3.2.1.2. Objectifs de la production vidéo

Dans la perspective d’un apprentissage de la compétence de communication, la production de documents vidéo allie les compétences d’expression et de compréhension orales, qui sont inséparables. En effet, l’apprentissage résulte non seulement d’une situation d’exposition à la langue, mais aussi de confrontation avec la langue et le comportement des natifs, rendue ici possible par des conditions privilégiées : le fait de se trouver en milieu naturel. On sait d’autre part que la compréhension joue un rôle fondamental dans l’acquisition d’une langue étrangère, en ce qu’elle précède l’expression. De son côté, la production orale exige une des compétences les plus complexes, et les difficultés sont autant d’ordre linguistique que psychologique et culturel. Comme cela a été souligné par les linguistes, le point de départ en expression ne peut pas être la forme linguistique, mais le concept. C’est le contenu langagier et communicationnel qui a guidé notre démarche (entrer en contact avec des Français, leur poser des questions sur..., mettre en pratique les formules de politesse), et non la forme linguistique isolée (objectifs grammaticaux). Nous voyons dans l’interview vidéo le moyen d’atteindre un objectif acquisitionnel : amener l’apprenant à une prise de conscience de son apprentissage, il peut grâce aux images vidéo percevoir le fonctionnement de la langue dans sa dimension verbale et non-verbale. Ceci n’est possible qu’en situation pédagogique réflexive, c’est-à-dire par le biais de l’enregistrement vidéo ; le visionnement des matériels enregistrés fait partie du processus didactique et permettra d’observer d’un point de vue distancié la réalisation produite. Il sera par exemple intéressant de voir l’évolution de l’apprenant par rapport à la phase de préparation (phases 1, 2, 3 du tableau), l’assurance que prennent certains ou au contraire les difficultés d’élocution chez d’autres. L’accent sera mis sur les différentes situations d’interlocution qui sont choisies par chaque apprenant, sur leur capacité à s’adapter culturellement et linguistiquement au locuteur natif (phase 4). On comparera à partir de la phase de préparation linguistique la situation d’écrit et l’interview, les scripts écrits permettent de voir comment l’apprenant passe d’un contexte didactique à un autre, médiatique, et d’un support écrit au domaine de l’expression orale.

Le matériel brut rassemblé est dans un premier temps la trace sonore et visuelle du travail mené par les apprenants. Son utilisation rejoint ici celle de l’autoscopie et permet d’observer le déroulement de la séquence didactique, sous l’angle linguistique aussi bien que communicationnel486. C’est la phase d’action 1, phase 6 du tableau. On peut envisager une phase d’observation post-tournage, et mener une évaluation de groupe. Ou bien, pratiquer l’autoscopie seul face au document, car l’auto-évaluation semble facilitée d’un point de vue psychologique par l’absence du regard des autres. Un visionnement autonome, mais en présence de l’enseignant, permet à l’apprenant de franchir une nouvelle étape dans l’apprentissage, celle de la prise de conscience de son apprentissage.

Le matériel vidéo peut servir, dans un deuxième temps (phase 7 du tableau), à un nouvel usage : après une opération de montage, le film devient lui-même support didactique. Ce travail sur le matériel brut exige certes quelques compétences techniques, mais aussi une appropriation du contenu filmé et peut être en partie réalisé par les apprenants. Là se pose la question de l’utilisation de ces documents vidéo (film, documentaire, interview). Wolfgang Bufe y répond en mettant l’accent principalement sur la qualité des matériels : si le film s’adresse à un public d’apprenants, on pourra être moins exigeant sur la qualité technique que s’il s’agit de le diffuser dans le cadre de la formation continue ou sur une chaîne de télévision.

On retrouve finalement dans la réalisation de cette expérience les trois phases caractéristiques du cours de langue : exposition des objectifs (ici préparation technique et linguistique), entraînement-production (interviews à proprement parler), et évaluation individuelle (visionnement critique du film).

Notes
486.

Cela renvoie à des pratiques utilisées principalement dans un cadre de formation : Gérard Mottet (sous la direction de), La vidéo-formation : Autres regards, autres pratiques. La vidéo, outil de construction des compétences professionnelles des enseignants, Paris, L’Harmattan, 1997.