sens esthétique comme sens de la distinction, pp. 59-73, Paris, Seuil,1979.

400.

Louis Porcher, “L’enseignement de la civilisation”, Revue Française de Pédagogie, n°108, 1994, p.8.