L’auto-apprentissage dans un Centre de ressources poursuit deux buts : à la fois l’apprentissage de la langue, but premier de l’apprenant qui cherche à mesurer ses progrès. Mais aussi l’autonomisation, qui est le point de vue de l’institution, et dont le rôle de conseil n’apparaît pas toujours comme essentiel aux yeux de l’apprenant. Ces deux directions sont à mener de front afin d’éviter le développement d’une attitude de consommateur de l’apprenant.
Au niveau des outils que l’apprenant a à sa disposition, les possibilités quasi infinies de manipulation d’images, de textes et de sons offrent des atouts indéniables pour l’apprentissage dans la mesure où l’interactivité est au centre des préoccupations didactiques. Ceci se fait au niveau de l’élaboration du matériel où l’on peut agir sur le message et concevoir une structure communicative interactive, et qui au niveau de l’utilisateur permet la rétroaction par l’intermédiaire des outils mis à sa disposition. Cependant, il a été vu que les possibilités techniques seules ne suffisaient pas à créer les conditions d’un apprentissage autonome. Le multimédia ne fait souvent que reprendre les modes d’apprentissage déjà éprouvés et n’est donc pas toujours un instrument d’autonomie. Un premier type de produits multimédia reproduit le schéma traditionnel du “pourvoyeur d’informations”574 où peu d’interactions sont prévues entre la source et l’apprenant. En effet, il ne faut pas confondre information et savoir : avoir vu ne signifie pas avoir acquis. On peut émettre les mêmes critiques vis à vis des matériels d’autoapprentissage, qu’ils soient sur support papier, vidéo ou informatique. Un deuxième type de CD-Rom, basés sur le mode de la “découverte guidée”, individuelle, proposent des activités plus libres, et nécessitent un médiateur pour orienter l’apprentissage : l’enseignant est un conseiller et un guide pour l’apprenant -on peut ici rapprocher de ce type d’usage les produits en ligne de type Internet -. L’aspect relationnel est à souligner car celui-ci est exclu du multimédia, le support technique ne pouvant créer des interactions que d’ordre technique et cognitif. Nous rejoignons l’avis de Maguy Pothier pour qui l’utilisation optimale de matériel multimédia doit être faite en liaison avec un enseignant, “‘car elle conjugue les avantages de l’autoapprentissage et ceux du rapport et des échanges directs avec un formateur ainsi qu’entre apprenants’.”575
L’apprentissage avec des matériels multimédia ne doit pas oublier d’inclure la dimension humaine. En effet, parmi les difficultés que rencontrent les apprenants lors de l’autoapprentissage, le sentiment de solitude est souvent évoqué. Certains étudiants recherchent soit un encadrement parce qu’ils n’aiment pas trop l’autonomie, soit des activités qui permettent un contact avec d’autres apprenants576. En ce sens les heures de conversation avec des natifs sont souvent ressenties par les apprenants comme un domaine de réussite577 : ils notent des progrès d’ordre linguistique. En fait, les apprenants utilisent davantage des critères relevant de la communication que de la linguistique ; il s’agit de l’acquisition d’une aisance tant linguistique que psychologique. Par ailleurs, les apprenants se trouvent confrontés à des contraintes, absentes auparavant de la situation d’apprentissage en classe, telles que la gestion du temps et l’organisation du temps de travail. Les diverses expériences d’autonomie montrent aussi la difficulté de la tâche d’évaluation, la peur de s’évaluer ou de l’être par quelqu’un d’autre, mais aussi le manque de maturité pour conduire cette démarche - il est plus facile d’être jugé par l’enseignant par exemple -, elle pourrait alors être faite en collaboration. C’est le rôle joué par la personne-ressource et certains matériels de soutien à l’autodirection sous forme d’informations sur l’apprentissage de la langue ou de conseils pratiques qui dans tous les cas permettent une réflexion sur le processus.
Apprendre est souvent vu par les apprenants comme une activité individuelle difficile qui demande une grande régularité. Cela donne une image négative de l’apprentissage, alors que l’individualisation est un passage obligé de l’autonomisation, mais elle est aussi un frein à son développement. Cependant, l’apport des nouveaux médias réside justement dans un usage en autonomie qui présente l’avantage d’offrir une plus grande liberté que l’enseignement traditionnel. L’apprenant se sent engagé dans l’acte d’apprentissage et les rapports humains sont ici d’une importance capitale. Il pourra développer des compétences langagières nouvelles avec les autres apprenants, mais aussi avec la personne ressource dans la mesure où la relation didactique apprenant/enseignant disparaît. Mais, comme le remarque Marie-José Gremmo578, les apprenants ont encore du mal à prendre en compte le processus d’autonomisation dans l’apprentissage, à passer d’un système d’enseignement à un système d’apprentissage.
L’expression est empruntée à Diana Laurillard “Multimedia and the changing experience of the learner” , British Journal of Educational Technology, vol. 26 n° 3, pp.179-189, in Maguy Pothier “Hypermédia et autonomie”, Recherches et Applications 1997, p. 88.
Maguy Pothier “Hypermédia et autonomie”, in Recherches et Applications, Le Français dans le monde, 1997, p. 92.
Comme cela a lieu dans les Centres-Ressources de l’université de Strasbourg, un espace pour des activités d’expression orale permet d’avoir des cours de conversation de cinq à six personnes - dont le contenu est géré par les apprenants - avec un enseignant de langue, ou un étudiant natif par exemple.
Dans l’évaluation du SAAS du CRAPEL, Marie-José Gremmo fait état des domaines de réussite des apprenants notamment au travers des heures de conversation avec des natifs : cela leur a permis d’acquérir “une certaine maîtrise de soi, et confiance en soi”, “une plus frande facilité de communication, d’élocution”. in Autonomie et apprentisage autodirigé : terrains d’application actuels, p. 113.
Marie-José Gremmo, ibidem, p. 118.