2.2.2. Les signes sonores : les rapports texte-image

2.2.2.1. Le verbal

L’apprenant de français langue étrangère est confronté pendant son apprentissage à divers types de langue orale qui proviennent de méthodes, de documents “authentiques” - tels qu’ils ont été décrits dans la première partie - ou encore de documents enregistrés par l’enseignant, que nous avons qualifiés de DTV, sans oublier les discours des participants de la classe. La classe de langue reste le lieu spécifique des discours didactiques, tels que les a décrits Francine Cicurel, l’enseignant est cependant amené à y introduire des discours étrangers qui proposent à l’apprenant d’autres modèles de langue que le sien propre, et de plus en plus au moyen de discours médiatés. Pour poursuivre l’étude des messages issus des médias sous l’angle sonore, la dimension verbale nous semble bien sûr la plus appropriée à l’apprentissage de la langue et de la communication ; il ne faut pourtant pas négliger d’autres spécificités sonores qui participent à la construction du message, ce sont les bruits et la musique. Les recherches sémiotiques ont montré leur co-occurrence avec les signes verbaux et visuels et combien leur décodage reste souvent inconscient, profondément culturel, notamment pour la musique. Il en ressort une complémentarité des éléments dans la communication orale qui est multicanale et plurisémiotique.

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Dans une perspective d’apprentissage, les différentes dimensions de la communication orale doivent être mises en évidence et nous nous appuyons sur le schéma élaboré par Jean-Louis Malandin qui distingue quatre niveaux d’analyse de l’interaction, chacun apportant des informations spécifiques423.

Un premier niveau est la transcription (1) de l’énoncé linguistique (totale ou lacunaire) avec ou sans écoute du document sonore, c’est une aide à la compréhension surtout dans le cas de documents bruts présentant des bruits, parasites, prises de parole multiples ; la transcription sert au repérage des caractéristiques propres à l’oral, ou encore à passer de l’échange oral à l’expression écrite. Elle met en évidence pour l’apprenant la complexité du discours oral et de la communication, cependant, elle ne peut rendre les éléments prosodiques et non-verbaux. Un autre niveau est constitué par l’étude du message sonore (2) d’un point de vue prosodique, intonatif et expressif, de l’environnement sonore (3) (indices, bruits, ambiance) et de la présence du locuteur (4) (effet de proximité, traces et marques linguistiques). Il faut ensuite étudier la communication non verbale (5) et deviner le comportement, la mimique et la gestuelle du locuteur ainsi que la situation de communication (6) : les conditions de l’enregistrement font qu’on a affaire à une information radio, un discours public, une conversation, une interview, un cours .... Enfin, un dernier niveau concerne la personnalité des acteurs (7), leur tempérament : ils sont à situer par rapport au discours qu’ils produisent (reformulation, rectification, pauses), par rapport à leur interlocuteur (éléments phatiques) ou bien aux informations qu’ils transmettent (modalisation) ; il faut parvenir à reconstituer des pans de la réalité ou de l’événement (8).

Il a été constaté que, pour l’étude de documents audio où le locuteur est absent du champ visuel du récepteur, la communication non verbale est mentalement reconstruite par celui-ci. L’image est donc un facilitateur de compréhension du document audiovisuel puisqu’elle fournit déjà de nombreuses informations sur le contenu. Ne pouvant traiter tous les aspects de la langue orale, nous centrerons notre étude sur la dimension discursive, apte à développer la compétence de communication chez l’apprenant en nous appuyant sur les analyses menées auparavant pour le système visuel. Nous renverrons fréquemment aux nombreuses études concernant le matériel verbal et para-verbal et insisterons davantage sur les rapports intersémiotiques dans le but de montrer l’étroite interdépendance des deux canaux. A travers quelques exemples de la langue des médias, nous verrons comment donner des repères à l’apprenant pour utiliser ses compétences visuelles dans le décodage des spécificités sonores, et développer une compétence d’interprétation.

Notes
423.

Jean-Louis Malandin, Soixante minutes... soixante voix, ... soixante exercices, BELC, 1985, p. 177.