3.2. L’interview vidéo : une expérience communicative interculturelle

3.2.1. Le contexte d’enseignement/apprentissage

Dans le cadre d’un enseignement de l’oral, il nous a paru nécessaire de proposer aux apprenants de F.L.E., - étudiants vivant en France, de différentes nationalités, de niveau intermédiaire ou débutant -, des activités centrées sur des pratiques authentiques de la langue. Le matériel vidéo a déjà prouvé ses avantages didactiques depuis plusieurs années, principalement pour la possibilité qu’il offre aux apprenants de réaliser un projet audiovisuel. Le média est un moyen pour l’apprenant de se mettre en scène sous forme de lettres vidéo (échanges dans le cadre scolaire), de petits films ou d’interviews vidéo “sur le terrain”, c’est une pratique parfois utilisée dans la formation d’enseignants479, plus rarement avec des apprenants de langue. Il s’agit ici, d’une part, d’utiliser le média vidéo pour mettre l’apprenant dans l’image, au centre du processus médiatique. Et d’autre part, d’élargir le cadre traditionnel de la classe de langue et de s’appuyer sur l’environnement français pour favoriser d’autres discours, différents de ceux de la classe de langue. En effet, comme l’a bien montré Francine Cicurel480 la classe de langue érige des lois qui tendent à éliminer certaines productions langagières et à en encourager d’autres. On retiendra surtout à propos de la dimension communicative la disparité des rôles de l’enseignant et de l’apprenant, l’enseignant imposant l’enjeu communicatif ; et à propos de l’objet langue, la nature fortement métalinguistique des discours produits dans la classe. Par contre, les échanges avec des locuteurs natifs dans un lieu “hors la classe” nous paraissent promouvoir des discours où la langue a une forte valeur communicative, mais où la dimension didactique n’est pas exclue. Si l’apprenant occupe une place centrale dans cette nouvelle situation d’apprentissage, c’est en partie grâce au support vidéo qui, comme nous allons le voir, a pour fonction de faciliter l’engagement et la prise d’autonomie de l’apprenant.

L’interview vidéo met l’apprenant dans une situation d’apprentissage et de communication nouvelle qui à moyen et long terme doit l’aider à s’intégrer linguistiquement et culturellement dans le pays étranger. L’intégration culturelle passe bien sûr par la fonction véhiculaire de la langue étrangère, mais elle sera surtout facilitée par la pratique et la fréquentation de dispositifs interculturels qui seront plus facilement réalisables sur place que dans la salle de classe. Ce type d’expérience linguistique et culturelle devrait également enrichir l’apprentissage et développer la motivation de l’apprenant. Avec Wolfgang Bufe, on peut alors se demander

‘“comment la composante interculturelle peut contribuer à un enrichissement de l’enseignement des langues et, inversement comment la formation interculturelle peut s’améliorer par l’apport de la langue étrangère.”481
Notes
479.

Wolfgang Bufe, “Interkulturelle Lehrerfortbildung mit Hilfe von Video, anhand von Beispielen aus dem Französischen und Portuguesischen” in Interkulturelle Kommunikation und prozeßorientierte Medienpraxis im Fremdsprachenunterricht. Grundlagen, Realisierung, Wirksamkeit. Hrsg. von W. Gienow u. K. Hellwig. Seelze: Friedrich, 1994, pp. 149-159.

480.

Francine Cicurel, Parole sur parole, CLE International, 1985.

481.

Wolfgang Bufe, “De l’enseignement des langues à la formation interculturelle Plaidoyer pour une synthèse”, Nouveaux Cahiers d’allemand 99/1, p. 134.