1.2.1. Le concept vu comme une unité de sens dans un réseau

1.2.1.1. Le modèle de Collins & Quillian (1969)

Ce modèle propose de rendre compte de la récupération de l’information stockée en mémoire sémantique et de certains aspects de la compréhension. Le modèle de Collins et Quillian (1969) est fondé sur l’hypothèse selon laquelle les concepts sont représentés par des “noeuds” et postule que la mémoire sémantique est constituée d’un ensemble de “noeuds” reliés entre eux. Les concepts sont des unités de sens. Chaque noeud ou concept est associé à certaines propriétés ou attributs, et tout concept est défini par ses relations avec les autres concepts (Figure 3). Les relations entre les noeuds sont donc conceptuelles et de type “emboîtement” (“inclusion”) : une propriété existant à un niveau donné est implicite aux niveaux inférieurs. Ainsi, chaque propriété ne figure qu’une seule fois dans le réseau, au niveau du concept le plus général caractérisé par la propriété en question (principe d’économie de stockage). Par exemple, le fait que les noeuds-exemplaires “poule”, “canari” et “perroquet” aient des plumes, n’est pas rattaché à chacun des noeuds cités, mais uniquement au noeud-catégorie “oiseau”. Chaque noeud ayant une relation superordonnée avec d’autres détermine qu’il est membre d’une certaine catégorie. Ainsi, la mémoire sémantique est définie comme une organisation hiérarchique catégorielle, associant des représentations statiques, permanentes. Dans ce type de modèle, les connaissances sont localisées, stockées à des adresses précises.

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Figure 3 - Illustration d’une structure hypothétique de la mémoire représentant une hiérarchie à trois niveaux (d’après Collins et Quillian, 1969).

L’idée de base, sous-jacente à cette représentation des connaissances, est que la lecture d’une phrase (e.g., “un canari est un oiseau”) active en mémoire les concepts correspondant aux mots clés (i.e., “canari” et “oiseau”) et que la compréhension et le jugement de véracité de la phrase passe par la recherche d’une relation entre les deux concepts activés. Cette recherche consiste à suivre simultanément les liens qui partent des noeuds concernés. A chaque nouveau noeud rencontré, le “système” laisse un indice spécifiant le noeud immédiatement précédent et le noeud source. Une relation entre deux concepts est trouvée quand, sur un même noeud, apparaissent des indices correspondant aux deux noeuds sources initiaux. Cette diffusion de l’activation, des noeuds activés aux noeuds associés, est supposée se faire de manière continue et à vitesse constante.

Ainsi, ce genre de modèle hiérarchique postule qu’il est possible de prédire le temps de vérification d’une phrase du type “un canari a des plumes” ou “un canari mange” à partir du nombre de liens (ou d’intersections) qui séparent les noeuds correspondant aux concepts et propriétés dans le réseau : plus le nombre de liens entre deux noeuds est grand, plus le temps de vérification de l’existence d’une relation entre les noeuds impliqués est long. Ce principe de prédiction des temps de réponse en fonction du nombre de liens conduit donc à prédire que pour un concept donné, plus une propriété le concernant est stockée à un niveau général et distant du concept en question, plus le temps de vérification de l’existence d’une relation entre la propriété et le concept est long. Les premiers résultats obtenus par Collins et Quillian (1969) étaient conformes à leur hypothèse. Par exemple, l’énoncé “un canari a des plumes” étaient plus rapidement vérifié que “un canari mange”.

Le processus d’activation proposé par Collins et Quillian (1969) a un champ d’application très étendu et est notamment à la base de certains modèles explicatifs des effets d’amorçage que nous présenterons au Chapitre 2. Leur modèle a fait l’objet de plusieurs reformulations théoriques. Par exemple, le modèle de Collins et Loftus (1975) est une version révisée du modèle ci-dessus qui présente, entre autre, l’avantage d’expliquer de façon plus détaillée le processus d’activation et de diffusion de l’activation.