3.2.1.3. Acteurs et apprenants

Deux mots clés, l’autonomie et l’activité de l’apprenant, apportent une réponse aux hypothèses soulevées par la problématique de ce travail. Nous rejoignons les idées de Ludger Schiffler487 pour qui le but de l’enseignement interactif est, d’une part, de favoriser l’interaction sociale dans le groupe et d’inciter l’apprenant à l’autonomie ; d’autre part, d’amener l’enseignant à pratiquer des formes d’enseignement interactives : ce sont les activités didactiques qui conduisent à une interaction entre les apprenants. Par le cadre qu’il propose (lieu, durée, personnes, forme du film), l’enseignant agit sur l’espace de communication, différent de celui de la salle de classe, celui-ci peut avoir une influence favorable sur le déroulement des échanges entre apprenants. De plus, il s’agit de rendre l’apprenant autonome, c’est-à-dire de le considérer

‘“comme un être actif, qui prend des décisions concernant son apprentissage, seul ou en coopération avec d’autres (enseignants mais aussi co-apprenants), qui apporte autant qu’il prend en participant à l’élaboration de son programme.”488

L’apprenant est en effet autonome dans le choix et la conduite d’interviews individuelles qu’il module en fonction de ses capacités - nous allons revenir sur la thématique, le choix des lieux et des personnes en 3.2.2.-. Ainsi suivant le niveau de ses connaissances linguistiques, l’apprenant pourra rencontrer un étudiant français, une personne avec des compétences spécifiques ou un étudiant étranger avancé, plus proche de ses compétences. La rencontre avec un étudiant non francophone peut présenter au premier abord l’inconvénient d’avoir affaire à un partenaire “non authentique”, et peut décevoir l’apprenant. Mais dans un deuxième temps, le fait que celui-ci ne possède pas non plus totalement la langue cible peut communiquer à l’apprenant - surtout débutant - un sentiment de solidarité qui devrait renforcer la participation à la communication. C’est ce que nous avons pu constater avec un groupe d’étudiants débutants qui a pu ainsi interviewer avec des compétences linguistiques réduites des étudiants étrangers qui avaient une plus grande connaissance de la langue et de la France. Cela renvoie au film IV dont les interviews 5 et 6 sont transcrites en annexe.

Que l’apprenant détermine le contenu des énoncés est pour Ludger Schiffler la condition qui conduit à l’autonomie, à la participation et à la coopération dans un travail en groupe. Cette attitude, parfois nouvelle pour l’apprenant, doit conduire à faire évoluer sa représentation de l’apprentissage vers la prise de responsabilité : définir et réaliser, mais aussi gérer et évaluer son apprentissage. De l’engagement de l’apprenant dépendra la réussite de l’interview. L’activité de l’apprenant consiste à expérimenter des savoirs et savoir-faire (qui vont être abordés dans la phase de préparation) : réaliser soi-même et avec d’autres une ou plusieurs interviews filmées et en même temps prendre conscience de l’acte d’apprendre. Enfin, dernière condition pour la réalisation d’interactions spontanées, l’attitude de l’enseignant : celui-ci doit rester en retrait car :

‘“Un acte de communication spontané, déterminé par l’apprenant, est empêché lorsque l’enseignant occupe une position centrale dans le réseau de communication.”489
Notes
487.

Ludger Schiffler, Pour un enseignement interactif des langues, Hatier- Crédif, 1984.

488.

Henri Holec, “Qu’est-ce qu’apprendre à apprendre”, Mélanges pédagogiques, 1990, pp. 76-77.

489.

Ludger Schiffler, op. cit. p. 29.