3.5. Conclusion de la troisième partie

Faisant suite à l’analyse de l’usage des médias en contexte présentiel, cette partie s’est portée sur d’autres contextes d’apprentissage qui permettent à l’apprenant d’être en contact direct avec le média et cherchent à développer son autonomie. Après avoir défini ce qu’est la communication en didactique des langues, et en quoi les nouveaux médias sont aptes à favoriser la communication et à développer l’interactivité, nous avons choisi de présenter à travers deux modes d’apprentissage centrés sur les médias, d’une part la vidéo et d’autre part le multimédia, les atouts et les capacités de chacun pour l’apprentissage de la langue et culture.

Les médias à eux seuls ne créent pas la communication, ils ne sont pas garants de l’acquisition d’une compétence de communication, car ce n’est pas le support en lui-même qui est “interactif”, mais l’usage méthodologique. Parmi les différentes manières d’intégrer le média vidéo à l’apprentissage, nous avons choisi une situation où il y a interrelation constante entre la circulation didactique et la circulation médiatique. L’apprenant est impliqué dans la production d’interviews vidéo à trois niveaux : lors de la phase de préparation, il apprend des savoirs et savoir-faire d’ordre linguistique, médiatique et culturel. La communication se développe entre l’enseignant et les apprenants à propos du média et d’objectifs langagiers déterminés par le projet de la rencontre avec des natifs. Dans la phase de réalisation, le cadre d’apprentissage est proche de la situation naturelle, l’apprenant est investi du rôle d’interviewer et les enjeux sont ceux d’un contexte de communication réelle. Il y a véritablement osmose entre la communication interpersonnelle et la communication médiatique. Le média vidéo est ici un “média de documentation”. Dans la dernière phase, la réalisation vidéo est importée dans le cours de langue comme “média d’apprentissage” : c’est le moment de réflexivité sur la communication où l’image joue un rôle essentiel comme soutien à la compréhension. L’enseignant, en tant que spécialiste de l’apprentissage, est évaluateur et chargé de la conscientisation de l’apprentissage/acquisition. L’apprenant est doublement impliqué dans la situation d’évaluation en tant qu’acteur de la communication médiatée et en tant qu’évaluateur de son apprentissage.

Les outils multimédias ouvrent d’autres perspectives pour l’apprentissage de la langue et sont souvent considérés comme instruments d’autonomie. Cependant il a été vu que leurs spécificités ne sont pas totalement exploitées, et qu’il est plus facile de concevoir un produit où l’apprentissage est conçu de façon dirigée qu’apte à développer l’autonomie de l’apprenant. La nouveauté du multimédia et des CD-Rom réside essentiellement dans la multicanalité et la possibilité de développer des aides sonores, visuelles et textuelles dont l’accès est immédiat et individuel. A partir des diverses sources d’information, l’apprenant peut développer des compétences d’ordre cognitif comme la multiréférentialité qui fera appel à ses connaissances intra- et intertextuelles. Mais on constate que ce n’est pas le support qui fait la qualité du produit : certains CD-Rom sont peu coûteux, mais offrent des contenus d’apprentissage pauvres, centrés sur le système formel de la langue, sans enjeux de communication. Peu de matériels développent une réelle interactivité de l’apprenant en mettant à son service les données et les documents et en proposant des tâches communicatives. Les outils multimédias posent de réels problèmes en ce qui concerne les interactions langagières qui sont réduites à des simulations plus ou moins réussies, et gomment la dimension culturelle de la communication. Dans un cadre d’auto-apprentissage, l’utilisation du multimédia nécessite d’une part un soutien méthodologique de l’apprenant, et d’autre part la présence d’un enseignant pour apporter le regard évaluateur. C’est davantage en l’intégrant dans un enseignement de type présentiel que le multimédia peut servir à l’individualisation de l’apprentissage et trouver une dimension humaine.

Les différents usages des médias décrits ci-dessus conduisent à de nouvelles situations d’enseignement/apprentissage qui renvoient à des schémas de communication différents. Il a été constaté que selon l’origine du matériel destiné à l’apprentissage, l’implication de l’apprenant est plus ou moins grande. On attendrait ainsi des matériels pédagogiques, conçus spécialement pour apprendre, qu’ils soient les plus aptes à développer la communication des apprenants. Or, leur conception est généralement traditionnelle, l’apprentissage de la langue est une fin en soi et ne permet pas d’acquérir des savoir-faire. La communication pédagogique est de type linéaire, elle est vectorisée du matériel vers l’apprenant, sans rétroaction possible ; l’activité de l’apprenant reste superficielle. En ce qui concerne les documents authentiques, issus des médias sur support vidéo ou CD-Rom, ils permettent des interactions plus grandes avec l’apprenant dans la mesure où l’enseignant est médiateur. En effet, celui-ci a pour fonction d’organiser la réception des messages et d’assurer une double médiation : médiatique et didactique ; les interactions ont lieu à deux niveaux, entre le matériel et l’apprenant, et entre les apprenants et l’enseignant. Il faut cependant distinguer de ces matériels les CD-Rom didactisés qui sont plutôt destinés à l’auto-apprentissage et qui diffèrent des matériels authentiques dans la mesure où l’enseignant n’est plus vecteur de médiation. Ils développent une communication d’un autre type : l’interactivité avec le programme génère une communication instrumentalisée. L’apprenant agit seul sur le programme qui réagit en fonction du degré d’interactivité développé. Cet apprentissage soulève la question de l’autonomie de l’apprenant, et de ses capacités à apprendre seul. On dira qu’une acculturation est nécessaire pour user de la liberté qu’offrent les nouveaux médias et que l’apprenant deviendra de plus en plus autonome en fonction de sa culture d’apprentissage. Enfin, un autre usage des médias qui met davantage l’accent sur la dimension interpersonnelle de la communication a été présenté sous la forme de productions vidéo. Dans ce cas, l’apprenant est réellement au coeur de l’interaction puisqu’il est simultanément émetteur et récepteur de la communication. Il dirige d’une part les interactions langagières face au locuteur natif dans une situation de communication proche de la situation naturelle ; et il peut d’autre part agir rétrospectivement sur la communication médiatée en tant que récepteur-acteur dans la phase d’évaluation. Cette situation d’apprentissage a pour conséquence de modifier la place et le rôle de l’enseignant : il agit essentiellement en amont et en aval des enregistrements vidéo, mais laisse toute latitude à l’apprenant pendant les interactions avec le natif. Il apparaît donc pour chaque usage didactique des médias un type de communication spécifique où le rôle de chacun des acteurs - apprenant, langue, enseignant - est modifié, et qui offre un apprentissage plus ou moins orienté vers l’interaction langagière, ou l’interaction médiatée, voire instrumentalisée.