Chapitre 1
Quelle unité pour la mémoire ?

1.1. Nature et organisation des informations en mémoire : vue d’ensemble

La connaissance de l’organisation fonctionnelle et structurale de la mémoire humaine est un enjeu majeur dans le domaine de la psychologie cognitive. La mémoire est en effet, primordiale dans l’activité cognitive : ‘“la mémoire, c’est probablement la forme même de la cognition” (Tiberghien, 1997)’ aussi, suscite-t-elle de nombreuses recherches. Différentes disciplines apportent leur contribution dans la compréhension du fonctionnement mnésique et dans la mise en évidence des structures cérébrales impliquées : la philosophie, les études physiologiques et neuroanatomiques, les études expérimentales en psychologie animale, les neurosciences cognitives, la psychologie cognitive. Chaque approche possède ses propres méthodes d’investigation et de plus en plus de connexions se développent entre elles, permettant de préciser ce concept de “mémoire”.

Pourtant, définir ce concept de manière exhaustive n’est pas si aisé. Tiberghien (1997) propose deux définitions. Au sens strict, la mémoire est communément définie comme ‘“la capacité à réactiver, partiellement ou totalement, des événements du passé”’. Au sens large, ‘“la mémoire ne concerne pas uniquement les événements du passé, elle détermine aussi largement ce que sera notre présent perceptif. La mémoire génère en outre, de façon permanente des schémas, des cadres d’interprétation qui façonnent nos anticipations. Sa fonction n’est pas simplement de réactiver le passé, elle est aussi de détecter la nouveauté et de permettre de nouvelles acquisitions”’. Ainsi, la mémoire apparaît comme un ensemble complexe et l’utilisation du terme “mémoire” réfère souvent à différents aspects du concept : il peut s’agir des processus mnésiques (processus de mise en mémoire, de conservation des informations en mémoire, d’accès aux informations mémorisées...), des structures cérébrales impliquées, ou des représentations internes et personnelles de ce qui a été appris ou vécu par un individu.

Cette dernière référence à la mémoire motive plus particulièrement cette thèse, puisque nous nous intéressons à la nature, à la forme sous laquelle l’information est conservée en mémoire. Déterminer le format de l’unité mnésique est un problème essentiel en psychologie cognitive et fait l’objet de nombreux débats. C’est en effet un sujet intimement lié à la question, très controversée, de l’architecture de la mémoire : les multiples codes (sensoriels, moteurs, lexicaux, sémantiques, imagés...) sont-ils stockés séparément dans différents systèmes de mémoire, chacun de ces systèmes contenant un type de code particulier et possédant sa propre architecture et ses propres mécanismes, ou dans un seul système contenant tous les codes et dans ce cas, quel format commun ces différents codes peuvent-ils prendre ? Divers modèles tentent d’apporter des réponses à cette question. Deux grandes catégories s’opposent aujourd’hui, selon que le modèle proposé repose sur une analogie  informatique (modèles cognitivistes) ou sur une analogie cérébrale (modèles  connexionnistes).